Nos enfants face à la pollution

Nos différentes analyses (urines, cheveux) menées auprès d'enfants depuis 2019 révèlent à quel point ils sont exposés, voire déjà contaminés, par de multiples substances chimiques. La pollution est un problème complexe, ses effets sur la santé le sont tout autant. Nous faisons le point dans ce dossier.
Introduction
On suspecte aujourd'hui de nombreuses maladies (cancers, maladies cardiovasculaires, maladies auto-immunes ou encore neurodégénératives), ainsi que certains problèmes de reproduction d’être causés par des facteurs environnementaux comme la pollution (air, eaux, sols), notre alimentation et les addictions (tabac, alcool, drogues).
Le problème de la pollution chimique est particulièrement vaste et compliqué, comme le sont ses effets sur la santé, notamment parce que les substances chimiques interagissent dans notre corps: elles se dégradent (et parfois, les produits de leur dégradation sont encore plus dangereux), elles se combinent entre elles (« effet cocktail »), certaines s’éliminent plus facilement que d’autres...
Tous concernés, à des degrés divers
Par ailleurs, certaines franges de la population sont plus sensibles à la pollution comme les femmes enceintes et leur foetus, les bébés et les enfants, les adolescents, les personnes âgées et les personnes immunodéprimées et/ou souffrant de pathologies chroniques - maladies respiratoires (allergies, asthme, BPCO), maladies cardiovasculaires, diabète, etc. Confronté aux mêmes polluants, chaque organisme y réagit différemment: à exposition identique, chacun de nous affiche en effet une sensibilité plus ou moins importante vis-à-vis de telle ou telle substance, et notre corps y répond à sa façon.
Nos tests face à cette pollution
En 2019, nous avions étudié l’exposition des enfants à certains pesticides via la présence de ces substances dans des échantillons d’urine. Ces molécules chimiques étant éliminées du corps, il s'agissait alors d’une exposition et non d’une contamination.
Cette année, nous avons analysé l’exposition chronique et donc la contamination d'enfants à 1 800 polluants organiques grâce à un autre type de biomonitoring, via une mèche de cheveux (ci-dessous, notre conférence de presse à ce sujet).
Dans ce dossier consacré à la pollution à laquelle sont exposés nos enfants, nous abordons :
- Différents polluants, comme les pesticides et les perturbateurs endocriniens
- Les tests de biomonitoring : en quoi cela consiste-t-il exactement ?
- Les résultats de nos tests: chiffres d'exposition et de contamination de nos enfants aux polluants
- Les effets potentiels sur la santé
- Des conseils pour limiter son exposition et se protéger
Les pesticides
Sous ce vocable se cachent des produits phytosanitaires agricoles et biocides. Les pesticides sont partout, ils touchent aujourd’hui 100 % de la population.
Les quantités produites par l’industrie étaient infiniment plus petites il y a un demi-siècle. Le problème existe vraiment depuis une quinzaine d'années: de 3 millions de tonnes de pesticides utilisées dans le monde en 2001, nous sommes passés à 4 millions en 2016, soit une augmentation de près de 50 %. Le problème vient surtout de la mondialisation de l’alimentation (mais on utilise des pesticides ailleurs qu'en agriculture). Chaque jour, nous consommons des fruits et légumes venus du monde entier. Si certains pesticides sont réglementés en Europe, n'oublions pas qu'ils peuvent toujours être utilisés ailleurs. Ainsi, avec 22,9 kg de pesticides par hectare de terre agricole, le Costa Rica est le champion du monde en la matière. Il en déverse pratiquement dix fois plus sur ses cultures que la Belgique (qui est pourtant le 3ème pays européen à utiliser le plus de pesticides par hectare de cultures). Or, le Costa Rica est un gros exportateur de fruits exotiques (banane, ananas, melon...) et de café, toutes cultures qui exigent une grosse quantité de fongicides et d'insecticides.
Toutefois, en termes de valeur totale, c'est la Chine qui épand le plus de pesticides au monde. Les États-Unis arrivent en deuxième position, suivis du Brésil et de l'Argentine, deux autres gros exportateurs agricoles.
