Maîtriser la douleur pendant et après l’accouchement


Ces dernières années, nous constatons dans les salles d'accouchement une tendance à un recours accru à des interventions médicales : contractions provoquées, péridurale, monitoring... Une évolution qui appelle malgré tout un regard critique. Nous pouvons effectivement nous demander si, au bout du compte, ces interventions sont profitables à la santé de la mère et de l’enfant. Ou si elles n’entraînent pas elles-mêmes, parfois, une nouvelle intervention médicale. Quelles sont les possibilités de se passer d'une intervention médicale ? Les avantages de cette intervention l'emportent-ils sur ses inconvénients ? Voici les interrogations à se poser avant toute intervention médicale.
Avec Jorien Laeremans, de l’organisation sans but lucratif Cochrane, nous nous sommes plongés dans quelques unes de leurs études. Sur cette base, ce dossier passe en revue des techniques à pratiquer soi-même et susceptibles ou non de soulager la douleur pendant et peu après votre accouchement.
Comment soulager la douleur pendant l’accouchement ?
Est-il utile de prendre un bain pendant l’accouchement ? Et quels sont effets du yoga, de la relaxation et des massages sur la douleur ? C’est ce que nous cherchons ensemble.
Comment soulager la douleur peu après l’accouchement ?
Beaucoup de femme éprouvent des douleurs périnéales ou des contractions après l’accouchement («tranchées») . Les anti-inflammatoires peuvent-ils soulager la douleur ? Et quel est l’effet des cold packs ? C’est ce que nous avons voulu savoir.
Un bain pendant l’accouchement peut-il apaiser la douleur ?
Tout comme accoucher dans l’eau, prendre un bain pendant les contractions connaît un succès croissant ces dernières années. Pour déterminer si cela peut constituer une plus-value, deux aspects doivent être pris en considération. Il s’agit de savoir d’abord à quel point cela peut rendre la douleur de l’accouchement plus supportable pour la femme, et ensuite quel en est le risque d’effets indésirables. Par exemple, existe-t-il un risque accru d’infection pour la femme ou le nouveau-né, ou un risque accru de déchirure périnéale ? Ce sont là des éléments importants à prendre en compte.
Un examen de la littérature par Cochrane analyse les résultats de 15 études scientifiques à ce sujet, portant sur un total de 3 663 femmes. Jorien Laermans, de Cochrane First Aid, explique : "Une réponse concluante nécessiterait davantage de recherches mais on peut d’ores et déjà dire que la femme qui prend un bain dans la phase finale de son accouchement réclamera sans doute moins vite une péridurale que celle qui ne prend pas de bain. Le risque d’une sérieuse déchirure du périnée est vraisemblablement égal." Mais qu’en est-il alors du risque d’infections chez le nouveau-né ? Et prendre un bain fait-il que davantage de femmes accouchent de manière naturelle ? "Cela reste encore pour l’instant un grand point d’interrogation. Il faudra d’autres études pour pouvoir répondre à ces questions."
Les massages, la réflexologie ou d’autres méthodes manuelles peuvent-elles soulager la douleur pendant l’accouchement ?
Un massage peut aider à se relaxer, et donc à réduire la tension. On peut donc supposer qu’il puisse aussi rendre la douleur plus supportable pendant l’accouchement. Mais qu’en dit la science ? "Un examen de la littérature par Cochrane à ce propos résume 10 études, portant sur un total de 1 055 femmes", relate Jorien. "Il en ressort en effet qu’un massage pendant les contractions peut effectivement avoir un effet positif sur la douleur ressentie. Sans doute ce massage procure-t-il à la femme un plus grand sentiment de contrôle de son accouchement." Il reste encore à déterminer la personne qui doit idéalement pratiquer le massage, le partenaire ou plutôt une sage-femme, ainsi que la durée idéale du massage. «On ne sait pas encore clairement pour l’instant si le massage influence la durée de l’accouchement, le recours à des médicaments antidouleurs ou la manière d’accoucher».
Quant à savoir si le recours à une bouillotte ou un pack thermique rend la douleur plus supportable lors de l’ouverture de l’utérus : "Cela aussi reste à déterminer. Tout comme les effets de la réflexologie, de l’ostéopathie, du shiatsu et de l’équilibrage zéro (zero balancing) sur la douleur ressentie pendant un accouchement."
Le yoga, la musique, les techniques respiratoires, la visualisation et autres techniques corps-esprit rendent-elles la douleur pendant l’accouchement plus supportable ?
En fait, les techniques de ce type fonctionnent toutes de la même manière. Elles visent à réduire le stress et à diminuer ainsi la perception de la douleur. "Il s’agit bien sûr de savoir si elles y parviennent effectivement et si elles sont réellement sûres", fait valoir Jorien. "Un examen de la littérature par Cochrane a identifié 15 études différentes à ce sujet, portant sur un total de 1 731 femmes. Il en ressort que le yoga pourrait contribuer à réduire l’intensité de la douleur pendant l’accouchement. Il donnerait aux femmes un meilleur contrôle de leur propre accouchement et elles en retireraient un sentiment plus positif. Les études existantes ne permettent pas d’évaluer l’efficacité de la musique et des techniques de relaxation. D’autres études s’imposent certainement."
