TA introduit une plainte devant l’ABC contre la firme pharmaceutique Leadiant

Nouvelle étape dans la lutte de Test Achats contre les médicaments vendus à des prix exorbitants. L’organisation de consommateurs a déposé une plainte devant l’Autorité Belge de la Concurrence (ABC) contre la société Leadiant. Celle-ci commercialise une ancienne molécule en tant que médicament orphelin et elle a multiplié son prix par plus de 300. L'entreprise abuse sans vergogne de son monopole au détriment de la santé des patients et du budget de l’assurance maladie-invalidité.
Cette publication a été rendue possible grâce au soutien financier de l'Open Society Foundations.
Une affection rare mais très grave
En 2017, l'Agence européenne des médicaments (EMA) a autorisé Leadiant à commercialiser le médicament CDCA-Leadiant. Le CDCA (acide chénodésoxycholique) est une molécule utilisée pour traiter la xanthomatose cérébrotendineuse ou XCT.
La XCT est une maladie métabolique héréditaire grave. Les patients développent souvent des cataractes à un jeune âge, souffrent de diarrhée chronique et développent progressivement des problèmes neurologiques et psychiatriques. Sans traitement, la XCT peut entraîner une mort prématurée.
Le CDCA ne peut pas guérir la maladie, mais peut habituellement l'empêcher de s'aggraver. Les personnes atteintes de cette malade doivent prendre leurs médicaments tous les jours de manière continue.
Coût minimal pour Leadiant
Depuis de longues années, le CDCA était commercialisé en Belgique sous différentes marques pour le traitement de certains calculs biliaires. La plus importante était Chenofalk, enregistrée en 1976. En 2005, le prix d’une capsule de Chenofalk coûtait 0,39 EUR. Une année de traitement d’un patient adulte coûtait alors 427,00 EUR (sur la base d’une prise de 3 capsules par jour et d’une année de 365 jours).
Cependant, bien que le CDCA soit utilisé depuis des années pour traiter la XCT, il n’avait pas été officiellement enregistré auprès de l'agence du médicament à ce titre et la XCT ne figurait donc pas sur la notice. C’est ce que l’on appelle l’utilisation « off-label ».
En 2017, la firme Leadiant a reçu l’agrément de l'EMA pour l’utilisation du CDCA contre la XCT sur la base d'un dossier composé d'études plus anciennes. Aucun investissement majeur en recherche et développement n’a donc été réalisé par Leadiant.
Des prix exorbitants
Et pourtant . Depuis 2018, le prix d’ une capsule de CDCA-Leadiant est de 140 EUR soit 153.300 EUR pour une année de traitement et par patient ! Une multiplication du prix par un facteur de 360, sans explication objective et acceptable.
Néanmoins, le gouvernement n'a eu d'autre choix que de rembourser le médicament par le biais d'une procédure spéciale. Après tout, les patients étaient sans traitement et, sans leurs médicaments, ils développent à nouveau des symptômes, voire des dommages irréparables si cela prend trop de temps. Ce type de pratiques inacceptables constitue dès lors un réel danger pour l’assurance-maladie.
Une stratégie bien rodée
Pendant des années, Leadiant s'est efforcée de se constituer une position de monopole. L'une des façons d'y parvenir était d'acheter et de retirer certains produits concurrentiels et abordables de CDCA, comme le Chenofalk. En s'enregistrant comme médicament orphelin, l'entreprise s'est assurée une position de monopole confortable pour une période de 10 ans, même si elle n'est pas protégée par un brevet. C'est un privilège que le législateur européen a introduit en 2000 pour motiver les entreprises à développer des médicaments pour des maladies rares.
Test Achats introduit une plainte
« Les pratiques de Leadiant qui mettent en danger la santé des patients et la viabilité de notre système d’assurance-maladie sont inadmissibles », dénonce Ivo Mechels, CEO de Test Achats, « c’est la raison pour laquelle notre association a décidé de déposer plainte devant l’Autorité belge de la Concurrence ». Ce n’est pas la première fois que Test Achats dénonce de telles pratiques ; on pense notamment aux dossiers Avastin/Lucentis ou Aspen. L’organisation a également organisé un symposium en novembre 2018, en collaboration avec Médecins du Monde et Kom op Tegen Kanker pour sensibiliser les partis politiques au prix de plus en plus élevé des médicaments.
L’organisation de consommateurs demande à l’Autorité de la Concurrence de constater qu’il y un abus de position dominante, d’ordonner la cessation de celui-ci et d’infliger une amende à la firme Leadiant.
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