En Europe, la Commission a prévu en mai 2020 de réduire de moitié l’utilisation de pesticides d’ici 2030. Selon des données (2018) de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les Pays-Bas et Chypre sont les premiers consommateurs de pesticides dans l'Union, juste avant la Belgique (8,5 kg/hectare de terres cultivées). Une étude réalisée par Initiative citoyenne européenne (ICE) a également montré que la Belgique est un pays particulièrement confronté aux pesticides. L'analyse de la présence de 30 pesticides à l’intérieur des logements a montré que c'est chez nous qu'on en trouve le plus, dans la poussière des chambres à coucher (en zone d'agriculture intensive): 23 pesticides retrouvés sur les 30 analysés, contre en moyenne 8 dans les 21 pays étudiés. Parmi les substances détectées, des cancérogènes, des inhibiteurs de la cholinestérase (insecticides pouvant causer de graves intoxications)et des perturbateurs endocriniens.
Les pesticides sont transportés par l’air lors des épandage et lors des moissons
De nombreuses études épidémiologiques ont démontré un lien entre la proximité de zones agricoles et l’incidence de certaines maladies et problèmes de santé comme le cancer, l’infertilité, des fausses couches, des malformations congénitales et des troubles hormonaux. Les pesticides sont transportés par l’air lors de leur épandage, mais aussi lors des moissons, lors desquelles ils sont remis en circulation et se retrouvent parfois assez loin de l’endroit où ils avaient épandus à l'origine. Les bébés par exemple, qui rampent sur le sol et mettent nombre de choses à la bouche, sont, en zones rurales, constamment exposés, à travers la poussière, à des pesticides qui ont voyagé dans l’air et se sont déposés dans les maisons.
Qu'est-ce qu'un perturbateur endocrinien?
Les préoccupations liées aux perturbateurs endocriniens (PE) ont émergé il y a une vingtaine d'années. Les perturbateurs endocriniens sont des substances ou des mélanges chimiques, d'origine naturelle ou artificielle, qui peuvent interférer avec notre système hormonal. De nombreux polluants chimiques qui pénètrent dans notre corps ont la capacité de prendre la place de nos hormones; ils peuvent se fixer sur les récepteurs des cellules humaines à la place de nos propres molécules.
Le système endocrinien
Le système endocrinien est composé de toutes les hormones qui circulent dans notre corps. Il régule tous les processus biologiques, de la conception jusqu’à l’âge adulte (développement du cerveau; du système nerveux, la croissance, la fonction du système reproducteur, le métabolisme, les niveaux de sucre dans le sang…). Les glandes hypophysaires, thyroïdiennes et surrénales, les ovaires et les testicules, sont des constituants majeurs de ce système endocrinien.
Les hormones agissent comme des messagers chimiques. Elles circulent dans tout notre corps, mais seules les cellules cibles dotées de récepteurs compatibles peuvent leur répondre. Plus de 50 hormones ont été identifiées chez l’homme et d’autres vertébrés. Elles contrôlent et régulent de très nombreux processus biologiques, bien qu'elles soient souvent produites en quantités exceptionnellement faibles dans le corps. A l'instar du mécanisme qui lie une serrure et une clef, de nombreuses hormones agissent en se liant aux récepteurs de nos cellules; une fois reliés, le récepteur exécute les instructions de l’hormone, soit en modifiant les protéines existantes de la cellule, soit en activant des gènes qui vont construire de nouvelles protéines. Ce duo hormone-récepteur active ou désactive des processus biologiques spécifiques et essentiels dans les cellules, les tissus et les organes.
La pollution leurre notre organisme
Les récepteurs sont comme des serrures et les messagers, comme des clefs. Dès lors qu'un polluant chimique se fait passer pour un messager de nos propres molécules, un récepteur peut être leurré. La parfaite correspondance des deux déclenche une action au niveau de l’organe qui régule nos hormones. La mauvaise interprétation de l’organe cible peut conduire à des réactions, à long terme, très dangereuses pour l’organisme. C’est ce qu’on appelle des perturbations endocriniennes, qui peuvent donc avoir des effets néfastes sur des fonctions aussi essentielles que la reproduction, la croissance, le développement ou encore le métabolisme et l'immunité. Ces effets concernent les personnes directement exposées, mais également leur descendance dans certains cas.
