Notre droit successoral depuis septembre 2018

Réforme en deux volets
Deux types de règles s’appliquent aux successions.
- D'une part, les règles issues du droit civil. Elles déterminent qui hérite de qui, la somme due à chaque héritier, qui peut prétendre à une réserve légale, comment établir un testament valable, etc. Ces règles sont fédérales et sont donc appliquées de la même manière dans tout le pays. Aussi, si vous souhaitez établir un testament, peu importe que vous habitiez en Région flamande, dans la Région de Bruxelles-Capitale ou en Région wallonne: la part dont vous pouvez disposer en totale liberté est partout identique et vos enfants bénéficieront partout d’une part d’héritage égale. Toutefois, le 01/09/2018, plusieurs règles nouvelles sont entrées en vigueur.
- D'autre part, les règles fiscales. Elles déterminent le montant dont les héritiers devront s’acquitter au titre des taxes successorales (les «droits de succession»). Cette compétence est régionalisée depuis longtemps déjà. En règle générale, les héritiers paient moins en Flandre qu’à Bruxelles et en Wallonie. L’écart s’est encore plus creusé depuis le 01/09/2018. Attention : cela peut concerner les héritiers dans tout le pays. Les droits de succession appliqués sont en effet ceux de la Région où le défunt était domicilié le plus longtemps au cours des cinq dernières années de sa vie. Le lieu de résidence des héritiers n’entre pas en ligne de compte. Ainsi, si vous habitez à Schaerbeek ou Gembloux alors que vos parents ont décidé de passer leurs vieux jours à la côte belge, vous devrez payer les frais de succession à la Région flamande lors de leur décès.
Les nouvelles règles successorales en un mot
- La réserve légale des enfants ne s’élève plus qu’à la moitié de la succession, quel que soit le nombre d’enfants.
- Si les parents survivent à leur enfant mort sans descendance, ils n'ont plus chacun droit à minimum un quart de la succession.
- Lors de l'ouverture de la succession, le montant originel de toute donation (biens mobiliers ou immobiliers) est réévalué en fonction de l’inflation.
- Il est possible de conclure préalablement un pacte successoral avec les héritiers.
- Les droits de succession diminuent en Flandre.
- En Flandre, les jeunes peuvent hériter sans devoir payer droits de succession, grâce à la donation en cascade.
Vous avez une question sur le droit successoral? Nos experts de la ligne de conseil succession répondent à vos questions le mardi, de 9h00 à 12h30 et de 13h00 à 17h00:
Tout ne change pas dans le droit successoral.
Par exemple, la ligne d’héritiers (on parle de "dévolution légale") reste la même. Il s’agit des règles applicables lorsque s’ouvre une succession en l’absence de toute mesure spécifique (notamment un testament).
Les règles en matière de testament ne sont pas non plus modifiées. Vous pouvez donc léguer vos biens à qui vous voulez. Vous n’êtes toutefois pas totalement libre de fixer les montants que vous allouez de cette manière. Il vous faut tenir compte de ce qu’on appelle la réserve légale. Est ainsi désignée la part de la succession dont il vous est dans tous les cas interdit de priver certains héritiers légaux, comme votre partenaire ou vos enfants. Ils ont toujours le droit d’exiger cette réserve. En pratique, vous pouvez uniquement disposer à votre guise de la quotité disponible. Depuis le 01/09/2018, votre marge de manœuvre en la matière est un peu plus importante.
Réserve légale revue à la baisse pour les enfants
Auparavant, la réserve légale pour les enfants dépendait du nombre d’enfants: la moitié de la succession s'il n'y en avait qu'un, deux tiers s’ils étaient deux, trois quarts à partir d’au moins trois enfants.
Le nombre d’enfants n’a désormais plus aucune importance. La réserve légale est ramenée à la moitié de la succession.
Rien ne change donc si vous n’avez qu’un enfant, il peut toujours prétendre à la moitié de l’héritage. Par contre, si vous avez au moins deux enfants, leur réserve est moindre qu’avant. En tant que parent, vous pouvez donc toujours disposer librement de la moitié de votre patrimoine.
