Le bout du tunnel pour Syensqo ?

Faut-il investir en Bourse dans l’action du groupe Syensqo dont le parcours boursier a déçu ?
Faut-il investir en Bourse dans l’action du groupe Syensqo dont le parcours boursier a déçu ?
Centrée sur les activités de croissance, développées pour l’essentiel à coup d’acquisitions et d’innovations au sein de l’ancien Solvay ces deux dernières décennies, l'entreprise Syensqo apparaissait lors de la scission comme l’entité la plus prometteuse, avec un potentiel bien plus élevé. C’était sans compter sur le ralentissement économique, les perturbations du commerce international et d’autres éléments encore. Contrairement au nouveau Solvay, dont le cours a été porté par son généreux dividende, le cours de Syensqo reste 24% sous les niveaux de sa première cotation. Après avoir perdu 37% entre décembre 2023 et ses plus bas d’avril 2025, en pleine crise des tarifs douaniers, il a néanmoins déjà rebondi de 21%. Est-il trop tard pour prendre le train en marche ? Faut-il profiter de la faiblesse du cours après la démission de la CEO ?
Nous vous expliquons ici pourquoi notre conseil reste toujours :
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Syensqo est actif dans ce qu’on appelle la chimie de spécialité : des activités innovantes (1/5 des ventes sont issues de produits commercialisés depuis moins de 5 ans !), largement destinées à répondre à des méga tendances structurelles : transition énergétique (électrification, allègement des matériaux dans les transports), besoin de semi-conducteurs, gestion efficiente des ressources minières et agricoles, vieillissement de la population, hausse des dépenses militaires… Contrairement à la chimie de base (produits standard comme l’ammoniac, la soude, le chlore, l’acide sulfurique…), la chimie de spécialité privilégie l’innovation, la différenciation et les services associés. Elle se focalise sur des molécules, des formulations ou des matériaux ayant des fonctions spécifiques et souvent adaptés à des usages précis selon les besoins des clients (pharmacie, électronique, cosmétique, agroalimentaire, batteries...).
Dans ce sous-secteur de la chimie, la valeur ajoutée prime sur les volumes. Le savoir-faire, les brevets et les relations privilégiées avec les clients (produits sur mesure) permettent un certain «pricing power» (capacité à fixer les prix) et ainsi, des marges en principe plus élevées.
La division matériaux (56% du chiffre d’affaires, marge EBITDA de 29% au 1er semestre) concentre le plus gros potentiel de croissance. C’est ici qu’on retrouve les polymères spéciaux (±2/3 des ventes des matériaux), des produits hauts de gamme, au sommet de la chaîne en termes de complexité de fabrication et de valorisation, permettant de répondre à des besoins très spécifiques au niveau de la résistance thermique, de la stabilité chimique, de la conductivité électrique, du poids… Les débouchés se concentrent dans les semi-conducteurs, le transport (gains de poids et matériaux pour batteries) et la santé. L’autre grande famille de produits est constituée des matériaux composites (±1/3 des ventes des matériaux), utilisés pour l’essentiel dans l’aéronautique civile et militaire. Ces produits sont utilisés comme substituts des métaux pour alléger les structures et les moteurs, améliorer l’aérodynamisme et ainsi permettre des économies substantielles de carburant.
Le deuxième grand segment est représenté par les produits de consommation (Performance & Care, 33% du chiffre d’affaires, marge EBITDA de 18,5%), utilisés dans de multiples secteurs comme l’agriculture (solvants verts, protection des semis…), les produits de soins (shampoings…), les activités d’extraction minière (réactifs…) et la construction (coating, peintures…).
Pour le reste, Syensqo est encore actif dans les ingrédients pour parfums et les arômes pour l’industrie alimentaire (leader dans la vanille synthétique).
Ces activités, regroupées dans la division Aroma Performance, font face à une concurrence en hausse et des volumes vendus en baisse. Le groupe cherche à s’en séparer.
L’objectif est le même pour les activités Oil & Gas (e.a. produits chimiques utilisés dans l’exploration pétrolière et gazière), qui souffrent de la baisse de l’activité de forage aux États-Unis ainsi que d’une concurrence accrue. Ensemble, ces activités ont généré 11% des ventes au 1er semestre avec une faible marge EBITDA de 7,3%.
Les exercices 2023, 2024 et 2025 se sont avérés beaucoup plus difficiles que prévu.
Après des années marquées par une croissance des ventes de 6 à 7% par an en moyenne, 2025 sera la troisième année d’affilée en recul.
Après une baisse de 4% en 2024, le chiffre d’affaires devrait encore diminuer légèrement cette année et la marge EBITDA 2025 du groupe devrait tomber sous les 20% (contre 23,6% en 2022 et 23,7% en 2023).
L’EBITDA 2025 (hors éléments non récurrents) devrait reculer de 8% par rapport à 2024 et sera donc inférieur de 30% à son sommet historique de 2022.
Et la rentabilité des capitaux employés ne devrait pas dépasser les 7%, contre 13,7% en 2022.