Certains polluants chimiques peuvent "mimer" nos hormones
La toxicité de plusieurs substances est déjà documentée. Ainsi le bisphénol A, dont l’exposition est associée à un risque accru de certains cancers, de troubles métaboliques ou de baisse de la fertilité, ou encore certains phtalates, qui peuvent altérer la reproduction.
Ces substances sont partout, dans les logements, bureaux, magasins en passant par l’air, l’eau et l’alimentation. On en trouve aussi dans les produits pour enfants, le matériel électronique, les emballages alimentaires, les cosmétiques, les vêtements, les matériaux de construction... Quelque 84 000 substances chimiques sont commercialisées. Le consommateur se dit bien souvent que si c’est vendu, ça doit être sûr pour la santé... Pas forcément : seul 1 % de ces milliers de substances a subi des tests pour déterminer le risque de perturbation endocrinienne.
La réglementation européenne REACH (Registration, evaluation and authorisation of chemicals), mise en place depuis 2007 pour préserver la santé humaine et l’environnement, ne semble malheureusement pas aussi efficace qu’on l’aurait voulue. Elle prévoit normalement que les entreprises fassent répertorier les substances chimiques qu’elles commercialisent par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Mais vu le nombre énorme de nouvelles substances, l’ECHA n’en contrôlerait que 5 %. Il en résulte que chaque année, des substances dont on ignore les effets sur la santé sont commercialisées et se retrouvent pour l'instant dans nos biens de consommation.
Un « biomonitoring » consiste en la détection de substances (ou de leurs métabolites) dans le corps humain, notamment par le prélèvement d'échantillons de sang, tissus, cordon ombilical, cheveux et d'urines dans le but de constater l’exposition d’une population à ces substances. Il permet d’obtenir une estimation réelle et globale de l’exposition des personnes aux substances chimiques, toutes sources et voies d’exposition confondues. À ce titre, le biomonitoring est particulièrement utile pour le suivi de substances qui sont largement distribuées dans l’environnement, qu'il soit intérieur ou extérieur (dans les eaux, l'air, les sols), mais également dans l’alimentation et les produits de la vie quotidienne (matériaux divers, produits d'entretien, jouets, etc).
- En 2019, nous avions étudié l’exposition des enfants à certains pesticides via leur présence dans des échantillons d’urine. Il s’agissait de molécules chimiques éliminées du corps, donc d’une exposition et non d’une contamination.
- En 2021, nous avons analysé l’exposition chronique (= contamination) des enfants à 1 800 polluants organiques (dont pesticides, parabènes, phtalates, bisphénol, retardateur de flamme…) via leur présence dans les cheveux, par la technique de la chromatographie liquide couplée à une spectrométrie de masse. Une mèche de cheveux de 3 cm, et d'un millimètre de diamètre (soit environ 50 à 70 cheveux) a été prélevée sur la tête de chaque enfant, à partir de la racine. Cela correspond à environ 3 mois d’exposition aux polluants, partant du principe qu'un cheveu pousse en moyenne d'1 cm par mois. Les résidus des émissions du trafic routier tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques, le formaldéhyde et le monoxyde de carbone ne sont pas couverts par l’analyse car d’autres méthodes sont nécessaires pour les détecter.
Pourquoi dans un cheveu ?
Le cheveu constitue une sorte de « mémoire biologique » permettant d’identifier et de dater une éventuelle exposition à une ou plusieurs substances toxiques. Il constitue la seule matrice adaptée à l’étude d’une longue période d’exposition aux polluants. Pourquoi ? Parce qu'il se sert du sang (il a besoin de ses protéines) pour pousser. Les polluants, absorbés par notre corps, sont transportés par notre sang. Le cheveu se sert du sang pour pousser. Les polluants, circulant dans le sang, sont automatiquement captés par la trame du cheveu lors de sa pousse et sont figés.
Afin d’analyser uniquement la présence de polluants dans la structure du cheveu, un lavage préalable est intégré dans la procédure d’analyse. Ce lavage permet de le décontaminer de tous les polluants extérieurs, comme la pollution atmosphérique ou l’utilisation de produits anti-poux. Seuls les polluants ayant circulé à l’intérieur du corps sont ainsi dépistés. On peut dès lors parler de contamination à ces polluants et non plus seulement d’une exposition chronique.
