Trump bouscule l’Europe : 4 questions pour comprendre l’impact
Notre analyste en chef, Pierre Samain, fait le point sur l’Europe.
Notre analyste en chef, Pierre Samain, fait le point sur l’Europe.
Nous avons interrogé notre analyste en chef Pierre Samain : faut-il encore investir en Europe et comment l’intégrer dans un portefeuille aujourd’hui ?
1. Donald Trump a déclaré que l’Europe risque un « effacement civilisationnel », alors que d’autres pointent vers un déclin économique prononcé. En est-on vraiment là ?
Clairement, l’Europe a un problème de compétitivité grave et est en nette perte de vitesse. Comme le signale Jamie Dimon, patron de JPMorgan Chase, notre économie est passée de 90% du PIB américain lors de la crise économique et financière de 2008-2009 à environ deux tiers de l’économie américaine aujourd’hui. Les Européens sont donc en train de s’appauvrir en termes relatifs, non seulement par rapport aux Américains, mais également par rapport à de nombreux émergents qui développent rapidement une classe moyenne digne de ce nom.
2. Peut-on inverser cette tendance ?
Ce ne sera pas évident. Si l’on regarde la croissance américaine récente, elle dépend pour beaucoup de l’investissement en intelligence artificielle et en centres de données, extrêmement énergivores. Or, l’Europe ne dispose pas des géants de la technologie. Les contraintes environnementales et autres sont tellement importantes qu’elles rendent difficile l’installation de ces centres de données géants.
De toute manière, l’énergie est trop chère pour qu’ils soient compétitifs. Nous sommes donc mal placés pour avancer sur le front des nouvelles technologies et risquons de rester une colonie digitale des États-Unis.
Sur les secteurs traditionnels, nous avons du mal à défendre notre compétitivité face à d’autres acteurs, asiatiques notamment, qui misent beaucoup plus sur l’innovation. Ce n’est pas un hasard si le gros des équipements pour la transition énergétique nous vient de Chine ou si l’Europe demande désormais des transferts de propriété intellectuelle en provenance de Chine.
3. C’est donc sans espoir ?
Heureusement, il existe des pistes à suivre pour améliorer les choses. Le rapport Draghi les évoquait. Le marché unique reste à construire dans les services et, pour ce qui est des biens, il faudrait harmoniser les normes nationales parfois incompatibles entre les différents pays, et faciliter l’émergence de géants européens.
Il y a donc du travail, mais les choses évoluent sans véritable sens de l’urgence, et même lorsque des mesures ou programmes de modernisation sont annoncés, les contraintes et lourdeurs administratives imposées sont telles que peu en profitent.
Or, même Christine Lagarde, à la tête de la BCE, le dit : le reste du monde n’attendra pas l’Europe ; encore six années d’inactivité et de faible croissance seraient non seulement regrettables, mais irresponsables.
4. L’investisseur doit-il encore investir en Europe ?
L’Europe souffre aujourd’hui d’un déficit de compétitivité et d’un dynamisme économique plus faible que les États-Unis ou certains marchés émergents. Dans ce contexte, il nous semble prudent de ne pas surpondérer les actions européennes dans un portefeuille d’investissement.
La solution la plus simple consiste à passer par un ETF mondial, qui répartit automatiquement l’investissement sur les grandes zones économiques. Dans un ETF World, l’Europe ne pèse généralement qu’environ 15%, ce qui nous paraît raisonnable au vu des perspectives actuelles.
Bon à savoir : nos portefeuilles types, destinés aux investisseurs qui choisissent leurs positions sur la base de convictions propres, n’incluent actuellement aucune action de la zone euro.
En revanche, pour les investisseurs qui s’intéressent aux actions individuelles, l’Europe conserve de belles opportunités. On y trouve des sociétés solides, innovantes, bien gérées, capables de dégager leurs profits au-delà du marché intérieur. Nous restons ainsi à l’achat sur plusieurs valeurs européennes de qualité.