Les versions payantes de Facebook et Instagram permettent-elles vraiment de protéger vos données?

Sur cette page
- Pourquoi Facebook et Instagram proposent des versions payantes ?
- Protection de vos données : est-ce une bonne idée de souscrire aux abonnements payants de Facebook et Instagram ?
- Est-ce que ces abonnements payants sans pub respecteront le RGPD ?
- Les conseils de Testachats pour les utilisateurs de Facebook et Instagram
Pourquoi Facebook et Instagram proposent des versions payantes ?
Facebook et Instagram ont annoncé en septembre qu’ils envisageaient la création de comptes payants, sans publicités, notamment pour répondre aux préoccupations croissantes de l’Union européenne concernant la vie privée des consommateurs.
C’est désormais chose faite. Depuis début novembre, Meta contraint les utilisateurs d’Instagram et de Facebook dans l’Union européenne à choisir, lors de l’accès aux applications, entre une version payante sans publicité, ou une version gratuite avec publicité. Concrètement, deux choix s’offrent aux utilisateurs. Le premier est de continuer à utiliser gratuitement les plateformes, en échange de quoi ils permettent à Meta de collecter leurs données à des fins de publicités ciblées. Le second est de souscrire à un abonnement payant pour accéder à ces réseaux sociaux sans publicité ciblée.
Cette initiative survient également à la suite de l’amende infligée par l’UE à Meta (1,2 milliard d’euros) pour le transfert de données de citoyens européens vers les Etats-Unis.
Elle s’inscrit en outre dans un contexte d’évolution effrayante de la publicité en ligne, qui ciblent les internautes un peu plus chaque jour sur les réseaux sociaux.

Protection de vos données : est-ce une bonne idée de souscrire aux abonnements payants de Facebook et Instagram ?
"Le prix d’un abonnement sans publicités dépend du nombre de comptes Facebook et Instagram qui se trouvent dans l’Espace Comptes que vous avez utilisé pour vous abonner", explique Meta. L’entreprise indique ensuite que si vous souscrivez via Facebook.com, l’abonnement est de 9,99 €/mois, plus 6 €/mois pour chaque compte supplémentaire. Via l’App Store ou le Google Play Store, ce sera 12 €/mois et 8 €/mois pour chaque compte supplémentaire. Ils sont "uniquement disponibles dans la région Europe".
Sur papier, l’avantage incontestable de ces abonnements payants est évidemment l’absence de publicités, et donc de ciblage potentiel sur base de vos données personnelles ou sensibles. Néanmoins, il n’existe aucune garantie permettant de vérifier que l’adoption de la formule payante se fait bel et bien sans aucune forme de publicité pour l’utilisateur, ni que ses données et informations privées seront effectivement protégées.
Les utilisateurs moins aisés sont délaissés
Une inquiétude est déjà perceptible car ces abonnements payants impliqueront que les internautes les moins aisés financièrement devront continuer d’accepter de confier leurs données ainsi que les contenus publicitaires ciblés. Le prix pourrait porter atteinte à la liberté de consentement au vu de ce montant qui pourrait être dissuasif. Et ce alors que les plus aisés bénéficieront d’une utilisation de meilleure qualité de Facebook et Instagram.
Cette approche pose un réel problème juridique et est un bel exemple de pratique commerciale déloyale. "La pratique de Meta est floue, trompeuse et donne aux consommateurs un sentiment illusoire de contrôle et de choix sur leur vie privée", précise Caroline Koelman, experte juridique chez Testachats. "Plusieurs éléments de ce mécanisme mis en place par Meta sont en infraction avec la Directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales (UCPD)." Citons notamment :
- Mentionner "service gratuit" alors que les utilisateurs consentent à la politique de vie privée, et acceptent donc que leurs données personnelles soient traitées en contrepartie de ce service. Elles sont ensuite monétisées par Meta au regard de son modèle économique ;
- Faire croire que l’abonnement payant est respectueux de la vie privée car aucune publicité n’est diffusée, ce qui n'est absolument pas garanti ;
- Les personnes qui s’abonnent sont induites en erreur et trop peu informés ;
- La pratique agressive de Meta, qui ne laisse à de nombreux consommateurs d’autre choix que d’accepter l’utilisation de leurs données personnelles à des fins publicitaires.