Cette contamination peut entrainer une toxicité chronique pour la santé des enfants. La toxicité chronique découle d’une administration répétée d’un polluant à des taux non toxiques. A long terme, l’effet le plus communément observé est la perturbation endocrinienne. Les polluants organiques et inorganiques s’intercalent dans les millions de systèmes enzymatiques régis par les hormones du corps. Les mécanismes de défenses (système immunitaire) vont s’atténuer, voire se modifier. Puis viendront les effets cliniques: mutagène (effets sur le matériel génétique) à cancérigène (cancers), maladies auto-immunes, reprotoxiques (troubles de la fertilité), neurotoxiques (effets sur le système nerveux).
Les familles des enfants qui ont participé au biomonitoring ont aussi dû répondre à un questionnaire santé reprenant les symptômes éventuels, les comportements alimentaires, l’exposition à certaines produits et la situation du logement afin de vérifier un lien éventuel entre la santé, les comportements et l’environnement et les polluants détectés lors de notre test.
Les résultats montrent que tous les enfants sont contaminés par un cocktail de substances chimiques (à part 3 sur 101, chez qui un seul polluant a été détecté). Même des petits âgés d'à peine 3 ans peuvent déjà être contaminés par plusieurs molécules. Une grande variété de polluants potentiellement dangereux pour la santé a été trouvée:
- 261 substances différentes ont été trouvées au total, dont 56 chez plus de 2 enfants;
- 23 substances interdites ont été détectées;
- En moyenne, le labo a trouvé entre 5 et 6 polluants par enfant;
- Un tiers des enfants (31 %) sont contaminés par plus de 7 polluants (jusqu’à 12). Ces profils correspondent à des profils de toxicité chronique élevée, donc à surveiller, mais ce n’est pas un seuil d’alerte (celui-ci se situe à partir de 20 polluants);
- Un tiers des enfants (29%) présente un profil de toxicité chronique faible (de 1 à 3 polluants).
- 39 substances ont été trouvées à des aires supérieurs à 5 millions (ce qui correspond en moyenne à 1 nanogramme de substance par gramme de cheveu). A partir de cette valeur, il pourrait y avoir un risque de contamination de l’organisme par la substance. Parmi ces substances, 15 ont été détectées à plus de 10 millions d’aire, ce qui correspond à une contamination significative par les polluants, et donc à des molécules sourçables (dont on peut trouver l’origine en étudiant le mode de vie et l’environnement de l’enfant, pour l’éliminer.)
On a retrouvé des pesticides interdits en Europe, qui proviennent de produits venant de l'extérieur de l'Union européenne. Nos organismes sont aussi pollués par des composés chimiques qui ne sont pas directement commercialisés mais qui sont utilisés dans la synthèse d’autres produits. Ces analyses démontrent la généralisation de la contamination de nos milieux de vie et de nos organismes.
Au sein d’une même famille, nous observons des détections de polluants différents, même parmi les (vrais) jumeaux. Si leur environnement est proche, chaque enfant a ses habitudes, ses nourritures ou boissons préférées, son école, ses vêtements… L'imprégnation toxique est très souvent différente pour chaque enfant d'une même famille. Il faut aussi savoir que chaque enfant peut réagir différemment à une exposition aux mêmes toxiques. Cela va dépendre de sa sensibilité propre aux différentes substances chimiques.
Substances retrouvées les plus significatives
Une phytohormone (1-Naphthylacetic acid), régulateur de croissance des plantes utilisé notamment pour les cultures de pommes, olives, pommes de terre, oranges, a été trouvée chez le plus grand nombre d’enfants (16).
Un intermédiaire de synthèse (Tri-iso-butyl phosphate) a été trouvé chez 13 enfants, il est utilisé dans le secteur du textile, l’industrie adhésive comme plastifiant, anti-mousse. On le retrouve principalement comme retardateur de flamme dans les produits d'entretien ménager et les tissus d'ameublement. Mais aussi dans les plastiques, les textiles, adhésifs, colorants, additifs pour peintures.
Un herbicide (fluometuron, 12 enfants): utilisé pour le contrôle des mauvaises herbes, surtout dans les cultures de coton et cannes à sucre.