Réserve légale des parents supprimée
Jusqu’alors, si vous mouriez sans enfant mais que vos parents étaient toujours en vie, ils pouvaient réclamer une réserve légale sur votre succession. Chacun des parents pouvait prétendre à un quart de l’héritage. Donc, si vos deux parents étaient encore en vie, vous ne pouviez disposer librement que de la moitié de votre patrimoine. Si vous n’en aviez plus qu’un seul, cette proportion passait à trois quarts.
Il n'y a désormais plus aucune réserve légale pour les parents. Ils restent certes héritiers, mais ne jouissent plus d’aucun droit de préséance. Si vous souhaitez laisser votre héritage à un tiers, vous ne devez donc plus tenir compte d’éventuelles prétentions de vos parents. Par contre, s’ils sont dans le besoin, vos parents peuvent réclamer au bénéficiaire une créance alimentaire (un capital unique ou une allocation périodique).
La valeur d’une donation
Donné, c’est donné. Telle est la règle pour une donation. Cependant, quand s’ouvre une succession, on tient compte de la donation faite précédemment.
En règle générale, une donation est réputée être une avance sur l’héritage. En clair, lors de votre décès, l’héritier concerné devra «rapporter» ce qu’il a précédemment reçu de vous (cette règle ne s’applique pas à un non-héritier). L’objectif est de rétablir l’égalité entre tous les héritiers légaux et de veiller à ce que chacun perçoive la part qui lui est légalement due (la personne concernée reçoit alors une part plus mince d'héritage puisqu’elle y a déjà eu partiellement droit de votre vivant).
Il faut par ailleurs tenir compte du risque encouru si la valeur de la donation est plus élevée que votre quotité disponible. Un des héritiers réservataires peut en effet exiger la "réduction" de la donation à l'ouverture de la succession puisque, sans cela, il ne percevrait pas sa réserve légale. Le bénéficiaire devra dès lors restituer une partie de la donation.
Auparavant, ce rapport devait être fait en nature. Donc, si vous aviez légué une maison en donation à un enfant, il fallait rapporter la maison telle quelle dans la succession. Évidemment, les héritiers avaient le droit de conclure entre eux un accord afin que la maison de l’enfant en question reste à lui et que les autres reçoivent en échange une compensation financière. Mais quand on ne parvenait pas à se mettre d’accord en famille, une vente forcée de la maison n’était pas à exclure.
Pour fixer, lors de l'ouverture de la succession, la valeur de la donation faite précédemment, on prenait en compte l’inflation dans le cas des donations d’argent et de biens mobiliers, tandis que, dans le cas d'une donation d'immeuble(s), on se référait à la valeur réelle de ces immeubles au moment de l'ouverture de la succession. En pratique, la plus-value d’un bien immobilier pouvait donc être supérieure au différentiel dû à l’inflation (par exemple si le bien était situé dans un quartier dont la valeur urbanistique avait augmenté). Ainsi, même si un montant identique avait à l’origine été donné en argent et en bien immobilier, la donation du bien immobilier pouvait avoir pris plus de valeur que l’argent au moment de l’ouverture de la succession.
Deux nouvelles règles sont applicables en la matière.
- Désormais, la réduction se fait dans tous les cas en espèces. C'est donc la valeur de la maison qui est ajoutée à la succession, non la maison elle-même. Le donataire est ainsi certain de pouvoir conserver la maison.
- Plus important encore, toute donation est rapportée à l’inflation. Cela vaut tant pour les biens mobiliers que les biens immobiliers. En d’autres mots, on indexe la valeur du bien au moment de la donation sur celle qu’elle a au jour du décès. Si deux enfants ont par le passé reçu de leurs parents le même montant chacun, cette égalité est désormais rapportée au moment du décès, compte tenu du fait que les deux montants seront indexés de la même manière.
Le pacte successoral global
Il s’agit là d’une des principales innovations.
Grâce à un pacte successoral global (également appelé "pacte familial"), vous pouvez régler les modalités de votre succession à l’avance avec vos héritiers. Il était jusqu’alors interdit d’établir de son vivant des conventions à ce sujet avec diverses parties. En soi, cette interdiction reste de rigueur, mais une exception est aménagée pour les familles qui souhaitent au préalable coucher par écrit certaines affaires afin d’éviter tout déchirement au sein de la famille lors du décès.