Elle crée par ailleurs une situation d’urgence et de choix limité.
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La manière de procéder de Meta enfreint plusieurs dispositions du RGPD. Ce dernier exige une "déclaration ou une action positive claire" comme condition préalable à un consentement univoque.
"Le consentement explicite nécessite que l’utilisateur fournisse une déclaration de consentement clair et sans équivoque", rappelle Caroline Koelman. "Dès lors, les cases cochées par défaut de l’option 'utiliser gratuitement avec les publicités', préalablement à tout choix explicite ou action positive de la part des utilisateurs, ne sont pas conformes aux exigences strictes du RGPD en matière d’obtention du consentement explicite."
Quant aux formules payantes, il n’existe aucune garantie. Même si aucune publicité n’est diffusée, Meta continuera à collecter les données personnelles des utilisateurs dans le cadre du modèle d’abonnement payant. Facebook n’a jamais été gratuit depuis ses débuts et le consommateur a payé – inconsciemment ou non – au moyen de ses données personnelles.
Le fait de proposer un abonnement payant aujourd’hui, c’est en quelque sorte pour permettre à Meta de régulariser la base légale pour l’autoriser à traiter les données de ses utilisateurs.
Le nouveau règlement européen qui protège le consommateur : le DSA
À savoir qu’avec cette initiative, Facebook et Meta tentent de répondre aux exigences d’une autre règlementation européenne : le DSA (Digital Service Act).
Le Digital Service Act (DSA) est entré en vigueur récemment, en août 2023 et se veut beaucoup plus concret que le RGPD. Il aura un impact plus visible sur les pratiques et l’utilisation des consommateurs des différentes plateformes.
Par exemple, les publicités ciblées sont désormais interdites pour les mineurs et les plateformes doivent désormais proposer une alternative SANS algorithmes. Ce changement aurait pour risque de faire chuter les prix des publicités vendues par Meta.
Par conséquent, pour se conformer au DSA européen, Meta doit compenser ses « pertes » en matière de publicités en proposant un abonnement payant.
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Ce nouveau modèle laisse finalement trois options aux consommateurs :
- Utiliser Facebook/Instagram comme par le passé, en permettant à Meta d’utiliser vos données pour afficher des publicités ciblées ;
- Payer pout utiliser Facebook/Instagram, et normalement permettre que vos données ne soient pas utilisées à des fins publicitaires ;
- Arrêter d’utiliser Facebook/Instagram.
De son côté, Testachats juge le prix demandé assez élevé. Nous constatons un manque d’alternatives et des risques de discrimination, en particulier pour les personnes économiquement vulnérables. Dès lors, nous vous conseillons de ne pas opter pour cette formule payante. Vous n’avez, actuellement, aucune garantie que le fait de payer vous offre une meilleure confidentialité.
Nous déplorons, dans cette initiative, un Internet à deux vitesses : plus de qualité pour une plateforme payante, et une qualité moindre pour les utilisateurs moins aisés.
Les actions de Testachats vis-à-vis du choix de Meta
Euroconsumers, groupe dont Testachats fait partie, a adressé un courrier à Meta pour poser directement ces questions et obtenir plus de transparence sur ces pratiques.
Le Bureau européen des Consommateurs (dont Testachats fait également partie) a lancé un appel auprès de son Réseau de coopération pour la protection des consommateurs. Il souhaite mener une action coordonnée sur la manière dont le consentement du consommateur a été obtenu et établir une position commune.
À voir également ce que penseront les institutions européennes de ce nouveau modèle économique… Affaire à suivre donc.
Protection de vos données personnelles : comment porter plainte ?
En surfant sur Instagram et Facebook, vous vous rendez compte que vos données personnelles sont utilisées à votre insu ? Vous hésitez sur le caractère légal ou non de la collecte de vos données ? Consultez notre dossier sur la protection de vos données personnelles vous permettra d’en apprendre davantage.
En cas d’infraction au RGPD, n’hésitez pas à porter plainte, même contre une grande plateforme telle que Facebook ou Instagram.
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