Un molluscide (métaldehyde, 11 enfants) utilisé dans la lutte contre les limaces et les escargots pour les plantes ornementales notamment et en agriculture (avocat, agrumes, baies, brocoli, chou, artichauts). La métaldéhyde est classée comme ayant une évidence suggestive de cancérogénicité, mais insuffisante pour évaluer le potentiel cancérigène chez l'humain. Une incidence plus élevée de tumeurs hépatiques bénignes a été observée chez les souris. Les produits molluscicides dont la concentration en métaldéhyde est supérieure ou égale à 3% sont désormais classés cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction par l’Europe.
Un autre intermédiaire de synthèse (P-cresol, 10 enfants): servant notamment à la synthèse d'autres produits chimiques. Utilisé dans les désinfectants, désodorisants, agents de conservation du bois. On peut le retrouver dans les aliments (désinfection ou aromatisant), dans le bois, la fumée de tabac, pétrole brut, goudron. Des crésols ont été détectés dans une grande variété d'aliments et de boissons, y compris des œufs, fruits, des légumes, des produits laitiers, des produits de farine, jus divers,… Cancérigène potentiel et troubles du système nerveux central. L'intoxication chronique peut provoquer des altérations hépatiques, rénales et pancréatiques.
Un produit de dégradation d’un insecticide de la famille des carbamates (Carbofuran-3-OH-7-phenol, 10 enfants). Ce pesticide carbofuran interdit en Europe est utilisé contre les insectes des cultures (pommes de terre, blé, riz, soja, agrumes, raisins, légume, coton, luzerne). Le carbofuran est suspecté être un perturbateur endocrinien. Il pourrait provoquer l'infertilité et/ou altérer le développement du foetus. Mais il est aussi neurotoxique et peut provoquer des pathologies (syndrome de fatigue chronique, maladie de Parkinson).
Un fongicide et un troisième intermédiaire de synthèse viennent ensuite dans la liste des substances les plus retrouvées (8 enfants). La dodine est utilisée pour son action contre la gale, la tache des feuilles et d'autres maladies foliaires pour les pommes, poires, pêches, cerises, fraises, noix, oignons, roses. Autorisée mais suspectée d’être reprotoxique. L’indole est utilisé par l'industrie du parfum, comme constituant de nombreux parfums de fleurs (comme la fleur d'oranger et le jasmin). Mais c’est aussi additif alimentaire. Autorisé et non dangereux.
L'insecticide Diazinon (Dimpylate) agit contre les insectes suceurs et broyeurs (pucerons, acariens, araignées). Utilisé pour: pommes, poires, prunes, canne à sucre, riz, pois, oignons. Inhibiteur de la cholinestérase (altération du développement neurologique chez le foetus et chez les nourrissons, syndrome de fatigue chronique, maladie de Parkinson). Possible perturbateur endocrinien (effets sur les œstrogènes, sur la reproduction). Provoque fatigue, faiblesse, irritabilité, dépression. Interdit en Europe depuis 2007 et inscrit en 2017 sur la liste des substances cancérogènes (groupe 2A) de l'IARC.
L'insecticide Pirimicarb agit aussi contre les pucerons (blé, fraises, pommes, agrumes, pommes de terre, betteraves, coton, tabac, cultures de graminées). Autorisé mais sous surveillance.
Le fongicide et antibiotique « streptomycine » apparaît sept fois. Origine: traitements médicaux à base d'antibiotiques (chez l'humain et en usage vétérinaire, p.ex. contre les infections intestinales chez le veau et le porc), traitements agricoles (arbres fruitiers, vergers, vignobles, entre autres pour la lutte contre le feu bactérien). Interdit comme pesticide en Europe depuis 2004.
Un autre herbicide (Ethiozin) pour le contrôle des graminées et de certaines mauvaises herbes à feuilles larges dans les cultures de céréales. Autorisé mais peut être neurotoxique, et suspecté d'être cancérigène et mutagène. Peut aussi perturber le système gastro-intestinal.
Un médicament vétérinaire (Sulfaquinoxaline), utilisé comme antibiotique pour la prévention et le traitement des maladies des porcs, vaches, moutons, poulets et dindes. Risque de toxicité pour le foie et les reins (contamine via l'alimentation carnée).
Un antiseptique et antifongique (Phenylacrylic acid - Cinnamic acid) utilisé par l'industrie chimique en tant qu'intermédiaire de synthèse, par l'industrie alimentaire en tant qu'agent aromatisant, et l'industrie cosmétique en tant que molécule odorante. Présence dans les parfums et les aliments mais non dangereux.