Sur la période, Syensqo aura souffert de la dégradation conjoncturelle qui a pesé à la fois sur ses volumes vendus et sur son mix de produits (baisse relative des ventes des produits les plus rentables), ainsi que de revers spécifiques à certains de ses débouchés.
Citons ainsi la percée plus lente que prévu des véhicules électriques (pour lesquels il fournit des éléments pour batteries), les grèves et les problèmes de sécurité chez Boeing, la concurrence accrue dans le secteur des arômes… Mais, malgré ces sérieux revers, il faut constater que les prix n’ont, au final, que peu souffert dans l’ensemble (+1% en 2023, -4% en 2024). Ils se sont même stabilisés sur le 1er semestre 2025.
Si les économies n’ont pas permis d’éviter l’effritement des marges, cela confirme néanmoins le pricing power bien réel du groupe.
Comme annoncé en mai dernier par Syensqo lui-même, le 1er trimestre a bien été le plus faible de l’année. Les résultats du 2e trimestre, publiés fin juillet, se sont illustrés quant à eux par une amélioration bien palpable, avec un EBITDA en progression de 7,7% par rapport au 1er trimestre, grâce au rebond des volumes vendus de polymères spéciaux et grâce aux économies de coûts mises en place progressivement (objectif de 200 millions par an d’ici fin 2026).
Néanmoins, sur base annuelle, le recul de l’EBITDA atteint encore 11,2%. Et sur les 6 premiers mois de l’année, l’EBITDA recule de 12,7%, avec un chiffre d’affaires en baisse de 3,8% à cause de la diminution des volumes vendus (-2%), ainsi que des effets de change. Le bénéfice du 1er semestre a quant à lui plongé de 62% à 0,46 EUR par action. En faisant abstraction des charges exceptionnelles (restructurations, informatique, litiges…), le recul atteint 22% à 2,33 EUR par action.
Au vu de ces résultats, de l’appréciation de l’euro et, dans une moindre mesure, de la hausse des tarifs douaniers américains (Syensqo est relativement épargné avec 80 à 90% des ventes américaines issues d’usines locales), Syensqo a revu ses attentes à la baisse pour 2025 et table désormais sur un EBITDA (hors éléments non récurrents) de 1,3 milliard d'euros, soit en recul de près de 8% (alors que groupe espérait une stabilisation). Si ces objectifs sont atteints, le bénéfice du second semestre (hors éléments non récurrents), devrait avoisiner celui du 1er semestre. Sur l’ensemble de l’année, il devrait atteindre 4,60 EUR par action.
13 280 employés
62 sites industriels / 12 sites R&D
Dans le TOP 3 mondial des ventes pour 90% de ses produits
2024 :
Chiffres d’affaires : 6,56 milliards d'euros
EBITDA : 1,41 milliards d'euros
Marge EBITDA : 21,5%
Retour sur capitaux employés : 7,9%
Politique de dividende non définie
Programme de rachat d’actions lancé fin 2024 : 300 millions d’euros (= 4% de la capitalisation boursière) dont 50% déjà exécutés
Syensqo s’est avéré plus sensible à la conjoncture que prévu au moment de la scission avec Solvay. Le contexte macro-économique et géopolitique reste délicat. La faiblesse de la demande sur la plupart de ses marchés finaux (automobile, construction, électronique…) perdure. Elle pèse sur la demande des clients, eux-mêmes confrontés au brouillard ambiant.
Il est certes difficile de prévoir le moment précis du retournement de tendance. Mais les résultats du 2e trimestre rassurent sur la capacité du groupe à protéger ses marges, grâce à la valeur ajoutée de ses produits. On ne peut hélas exclure de nouvelles déceptions à court terme au niveau des ventes. Mais l’exposition du groupe à des thématiques et des marchés en croissance structurelle (via ses polymères spéciaux et matériaux composites) permet d’espérer une hausse des ventes d’au moins 4 à 5% par an en vitesse de croisière. Avec un petit rebond des marges, aidé par la poursuite des réductions de coûts, un bénéfice de plus de 7 EUR par action (hors éléments exceptionnels) serait alors possible dès 2028. Aussi, avec une valeur comptable estimée à 68 EUR par action pour fin 2025 et un ratio valeur d’entreprise/EBITDA 2026 estimé à 6 (soit 15 à 20% sous la moyenne des principaux concurrents), l'action Syensqo reste bon marché, malgré son rebond.
Si vous avez une vision à long terme, vous pouvez acheter.
À court terme, l’annonce d’une cession des divisions Aroma Performance et Oil & Gas, ou l’annonce d’une possible double cotation aux USA, pourraient donner un coup de pouce au cours.
Enfin, l’annonce ce 17/9 de la démission de la CEO ne nous inquiète pas. Son successeur, dans la maison depuis 10 ans, est l’actuel président de la division Performance & Care ainsi que des activités non stratégiques à céder. Le passage de pouvoir se fera d’ici la fin de l’année et l’ancienne CEO conservera un poste de conseillère spéciale.
Cours au moment de l’analyse : 68,34 EUR