Akkermansia: un complément alimentaire douteux pour la perte de poids

L'Akkermansia Company est un nouveau complément alimentaire "minceur" qui vient d'arriver sur le marché. "Une bactérie révolutionnaire contre l'obésité", titraient les journaux lors de sa mise sur le marché. Ce produit contient de l’Akkermensia muciniphila, une bactérie qui fait partie de notre microbiote intestinal. Il se distingue des probiotiques "classiques" par sa forme pasteurisée.
Ce nouveau complément alimentaire “minceur” de The Akkermansia Company coûte la somme astronomique de 65 € pour un traitement de 30 jours. Il est promu pour un meilleur "contrôle du poids" par des professeurs qui en tirent un joli profit. Il protégerait également contre les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires et du diabète. Cependant, cela n'a pas du tout été prouvé. L'AFSCA assure un suivi à ce sujet.
Cette bactérie intestinale vous aide-t-elle à perdre du poids ?
Pourquoi ce complément alimentaire contient-il également du thé vert et du chrome ?
Comment les consommateurs sont-ils trompés ?
Cette bactérie intestinale vous aide-t-elle à perdre du poids?
Si l'on en croit les emballages et la communication de l'entreprise, ce produit aide à perdre du poids. Mais l'étude qui soutient cette allégation, selon le site web de The Akkermansia Company, n'est pas particulièrement convaincante.
Seules 40 personnes en surpoids ont participé à l’étude, ce qui est trop peu pour tirer des conclusions. Les participants qui ont pris les pilules Akkermansia ont perdu 1,73kg en trois mois. Les participants qui ont pris un placebo ont pris un peu plus d'un demi-kilo. Soit une différence d’environ deux kilos. Détail important: cet effet s'est avéré statistiquement non significatif. On est donc loin d'être certain que ces pilules fassent vraiment une différence en termes de poids corporel.
Selon les directives de l'Agence européenne des médicaments (EMA) et de la Food and Drug Administration (FDA) américaine, des études d'un an ou plus sont nécessaires pour se prononcer sur l'efficacité des médicaments amincissants. Autre condition: la perte de poids doit être d’au moins 5% de votre poids corporel (ainsi, une personne pesant 90kg doit perdre au moins 4,5kg). Pourquoi baisser la barre pour les compléments alimentaires?
Pourquoi ce complément alimentaire contient-il également du thé vert et du chrome?
Sur l'emballage, on peut lire qu'en plus de la bactérie Akkermansia, ce produit contient également du thé vert et du chrome. Ces ingrédients ne sont pas du tout repris dans l'étude mentionnée ci-dessus.
Pourquoi le fabricant les a-t-il donc ajouté? Pour nous, la raison est très claire: contourner les règles de publicité en matière de compléments alimentaires.
Si vous commercialisez un complément alimentaire, vous ne pouvez pas dire n'importe quoi à son sujet. Vous devez obtenir l'autorisation de l'Agence européenne des aliments (EFSA).
À ce jour, l'EFSA n'a approuvé aucune allégation concernant la bactérie Akkermansia. Le fabricant n'a donc pas l'autorisation de prétendre que ce produit aide à contrôler votre poids.
Pour le thé vert et le chrome, en revanche, les allégations qui ont (quelque peu) trait à l'obtention ou au maintien d'un poids sain ainsi qu'au maintien d'un taux de glycémie normal sont autorisées (également sur l'emballage), sous réserve.
L'ajout de ces ingrédients offre à la firme une échappatoire pour pouvoir continuer à faire des allégations sur l'emballage. Ils ne sont donc pas du tout liés à la bactérie Akkermansia, mais les consommateurs le pensent par association. Après tout, l'entreprise fait tout ce qu'elle peut pour donner cette impression.
Comment les consommateurs sont-ils trompés?
L'emballage de The Akkermansia Company affiche en grosses lettres "gestion du poids" et "scientifiquement prouvé". De petites astérisques précisent que cette allégation concerne l'ajout de thé vert. Mais ce n’est clair pour personne. L'étiquette donne l'impression que l'Akkermansia pasteurisé et les "30 milliards de bactéries" font une différence scientifiquement prouvée, alors qu'en fait, cela n'a pas été prouvé du tout.
La mention "contrôle du poids" sur l'emballage ne fait pas référence à la bactérie intestinale Akkermansia muciniphila, mais plutôt à l'ajout de thé vert.
À propos, jusqu'à récemment, le site web de The Akkermania Company, dont le lien se trouve sur l'emballage, affirmait littéralement qu'il était "scientifiquement prouvé" que l'Akkermansia faisait une différence. Mais cela a été modifié depuis en "scientifiquement testé", suite à une plainte du SPF Santé publique et à un article critique dans Le Soir. Comme si c'était un changement majeur pour le consommateur moyen... Cela reste trompeur à nos yeux.
Sur un autre site web, depuis mis hors ligne, la société déballe également des "allégations thérapeutiques", en faisant des déclarations sur la prévention et le traitement des maladies. Par exemple, ce médicament aiderait à lutter contre la "diabésité", un terme qui désigne l'apparition simultanée de l'obésité et du diabète. De telles allégations sont non seulement interdites pour les compléments alimentaires, mais elles ne sont pas non plus prouvées de manière convaincante.
Pour stimuler les ventes, l'entreprise compte évidemment aussi sur les pharmaciens et autres prestataires de soins de santé. Ceux-ci ont pu participer hier à un webinaire sur tous les effets bénéfiques de ces bactéries miracles. À la fin, on leur a demandé s'ils étaient convaincus de prescrire le médicament et s'ils souhaitaient recevoir la visite d'un représentant.
Pourquoi certains universitaires font la promotion de ce supplément d'Akkermansia muciniphila ... ...
Le rôle de certaines bactéries intestinales telles que l'Akkermansia muciniphila sur notre santé est étudié depuis des années par des chercheurs de l'Université Catholique de Louvain.
Les premières études ont été financées par des fonds publics. Lorsque leurs résultats se sont révélés prometteurs, l'un d'entre eux - le professeur Cani - a fondé en 2016, avec un collègue néerlandais de l'Université de Wageningen, une spin-off, A-Mansia, avec l'intention de commercialiser le produit et de réaliser des bénéfices privés.
Ce n'est pas un hasard s'ils ont commercialisé ce produit comme un complément alimentaire. C'est beaucoup plus rapide, plus facile et moins cher que de le commercialiser comme un médicament.
Avec quelques autres collègues, le professeur Cani détient plusieurs brevets sur la forme pasteurisée de cette bactérie. Il est également actionnaire et membre du conseil d'administration d'A-Mansia, désormais appelée The Akkermansia Company.
Si ses recherches fournissent des informations intéressantes et méritent d'être poursuivies, il est regrettable qu'un universitaire collabore à la commercialisation et à la promotion d'un produit coûteux dont l'efficacité n'a pas été prouvée de manière convaincante et que les consommateurs ainsi que les prestataires de soins de santé soient induits en erreur.