Un plastifiant (Octicizer) pour les emballages alimentaires, et également retardateur de flamme. On peut le trouver dans les films papier (emballage de la viande), revêtements de sol, sièges en mousse, textiles, literie. Neurotoxique.
Viennent ensuite: Blasticidin S (antibiotique, 5 enfants), Destomycine A et Ftalofyne (médicament vétérinaire), Metamitron-desamino (herbicide), TTPA (plastifiant, retardateur de flammes), Aldimorph (fongicide, suspecté d'être un PE), Benfluraline (herbicide), Butopyronoxyl (insecticide), DNOP (phtalate interdit dans les jouets et articles de puériculture), Fenazaquin (insecticide/acaricide/miticide), Indaziflam (herbicide), sénécionine, Potasan (insecticide contre les doryphores), Pyrocatechol (intermédiaire de synthèse et précurseur de produits chimiques), Quintiofos (insecticide), strychnine (rodendicide), Triaziflam (herbicide), DNOC (insecticide interdit depuis 1999).
D'où viennent ces polluants ?
La contamination peut se faire par l'alimentation (résidus de pesticides sur les fruits et légumes, médicaments vétérinaires dans la viande et les produits laitiers), par l'eau potable, par inhalation, ingestion et contact cutané lors de l’utilisation de produits à la maison, dans le jardin ou par les pesticides dans l’air dans les zones résidentielles proches de zones agricoles.
La présence dans les cheveux analysés de médicaments vétérinaires comme des vermifuges ou antibiotiques, peut être liée à une grande consommation de viande et produits animaux (fromage, lait, etc.). Ces produits sont utilisés par le milieu vétérinaire pour traiter les animaux. De même, certains insecticides pour animaux (contre les mouches, tiques, puces, etc.) peuvent aussi provenir de l’alimentation.
Toutes les grandes cultures céréalières (blé, orge colza…) sont largement traitées contre les insectes, parasites, maladies, afin de maintenir des rendements élevés. Les céréales sont aussi traitées sur les lieux de stockage, notamment en raison des risques de moisissures.
Le choix de la nourriture affecte le niveau de polluants dans le corps. Mais un régime alimentaire conscient, de qualité, local et/ou bio ne garantit pas que l’organisme absorbera peu de toxines. En plus de la nourriture, les substances chimiques pénètrent également dans le sang par la peau ou par la respiration. Le lieu de résidence a aussi une influence majeure sur l’exposition aux polluants. Vivre à la campagne peut être dangereux: des études récentes le prouvent, qui portent sur la propagation des pesticides dans l’air et montrent que les produits de pulvérisation sont distribués par le vent à des kilomètres de distance.
En plus, de nombreuses substances toxiques ne se dégradent que très lentement dans l'environnement. C'est ainsi qu'on peut trouver des résidus dans le sol, l'eau et l'air même des années après leur interdiction. Ce sont des polluants organiques persistants (POPs). Deux exemples de pesticides très persistants sont le DNOC et l'atrazine, interdits depuis des années. Ces deux substances font partie des produits chimiques que le laboratoire a trouvés. En raison de leur persistance élevée, on retrouve des POPs partout dans l’environnement (sol, air, eau, sédiments), même des années après l’arrêt de leur utilisation (pollution historique), et indirectement via l’alimentation lorsque l’on consomme des aliments riches en graisses comme les produits laitiers, les œufs, la viande et certains poissons, mais aussi par l’eau, le sol et les poussières qui contiennent aussi des résidus de ces polluants historiques.
Enfin, les produits utilisés dans nos logements (nos conseils) peuvent aussi amener leur lot de contaminants, que ce soient des produits d’entretien, de bricolage, des cosmétiques, des matériaux d’ameublement, des meubles, des appareils électroniques, etc.
Effets sur la santé
Le risque pour la santé n’est pas immédiat, mais chronique. Cela veut dire que c’est l’exposition dans la durée à ces substances qui peut s’avérer dangereuse Et plus le nombre de substances chimiques auxquelles on est exposé est grand, plus le risque de maladies augmente à cause de l’effet cocktail (voir ci-après). En toxicité chronique, ce n’est pas la dose qui fait le poison, mais la fréquence d’exposition à des polluants toxiques.
