Notre interview.
Pour quelle raison avez-vous été tenté d’opérer sur le marché des devises ?
Le marché des devises a quelque chose de passionnant. Et apparemment il suscite l’envie. Je reçois régulièrement des mails qui me parlent de bénéfices élevés en peu de temps et je lis par ailleurs des articles qui me parlent de signaux gagnants et d’algorithmes qui font le travail à ma place. C’est pourquoi j’ai pensé qu’avec ce que je sais des marchés financiers et avec le meilleur de ce que d’autres peuvent m’apprendre je devais être en mesure de gagner de l’argent sur le marché des devises.
Comment avez-vous procédé ?
La littérature ne manque pas et la plupart des courtiers proposent énormément d’informations et de formations. Avec la possibilité qui m’était offerte de tester des démos et de faire des transactions via une plateforme gratuite et aussi complète que MetaTrader, j’avais tout ce qu’il me fallait et je me suis lancé. Ensuite je me suis plongé dans les logiciels qui peuvent effectuer automatiquement des opérations à ma place, les fameux expert advisors. Et enfin je me suis abonné à quelques bons fournisseurs de signaux qui, chaque jour, m’ont proposé des transactions potentiellement intéressantes. J’étais prêt, il n’y avait plus qu’à franchir le pas, cette fois avec un ‘vrai’ compte. Etape n° 1 : couvrir mes frais. Etape n° 2 : laisser l’argent affluer sur mon compte. De préférence par brouettes entières.
Et le résultat final ?
Je me suis assez rapidement fait coincer en misant beaucoup sur certains mouvements de devises, notamment le dollar américain et la livre sterling, qui, selon mes fournisseurs de signaux, devaient avec une quasi-certitude me rapporter gros. J’ai à peine eu le temps de souffler que mes niveaux de stop loss ont été atteints, ce qui a entraîné la vente immédiate de mes positions avec une perte de plusieurs dizaines de pour cents. J’ai recommencé et chaque fois j’ai été déçu. J’avais vraiment l’impression que je ne faisais que courir derrière les événements, par exemple le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine, la démission du Premier ministre britannique Theresa May, des statistiques macroéconomiques moins bonnes que prévu aux Etats-Unis, et ainsi de suite. J’ai pu ensuite limiter quelque peu les dégâts en réduisant la taille de mes transactions, mais pour la plus grande part le mal était fait. Au bout du compte, en deux mois, j’ai effectué 133 transactions qui se sont soldées par un bénéfice dans un peu plus d’un cas sur deux (51%). Ce qui n’a pas empêché mon avoir de baisser de plus de 50%.
Quelles sont les leçons que vous en avez tirées ?
J’ai commis l’erreur classique des débutants : miser beaucoup trop sur trop de paires de devises en me disant que c’était la meilleure façon d’éviter que les choses tournent mal dès le début. Mais elles ont mal tourné dès le début, notamment à cause de la mauvaise évaluation du niveau de mes stop loss. Je recevais ces niveaux via des signaux qui m’étaient envoyés par Telegram. Les choix que j’ai faits sur cette base n’étaient pas heureux, mon pourcentage de réussite (51%) en témoigne. J’aurais tout aussi bien pu jouer à pile ou face. En fait, ce qui m’a frustré le plus, c’est le sentiment d’être impuissant devant les faits. Je n’ai jamais eu l’impression, durant ma courte carrière de trader, que je contrôlais la situation. Il y a aussi le fait que je ne comprenais pas tous les signaux qui m’étaient envoyés mais que je passais quand même les ordres parce que ‘les spécialistes me le conseillaient’.
Conseillez-vous à vos lecteurs de se lancer sur le marché des devises ?
Non. Le risque de perte est trop élevé et j’ai hélas pu le vérifier personnellement. On peut toujours avoir plus de chance qu’un autre, mais pour survivre sur ce marché il faut du savoir-faire, de la discipline, de la patience et une bonne plate-forme de transactions. C’est crucial. S’aventurer sur le forex avec l’intention de devenir rapidement riche tient de l’illusion. Si vous effectuez vous-même vos transactions, la probabilité est particulièrement élevée qu’une des parties devienne riche, mais pas vous, votre contrepartie !
Lisez aussi :
– Le marché des devises : le roi de la jungle financière
– Quelles sont les différentes possibilités de spéculer sur les devises