Allemagne : enfin la relance ?
L’Allemagne devra se réinventer et diversifier son économie, après avoir perdu une partie de ses avantages compétitifs dans des secteurs clés.
L’Allemagne devra se réinventer et diversifier son économie, après avoir perdu une partie de ses avantages compétitifs dans des secteurs clés.
Le marché allemand, dans son ensemble, reste raisonnablement valorisé : le MSCI Germany se traite autour de 15 fois les bénéfices attendus, contre près de 21 fois pour le MSCI World.
En revanche, certains ténors de ce marché, comme SAP, Rheinmetall, Siemens et Siemens Energy, affichent désormais des niveaux de valorisation élevés. Nous nous contentons de les conserver. Il en va de même pour les groupes automobiles BMW, Mercedes-Benz, Volkswagen, Porsche AG, ainsi que Kion Group (logistique) et BASF (chimie).
Pour un achat, tournez-vous plutôt vers Deutsche Post, Knorr Bremse, MTU Aero Engines ou encore Allianz.
Le retour des Conservateurs au pouvoir, accompagné d’un accord pour abandonner la rigueur budgétaire qui freinait l’investissement, a été salué par les marchés. L’afflux attendu de capitaux, tant pour les infrastructures que pour la défense, a renforcé la confiance des investisseurs. Misant sur le renouveau de la première économie de l’Union européenne, ils ont fait flamber le DAX, l’indice boursier allemand, qui a enchaîné les records en 2025.
L’impact de la vague d’investissements ne fait que commencer, mais les doutes sur la capacité de Berlin à relancer l’économie s’intensifient. L’idée de moderniser l’infrastructure n’est pourtant pas nouvelle : en 2019, Angela Merkel et Olaf Scholz avaient déjà annoncé plus de 40 milliards d’euros. Faute de main-d’œuvre, de projets et en raison d’une bureaucratie lourde, une grande partie n’avait jamais été dépensée, le pays terminant même sur un excédent budgétaire record. Aujourd’hui encore, les premiers signaux ne sont guère rassurants. Une partie des moyens disponibles risque d’être absorbée par les retraites, les aides aux ménages et les subventions électriques, dont l’impact sur la compétitivité est limité. Les entreprises, surtout industrielles, jugent le cadre d’investissement peu attractif : réglementation stricte, contraintes environnementales élevées, difficultés de recrutement et fiscalité défavorable. Plus de 40% envisagent même de réduire l’emploi en 2026, et beaucoup pourraient se délocaliser vers les États-Unis ou la Chine, plus porteurs. Les ménages, eux, perçoivent une économie affaiblie, un pouvoir d’achat en recul et un marché du travail incertain, ce qui freine leur consommation. Les dépenses publiques exceptionnelles empêcheront une nouvelle stagnation en 2025, mais ne suffiront pas à relancer durablement la locomotive allemande. La croissance restera faible en 2026 et au-delà.
Plusieurs facteurs expliquent pourquoi l’économie allemande souffre davantage que ses voisines européennes. D’abord, le poids élevé de l’industrie, en difficulté partout en Occident alors que les services résistent mieux. Ensuite, la forte dépendance du pays aux exportations. À la fin des années 1990, l’Allemagne a misé sur la modération salariale pour renforcer sa compétitivité. Si cela a dopé les ventes à l’étranger, cela a affaibli durablement la demande intérieure, laissant l’économie très exposée à l’évolution du commerce mondial. Misant sur le haut de gamme, l’Allemagne a vu une part croissante de ses exportations se diriger vers les États-Unis et la Chine, à mesure que le pouvoir d’achat européen s’érodait. Les droits de douane américains et l’émergence d’alternatives chinoises lui portent donc un coup sévère, d’autant que sa compétitivité s’est détériorée : la transition énergétique, menée au prix de la fermeture du nucléaire et d’un recours accru au charbon, a fait flamber les coûts de l’énergie. Parallèlement, le pays peine à attirer et intégrer les talents étrangers, alors même que sa main-d’œuvre vieillit. Enfin, l’industrie allemande se retrouve en concurrence frontale avec la Chine sur de nombreux segments. Cette proximité sectorielle rend l’Allemagne particulièrement vulnérable face à la montée en puissance industrielle chinoise.
Bien sûr, l’Allemagne ne se résume pas à son industrie. Elle a su développer des entreprises compétitives dans d’autres secteurs, comme Deutsche Post (transport et logistique), SAP (technologie) ou Allianz (assurances). Le pays n’a donc pas dit son dernier mot, d’autant que certains acteurs industriels restent performants, tels que Siemens, Siemens Energy ou Rheinmetall, ce dernier ayant profité du conflit en Ukraine et du recentrage allemand et européen sur la défense. Mais l’Allemagne devra se réinventer et diversifier son économie, après avoir perdu une partie de ses avantages compétitifs dans des secteurs clés.