Cette exposition et cette contamination peuvent conduire au déclenchement de maladies comme des cancers, ou entraver certaines fonctions du corps (troubles de la reproduction, développement fœtal). Les effets sur l’être humain de la plupart de ces substances n’ont pas encore été étudiés. La science n’est aujourd’hui tout simplement pas en mesure d’évaluer l’impact de la plupart de ces produits sur l’humain. En l’absence de réponses précises sur les dangers de chaque produit, les consommateurs sont laissés face à leur responsabilité.
Qu'est-ce que « l'effet cocktail »?
Nous sommes donc quotidiennement exposés à de multiples composés : médicaments, pesticides, perturbateurs endocriniens, polluants, contaminants, composés organiques volatiles… Si certaines de ces substances sont encore très mal connues scientifiquement, les effets sur la santé de toutes ces substances entre elles sont tout à fait inconnus. Jusqu’à il y a peu encore, les toxicologues les étudiaient séparément. Mais cette approche est insuffisante: en effet, combinées même à faible dose, certaines molécules voient leurs effets nocifs se renforcer, s’amplifier. Certaines associations pourraient produire des effets délétères inattendus. C'est ce qu'on appelle l'effet cocktail.
Ainsi, les perturbateurs endocriniens peuvent potentiellement devenir plus nocifs quand ils se combinent et interagissent dans le corps humain. Des scientifiques de l'Inserm, de l'université de Montpellier et du CNRS ont publié début 2021 dans la revue scientifique PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) une étude qui permet de mieux comprendre l'effet cocktail des perturbateurs endocriniens, entre autre accusé d'être impliqué dans l'apparition de certains cancers et troubles de la fertilité.
De même, d'autres substances a priori sans danger pour l’Homme prises individuellement, peuvent devenir délétères lorsqu’elles sont mélangées. Ainsi du 17α-éthinylestradiol (dans la composition de certaines pilules contraceptives) et du « TNC » (un pesticide organochloré interdit, mais persistant dans les sols) peuvent se fixer simultanément sur un même récepteur (PXR) présent dans le noyau des cellules. Ce récepteur contrôle l’expression de différents gènes impliqués dans la régulation de diverses fonctions physiologiques. En se liant à ce récepteur, chacun de ces deux perturbateurs endocriniens y attire l’autre, augmentant la quantité de produit fixé. On parle d’« effet synergique ».
Les études, menées in vitro, en laboratoire, et sur des modèles animaux, ne permettent pas à ce stade de prévoir l'impact réel des associations sur la santé humaine. Les études n’en sont qu’au début, les chercheurs doivent encore travailler, notamment grâce à l’intelligence artificielle, pour étudier le plus de combinaisons possibles de substances chimiques.
Un mode de vie sain, c'est-à-dire qui fait la part belle à une alimentation équilibrée, bio et locale, à une activité sportive régulière, à un choix de produits de consommation non toxiques et à un environnement non pollué, permet de réduire quelque peu son exposition aux polluants. Il est néanmoins impossible d’y échapper entièrement, comme le montrent nos résultats, car les polluants sont partout. C’est la raison pour laquelle il faut tenter de réduire au maximum notre exposition.
Si, en tant que consommateur, nous pouvons le faire là où la transparence permet de choisir des produits plus sûrs, dans d’autres domaines en revanche, c’est au monde politique d’intervenir. Il semble évident que la législation actuelle et les valeurs limites en vigueur ne sont pas suffisantes pour protéger efficacement la population contre ces polluants. Beaucoup de pesticides devraient être interdits et les contrôles des produits à l’entrée de l’UE devraient être renforcés pour ne pas faire entrer des substances interdites. L’exposition aux pesticides pouvant engendrer des problèmes de maladies chroniques et de reproduction, entre autres, c’est une problématique de santé publique.
Ce que nous pouvons faire
A la maison:
- Aérer pour évacuer les polluants présents dans l’air intérieur. On ouvre les fenêtres complètement deux fois 15 minutes par jour. Mais aussi à chaque fois qu'on augmente les sources de pollution à l’intérieur: quand on nettoie, quand on utilise beaucoup d’électronique (par exemple au bureau), quand on a rénové une pièce ou qu’on a acheté de nouveaux meubles ou un nouveau matelas
- Choisir des produits simples: on opte pour des produits dont la liste d’ingrédients est courte (cosmétiques, détergents, etc.)