Il faut pour cela satisfaire à différentes conditions et toutes les personnes concernées doivent jouer cartes sur table lors du partage.
L’objectif est que tous les enfants sachent exactement comment l’héritage sera réparti et ne puissent plus le contester à votre décès. Un pacte successoral peut donc s’avérer utile lorsque la succession est particulièrement complexe. C’est par exemple le cas si vous avez déjà fait des donations par le passé (dont la valeur doit parfois être recalculée), si vous avez financé pour un enfant des études plus onéreuses que celles d’un autre ou si vous souhaitez un saut de génération lors de la succession.
Vous pouvez également vous servir de ce document afin de favoriser vos beaux-enfants, faute de quoi ils n’hériteraient en effet rien de vous, puisque vous n’êtes unis par aucun lien de parenté.
Un pacte successoral ne vous contraint pas à partager un héritage. Vous pouvez y exposer une situation qui n’avait jamais encore été constatée par écrit. Vous pouvez par exemple déclarer que la donation faite précédemment en faveur d’un de vos enfants servait à compenser l’aide financière accordée à un autre de vos enfants lors de ses études à l’étranger. Vous ne risquez donc pas que ce sujet revienne sur la table à votre décès. Si le document ne contient aucune autre disposition, l’héritage sera distribué suivant les règles normales. Vous pouvez aussi convenir dans un pacte successoral d’avantager un enfant souffrant d’un handicap, puisqu’il ne pourra à l’avenir se prendre en charge que beaucoup plus difficilement que ses frères/sœurs.
Un pacte successoral global n’est possible qu’entre parents (ou un seul parent) et leurs enfants (éventuellement leurs petits-enfants), ainsi que les beaux-enfants en cas de famille recomposée. Aucun pacte successoral entre, par exemple, un oncle et son neveu n’est donc admis.
Tous les membres de la famille, tant les parents que les enfants et les éventuels beaux-enfants, doivent signer le pacte successoral devant un notaire. Au plus tard un mois avant la date à laquelle ils souhaitent signer, ils doivent recevoir du notaire une ébauche du pacte et être convoqués chez lui afin d’être informés du contenu et surtout des conséquences du texte. Sur demande, chacun d’eux peut solliciter un rendez-vous individuel chez le notaire et prendre le temps de demander conseil auprès d’un autre notaire.
Une note marginale spécifique est nécessaire lorsque vous faites une donation dans un pacte successoral. Celle-ci devient automatiquement une donation notariale, puisque le pacte est signé devant notaire. Des droits de donation sont donc dus.
Des droits seront également de mise lorsque vous consignez par écrit avoir donné précédemment une somme d’argent dans le cadre d’un don de la main à la main ou d’un virement bancaire. Ce don manuel ou bancaire vous a permis à l'époque d’échapper à ces droits. Mais dès que vous le mentionnez dans un acte notarié, ce don devient une donation notariée et est en principe soumis aux droits de donation.
Sauf éventuellement en Flandre! Grâce aux nouvelles règles successorales qui y sont en vigueur depuis le 01/09/2018, vous avez le choix en pareil cas. Soit vous souhaitez que la mention du don fasse office de preuve, auquel cas les droits de donation sont dus. Soit vous ne voulez pas de preuve, auquel cas il n'y a pas de droits de donation. Toutefois, cette deuxième solution implique une prise de risque: si vous décédez dans les trois ans, la donation sera ajoutée à la succession pour le calcul des droits de succession. Cela entraînera au final une imposition plus lourde. Le choix dépend de l’état de santé du donateur et de la probabilité qu’il soit toujours en vie trois ans plus tard.
En Wallonie, on songe à exonérer les dons de la main à la main repris dans un pacte successoral. Aucun plan de ce type n’existe pour le moment à Bruxelles. Optez pour la sécurité et prenez toujours conseil auprès d’un notaire.
Parallèlement à la réforme du droit successoral, la Flandre a également revu les droits de succession. Les nouvelles tranches d’imposition et taux plus bas s’appliquent à certains héritiers si le décès survient au plus tôt le 01/09/2018. Certaines personnes sont même en partie exonérées automatiquement de droits à l’avenir.
