Transparence des études cliniques arrêt important de la Cour de justice attendu demain

Un procès important opposant l’Agence européenne des médicaments et une firme pharmaceutique se joue actuellement devant la Cour de justice de l’Union européenne. L’objet du litige concerne l’application du principe de publicité de l’administration, et plus précisément, la mise à disposition d’un rapport d’étude clinique. Si la Cour devait suivre le raisonnement de la firme, c’est tout le système de transparence actuel qui serait remis en cause. L’arrêt est attendu ce mercredi 22 janvier.
Deux parties s’affrontent devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) : l'Agence européenne des médicaments (EMA) d’une part, et PTC Therapeutics, une société pharmaceutique d’autre part. Le litige porte sur la mise à disposition d’un rapport d'étude du médicament 'Translarna', développé par PTC Therapeutics contre la maladie de Duchenne, une maladie musculaire rare. Ce type de rapport est très important parce qu'il constitue la sourcé d’information la plus importante au sujet des études cliniques portant sur un médicament. Depuis 2010 déjà, l’EMA applique à ce type de rapports les règles de publicité de l’administration. Cela signifie que toute personne qui le demande est en principe en droit de le recevoir. Depuis 2016, ces rapports sont même systématiquement publiés sur le site internet de l'Agence après que celle-ci ait pris la décision d’autoriser ou non un médicament. Cependant, certaines compagnies pharmaceutiques s'opposent à cette attitude d'ouverture.
PTC a décidé de porter l’affaire devant la CJUE. "L’entièreté du rapport d’études sur Translarna doit rester secrète", disent les bonzes pharmaceutiques américains. Pas étonnant qu’une firme pharmaceutique cherche avant tout à défendre ses intérêts commerciaux. Plus étonnant et inquiétant par contre, c’est l’avis rendu par l'avocat général auprès de la Cour. Ce dernier joue en effet la carte de l'industrie et suit le raisonnement de l'entreprise selon lequel les concurrents pourraient tirer avantage du rapport, ce qui lèserait les intérêts commerciaux de l’entreprise. Selon lui, ces rapports devraient être considérés en général comme des informations commerciales sensibles.
Ce point de vue est très préoccupant, non seulement parce que la Cour a généralement tendance à suivre l'opinion de l'avocat général, mais aussi parce qu'il peut avoir des conséquences très importantes. La transparence n'est pas un concept vain. Il est réellement fondamental de bien comprendre l'efficacité et la sécurité des médicaments. L'exemple des effets sur les jeunes des ISRS, une certaine classe d'antidépresseurs, est encore frais dans les mémoires : des revues scientifiques avaient donné un tableau incomplet des effets indésirables dans ce dossier. Après que des chercheurs indépendants aient consulté et analysé les rapports d'étude complets et leurs annexes, un risque accru de pensées et de comportements suicidaires, entre autres choses, est apparu. Empêcher un examen indépendant et critique de ces études peut donc avoir de graves conséquences.
Si la Cour devait suivre le raisonnement de l'avocat général, que restera-t-il de la politique de transparence de l'EMA ? Aujourd’hui, à l’exception de quelques acteurs, tout le monde s’accorde pour dire que les résultats des essais cliniques appartiennent aux personnes qui ont participé à la recherche et, plus largement à la société en général. Mais si les rapports de recherche clinique cruciaux devaient dorénavant être considérés comme commercialement sensibles et donc confidentiels, c’est l'une des sources d'information les plus importantes sur l'efficacité et la sécurité des médicaments qui disparaîtrait.
Les intérêts commerciaux vont-ils l'emporter sur notre santé ? La transparence sur les essais cliniques est un droit et peut sauver des vies. Espérons que l’arrêt attendu demain la préserve.
Accès presse