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Les licences obligatoires, un moyen de garantir des médicaments abordables ?

14 juin 2022

Les licences obligatoires peuvent constituer l’un des outils pour mieux garantir l’accessibilité des médicaments. C’est la conclusion d’une récente étude du centre d’expertise KCE. Une bonne chose, car nous avions nous-même considéré la plus-value de ces licences il y a quelques années. Nous demandons dès lors au gouvernement de passer aux actes.

Les prix de nouveaux médicaments ont continué à grimper ces dernières années. L’affaire du bébé Pia n’en est qu’un des nombreux exemples extrêmes. Des montants aussi exorbitants mettent notre sécurité sociale sous pression. Ils freinent ou empêchent potentiellement le remboursement de certains traitements efficaces. En outre, cet argent ne peut pas non plus être consacré à des secteurs qui en ont grand besoin, comme les soins infirmiers, dentaires ou psychologiques. 

Les licences obligatoires sont-elles la solution ?

Bien que la possibilité légale existe, le sujet des licences obligatoires reste encore plutôt tabou en Belgique. Ces licences permettent aux pouvoirs publics d’autoriser un producteur de médicaments génériques à fabriquer tel ou tel médicament et à le vendre moins cher, même s’il n’est pas détenteur du brevet. Le fabricant initial, pour sa part, conserve toutefois son brevet et touche une compensation raisonnable pour le médicament en question. Cette possibilité était prévue dans la loi depuis 2005 déjà, mais le gouvernement n’en a encore jamais fait usage jusqu’ici.

Nous n’en avons pas moins remis ces licences obligatoires à l’ordre du jour du symposium avec nos partenaires Kom op tegen Kanker et Médecins du monde, comme solution possible en cas de péril pour la santé publique. Imaginons par exemple un médicament tellement cher qu’il est impossible aux autorités de le rembourser. Selon nous, ces licences sont l’un des moyens de garantir l’accessibilité à des médicaments précieux, pour tous les patients et à long terme. Plusieurs partis politiques s’étaient rangés à l’époque derrière notre proposition. Le PTB et le PvdA ont introduit une proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre de ces licences obligatoires. La Commission Santé et Egalité des chances de la Chambre a chargé le centre d’expertise indépendant KCE de voir dans quelle mesure cet instrument juridique peut être appliqué en Belgique. Et c’est ce qu’il a fait.

Le KCE conclut que ces licences peuvent constituer une plus-value quand des firmes réclament des prix extravagants, mais qu’elles ne peuvent être utilisées que dans des cas exceptionnels. Ces licences ne sont qu’un des outils possibles pour mieux garantir l’accessibilité des médicaments en Belgique. Et une coordination avec d’autres pays européens est de toute façon nécessaire.

Pas encore pour demain

Bien que les licences obligatoires soient déjà légalement une option, certains problèmes juridiques compliquent encore leur mise en œuvre dans la pratique. Le KCE a dès lors formulé différentes propositions concrètes pour permettre l’utilisation de cet instrument quand des médicaments sont inabordables. Certaines de ces propositions nous ont paru particulièrement pertinentes, notamment parce qu’elles correspondent à ce que nous avions déjà proposé antérieurement. Ainsi, le KCE réclame un rôle accru et plus actif de l’Autorité belge de la Concurrence devant des prix extravagants. Il encourage également la création d’un groupe de travail chargé de définir concrètement à quel moment le prix d’un médicament devient excessif. De telles directives nous paraissent essentielles, non seulement dans le contexte de ces licences obligatoires, mais aussi dans les négociations sur la fixation des prix et le remboursement en général. Un prix équitable doit permettre aux firmes de récupérer l’investissement consenti pour développer leur médicament, augmenté d’une marge bénéficiaire raisonnable et d'une prime à l'innovation lorsque le médicament représente une réelle valeur ajoutée pour les patients. 

Le KCE plaide également pour une révision de la réglementation européenne sur la protection des données et l’exclusivité de marché des médicaments. Ces protections particulières ne sont en effet pas concernées actuellement par les licences obligatoires, ce qui empêche la commercialisation de génériques. Selon le KCE, une collaboration entre les différents Etats membres de l’UE est indispensable, d’autant plus que des brevets pourront être octroyés au niveau européen à la fin de cette année ou au début de l’an prochain. Une occasion manquée, donc, de permettre en même temps les licences obligatoires au niveau européen également.

Test Achats et Kom op tegen Kanker demandent au gouvernement de donner suite à ces propositions du KCE, pour que cet instrument puisse enfin être utilisé dans la pratique. 

Vous trouverez sur notre site un dossier complet sur l’accessibilité des médicaments en Belgique.

Vers le dossier médicaments abordables.