Communiqué

Test Achats porte plainte contre un médicament à 2 millions d’euros

20 janvier 2022

Le médicament Zolgensma commercialisé par Novartis et destiné à traiter une maladie héréditaire rare, l’amyotrophie spinale (SMA), est remboursé en Belgique depuis décembre. La forme la plus fréquente de cette maladie touche les très jeunes enfants et son issue est fatale en l’absence de traitement. Le prix demandé par Novartis est de près de 2 millions d’euros, ce qui en fait le médicament le plus cher au monde. La propension des firmes pharmaceutiques à demander des prix exorbitants pour leurs médicaments « innovants » augmente chaque fois un peu plus. Pourtant, de tels prix hypothèquent tout le système de santé qui n’est plus en mesure de rembourser de tels prix et doit faire des choix douloureux. C’est ce qui a motivé Test Achats à porter plainte auprès de l’Autorité de la concurrence pour abus de position dominante. Une plainte similaire est également déposée en Italie par l’organisation sœur de Test Achats, Altro Consumo.

 

Médicament vital

Le Zolgensma est un médicament contre l’amyotrophie spinale (SMA). Cette maladie héréditaire rare peut prendre plusieurs formes dont la plus fréquente, de type 1, touche les très jeunes enfants. En l’absence de traitement, son issue est fatale. Ces petits patients fabriquent trop peu d’une protéine particulière, parce qu’il leur manque un petit bout d’ADN. Cela entraîne progressivement la mort des cellules nerveuses dans la moelle épinière et la paralysie de tous les muscles, empêchant ainsi de s’asseoir, marcher, manger et même respirer. Jusqu’à récemment, il n’existait aucun traitement. C’est la firme pharmaceutique Biogen qui a commercialisé le premier traitement contre la SMA, sous le nom Spinraza. Prix demandé ? 265 000 euros par an, la vie durant. C’est la position dominante de Biogen qui lui a permis de pratiquer un tel prix, car il n’existait pas d’autre alternative pour assurer une meilleure et plus longue existence des petites victimes de la SMA, ce que cette firme ne savait que trop bien. Test Achats avait déjà déposé plainte auprès de l’Autorité de la concurrence contre cette firme pour abus de position dominante.

 

 

Tarif scandaleux

Trois ans plus tard, Novartis a sorti un concurrent, le Zolgensma. Celui-ci améliore l’espérance de vie de la plupart des petits malades qui en bénéficient et leur permet de respirer de façon indépendante. Certains parviennent même à marcher seuls. Mais on n’en connaît pas encore les effets à long terme. Le traitement est moins invasif qu’avec le Spinraza, et c’est en théorie un traitement unique, ce qui en fait un traitement privilégié chez les tout jeunes enfants. Pour fixer son prix, Novartis a suivi la tendance donnée par le Spinraza et a commercialisé son Zolgensma au prix de … 2 millions d’euros ce qui en fait le médicament le plus cher au monde. Grâce à un crowdfunding organisé par ses parents, la petite Pia, atteinte de SMA, a pu bénéficier du Zolgensma, à l’époque où celui-ci était déjà commercialisé aux Etats-Unis mais pas encore en Belgique. Cette affaire avait fait grand bruit à l’époque et donné un coup de projecteur sur les prix exorbitants pratiqués par les firmes pharmaceutiques.

 

Bénéfices plantureux au détriment de la santé

Les firmes pharmaceutiques qui demandent des prix exorbitants pour leurs médicaments clament sur tous les tons que les montants faramineux réclamés pour leurs médicaments sont justifiés par des coûts de recherche et de développement très élevés. Etant donné l’absence totale de transparence au sujet des chiffres concernant le Zolgensma, Test Achats a fait le calcul elle-même. L’organisation estime le coût de développement du Zolgensma à 512 millions d’euros, un montant récupéré après un an déjà. Moins de deux ans et demi après la commercialisation du Zolgensma, Novartis avait déjà encaissé près de quatre fois cette somme. Sachant qu’un nouveau médicament est protégé en moyenne pendant 13 ans par son brevet, il y a donc pas mal de bénéfices en perspective. Il faut également prendre en considération que le développement de ce médicament a été financé de façon importante par des fonds publics américains, et donc par les contribuables.

 

Plainte pour abus de position dominante

Fort heureusement, la Belgique a négocié avec quelques autres pays, dans le cadre de l’initiative Beneluxa, une réduction pour ce médicament, afin de pouvoir accorder un remboursement temporaire, mais cette réduction reste secrète. Test Achats soupçonne néanmoins que le prix final est encore beaucoup trop élevé. « Non seulement Novartis abuse ainsi de sa position de monopole – ce qui est illégal – mais en plus, de tels prix exorbitants hypothèquent tout le système de soins de santé » dénonce Julie Frère, porte-parole de Test Achats. « Car il y a malheureusement beaucoup d’autres Pia. Et ces montants colossaux peuvent empêcher le remboursement d’autres médicaments prometteurs. Nous demandons depuis des années que des mesures structurelles soient adoptées pour encadrer la fixation des prix. En portant plainte aujourd’hui contre Novartis, nous tirons une nouvelle fois le signal d’alarme ». Cette plainte fait écho chez Ellen De Meyer, la maman de la petite Pia pour qui « les prix demandés pour des médicaments contre des maladies orphelines sont vraiment exagérés » et qui « espère que la plainte de Test Achats auprès de l’Autorité de la concurrence obligera Novartis à justifier son prix, parce que je pense qu’elle en est totalement incapable ».

 

Cette publication a été rendue possible grâce au soutien financier de l'Open Society Foundations.