- Laver la literie, les vêtements et les serviettes en coton avant la première utilisation. De nombreux pesticides sont utilisés dans la production du coton
- Privilégier des objets et matériaux naturels, bruts, non traités et porteurs d’un écolabel
- Éviter les endroits et zones pollués (près d’usines, d'incinérateurs) ou trop proches de zones agricoles, que ce soit pour y habiter, faire du sport, se promener…
- Se laver régulièrement les mains, surtout avant de cuisiner ou de manger. Cela permet d’éliminer les substances qu’on aurait sur les mains via les poussières et les produits utilisés
- Faire confiance à son nez: une forte odeur chimique se dégage d’un objet ? On l’évite
- Laver un maximum d’objets avant leur première utilisation
- Miser sur la variété (pour ce qu’on renouvelle souvent, en matière de nourriture, cosmétiques, articles de puériculture par exemple) car ça évite une exposition prolongée aux mêmes substances toxiques. Utiliser tout le temps le même produit nous expose en continu aux substances qu’il pourrait contenir
- Être vigilant lors des achats en ligne car certains produits sont peu encadrés: préférons une origine européenne (voire nord-américaine) pour des normes plus strictes
- On évite la cigarette et la fumée de tabac à cause de leurs effets sur les systèmes neuroendocrinien, thyroïdien et reproducteur. Cela concerne aussi le tabagisme passif
- Nettoyer régulièrement pour éliminer les poussières et les perturbateurs endocriniens qui y sont accrochés. Si on utilise un aspirateur, on l’équipe d’un filtre HEPA pour retenir les particules fines
- Aménager la chambre de bébé bien avant sa naissance, puis l’aérer régulièrement avant son arrivée. La future maman doit éviter de s’occuper des travaux pendant sa grossesse
- Au jardin aussi, on évite les pesticides (et davantage encore dans le potager)
- Pour le ménage, on utilise quelques produits de nettoyage simples et naturels (comme du bicarbonate ou du vinaigre) ou porteurs d’un label. On évite les désodorisants d’intérieur et les parfums d’ambiance, que ce soit à la maison, dans la voiture ou au bureau.
L’alimentation et les contenants alimentaires peuvent être sources de nombreux polluants chimiques. On en trouve notamment dans certaines viandes et poissons qui accumulent ces composés lors de leur croissance, sur les fruits et légumes traités aux pesticides, dans les plats préparés et les snacks riches en additifs... Sans oublier les emballages et ustensiles.
- Varier au maximum la nature et l’origine des aliments. Privilégier les fruits et légumes provenant de l’agriculture biologique, de saison et locale. Eviter le riz d’Asie
- Bien laver les fruits et légumes avant de les manger avec leur peau
- Rincez le riz, quinoa et autres céréales avant de les cuire
- Retirer la peau du poisson et la graisse de la viande, et faire cuire ces aliments sur une grille pour laisser la graisse s'écouler. Ne jamais brûler du bois traité ou peint pour les barbecue
- Utiliser des contenants et ustensiles en verre, en céramique, en porcelaine, en inox ou en bois non traité plutôt qu’en plastique (spatules, boîtes de conservation…). Si on utilise tout de même du plastique, ne jamais le mettre en contact avec des aliments très acides, gras ou chauffés
- Eviter une trop grande consommation de viande et produits d’origine animale
- Eviter les plats préparés/ ultra-transformés
- Mieux vaut acheter des céréales bio et complètes. Comme la graine est consommée en intégralité, elle ne doit pas être traitée par des pesticides (pas de céréales complètes non bio, donc). Contrairement aux céréales blanches, les céréales complètes conservent leur enveloppe et leur germe. Si ces parties sont les plus riches en fibres et en nutriments, elles sont également susceptibles de contenir le plus de pesticides.
Vous avez le droit de savoir
En tant que consommateur, il est aussi possible de faire valoir son droit à l’information. En Europe, chaque consommateur a le droit de contacter un fabricant afin de savoir si son produit contient des substances chimiques extrêmement préoccupantes. Le fabricant est tenu de répondre gratuitement dans les 45 jours qui suivent la réception de la demande.