Par ailleurs, de jeunes héritiers peuvent hériter net d’impôts sur une partie grâce à la donation en cascade.
Droits de succession plus faibles
Nous passons en revue les trois catégories d'héritiers à distinguer en Flandre.
Pour un partenaire et un héritier en ligne directe
Le partenaire (marié ou cohabitant) du défunt et les héritiers en ligne directe (parents, enfants, grands-parents, petits-enfants, etc.) sont sur un pied d’égalité quant aux droits de succession.
En tant que cohabitant en Flandre, vous êtes assimilé à un partenaire marié pour les droits de succession si vous êtes cohabitants légaux ou si vous êtes cohabitants "de fait" depuis au moins un an (trois ans pour l’exonération du domicile familial).
- Comme partout en Belgique, il n’y avait déjà plus de droits de succession pour le partenaire sur la partie dont il héritait du domicile familial. Désormais, en Flandre, une exonération partielle est également accordée pour les biens mobiliers (argent, comptes, meubles, auto, etc.): il n’y a plus de droits de succession sur la première tranche de 50 000€. Cela peut rapporter jusqu’à 1 500€.
- Rien ne change en règle générale pour la plupart des enfants. Ils continuent à payer des droits de succession au taux applicable pour la ligne directe. Toutefois, un enfant de moins de 21 ans qui a déjà perdu un parent et perd le second (ou si le second parent est inconnu) est désormais exonéré de droits de succession sur le domicile familial ainsi que sur la première tranche de 75 000 € de biens mobiliers (argent, compte, meubles, bijoux, etc.).
Pour un frère/une sœur
Sur la première tranche de 35 000€, les droits de succession ne s’élèvent plus qu’à 25% au lieu de 30% auparavant. Le taux maximal de 65% valable pour la tranche supérieure à 125 000€ a été supprimé. Celui-ci s’élève désormais à 55%.
Pour une tierce personne
La troisième catégorie d’héritiers en Flandre comprend tant les oncles/tantes, neveux/nièces que toute tierce personne (au sein de la famille et en dehors).
Pour eux, la première tranche de 35 000€ est désormais taxée à 25% au lieu de 45%. Le taux maximal de 65% valable pour la tranche supérieure à 125 000€ a été supprimé. Le taux le plus élevé possible est désormais de 55%.
Récapitulatif
Vous trouverez ici un aperçu des taux applicables aux droits de succession dans les trois Régions de notre pays.
VERS LES TABLEAUX REPRENANT LES DROITS DE SUCCESSION
Le saut de génération
Il est question de saut de succession ou de génération lorsqu’un grand-parent décide de faire hériter directement ses petits-enfants ou qu’un parent prend l’initiative de transmettre immédiatement l’héritage de son propre parent à son/ses enfants(s). Cette technique existe dans les trois régions. Elle permet d’aider la jeune génération. En effet, on évite ainsi que deux générations qui se suivent au sein de la même famille ne doivent payer deux fois des droits de succession.
Voici où le bât blesse: si c’est le parent qui souhaite le saut de génération pour ses enfants, il doit être disposé à renoncer totalement à son héritage et, en conséquence, à ne rien hériter lui-même lors du décès du grand-parent en question.
Sauf en Flandre. Vous pouvez désormais y accepter totalement un héritage et en transmettre ensuite une partie, nette d’impôts, à la génération suivante par donation en cascade. C’est particulièrement avantageux pour les biens immobiliers, puisque vous ne pouviez échapper jusqu’alors aux droits de donation en pareil cas. Ces droits disparaissent en Flandre lors d’une donation en cascade.
Il y a toutefois des conditions. Il doit s’agir d’un héritier en ligne directe ou du partenaire (marié ou cohabitant). La donation doit être consignée dans un acte notarié dans l’année suivant le décès (un testament et un pacte successoral ne suffisent pas). Par ailleurs, les droits de succession doivent être payés en Région flamande: le défunt doit y avoir eu son domicile pour la plus longue période de temps au cours des cinq dernières années de sa vie. Le donateur doit lui aussi être domicilié en Flandre. L’économie réalisée sur les droits de donation ne peut excéder ce qui est dû au titre des droits de succession.