Comment soulager la douleur périnéale ?
Beaucoup de femmes ressentent après leur accouchement une douleur au périnée, la région entre le vagin et l’anus. Cet endroit peut se trouver contusionné ou déchiré pendant l’accouchement, ou le praticien peut y pratiquer une légère incision, une épisiotomie, pour faciliter la naissance de l’enfant. Mais cette douleur peut empêcher les soins à donner au nouveau-né ou l’allaitement. En outre, elle peut entraîner des douleurs lors des rapports sexuels ou des problèmes de plancher pelvien avec de l’incontinence à la clé. Il est donc très important de soulager cette douleur.
Les anti-inflammatoires peuvent-ils soulager la douleur périnéale consécutive à l’accouchement ?
Jorien Laermans explique : "Un examen de la littérature par Cochrane a également recherché une réponse à cette question. Les 35 études trouvées, portant sur un total de 5 136 femmes, ont examiné l’efficacité de pas moins de 16 anti-inflammatoires, dont l’aspirine et l’ibuprofène. Les études en question portaient toutes sur des femmes qui n’allaitaient pas et avaient subi une déchirure ou une incision du périnée.
Ces études établissent que, quatre heures après la prise unique d’un anti-inflammatoire oral, le soulagement de la douleur périnéale est vraisemblablement plus important qu’avec du paracétamol ou un placebo. Les femmes ayant pris un tel anti-inflammatoire ont vraisemblablement moins besoin d’un autre antidouleur quatre heures après cette prise que celles qui ont reçu le placebo. Il n’est pas clairement établi si une différence subsiste six heures après la prise. On n’a pas relevé d’effets secondaires sérieux, mais plusieurs études n’ont pas envisagé les effets négatifs éventuels sur le bébé, la prolongation éventuelle de l’hospitalisation, le ressenti de la femme, etc. Il reste donc largement matière à d’autres études." Quoi qu’il en soit, ces anti-inflammatoires sont toujours déconseillés aux femmes allaitantes.
"Une prise unique de paracétamol après un accouchement vaginal est également susceptible de soulager la douleur périnéale et de réduire le besoin d’autres antidouleurs. C’est ce qui résulte d’un examen de la littérature par Cochrane réunissant 10 études portant sur un total de 1 301 femmes. On ne sait toutefois pas avec certitude si cela a des effets négatifs sur la femme et l’enfant."
Un ice pack ou une poche de gel froid peut-il soulager la douleur périnéale après un accouchement ?
"Jusqu’ici, la recherche reste trop insuffisante pour pouvoir donner une réponse vraiment concluante à cette question", note Jorien. " Il existe un examen de la littérature par Cochrane réunissant 10 études portant sur 998 femmes. Ces études concernaient toutes une forme de refroidissement local (ice packs, poches de gel froid p. ex.) et la comparaient avec une autre forme, l’absence de traitement ou un placebo (par exemple, des poches de gel à température ambiante). Une poche de gel froid combinée avec la compression d’une serviette hygiénique soulage vraisemblablement mieux la douleur périnéale qu’une poche de gel à température ambiante combinée à la compression d’une serviette hygiénique. Les études existantes ne nous permettent pas de nous prononcer sur l’effet d’une poche de gel non associée à une serviette hygiénique. D’autres études sont donc nécessaires pour déterminer dans quelle mesure ce refroidissement peut réellement réduire la douleur et s’il favorise la guérison de la plaie ou au contraire la ralentit."
Comment soulager les contractions post-accouchement ?
Après leur accouchement, les femmes peuvent souffrir de fortes crampes. On parle aussi de «tranchées». Elles peuvent être dues au resserrement de l’utérus pour retrouver ses dimensions normales d’avant la grossesse. Cela peut durer deux à trois jours. Si ce n’est pas votre premier enfant, vous courez un risque accru de tranchées. L’allaitement stimule ce resserrement de l’utérus, de sorte que la douleur peut être plus vive. Ces crampes peuvent contrarier les activités normales de la mère, ainsi que l’allaitement. Il est donc important de soulager la douleur.
Un examen de la littérature par Cochrane s’est intéressé à 28 études à ce propos, portant sur un total de 2 749 femmes. 13 de ces études, portant sur 1 023 femmes, comparaient les anti-inflammatoires et un placebo, le paracétamol et un placebo, ou le paracétamol et les anti-inflammatoires. "Les études disponibles indiquent que les anti-inflammatoires soulagent vraisemblablement mieux qu’un placebo les douleurs consécutives à un accouchement vaginal. Il n’est pas établi si le paracétamol est meilleur que le placebo ou que les anti-inflammatoires. Il semble que les anti-inflammatoires puissent réduire le besoin d’autres antidouleurs. Il n’est pas encore établi que ce soit également le cas pour le paracétamol en comparaison avec le placebo", précise Jorien. "Les effets négatifs sur la mère ne sont vraisemblablement guère différents avec les anti-inflammatoires ou avec le placebo. On ne sait pas encore s’il en va de même pour la différence entre le paracétamol et le placebo et entre le paracétamol et les anti-inflammatoires. En outre, pas la moindre étude n’a examiné l’effet des antidouleurs sur les conséquences négatives pour le nouveau-né. Là aussi, d’autres études sont certainement nécessaires."