Pouvez-vous filmer les gens et mettre cette vidéo en ligne ?

Se laisser photographier ou filmer devrait toujours se faire avec prudence. Sur le moment, cela semble sans conséquence, mais une photo ou une vidéo peut révéler beaucoup de choses vous concernant : où vous étiez, ce que vous faisiez, avec qui… Ce qui a suscité l’hilarité générale dans la spontanéité de l’instant peut vous déranger plus tard. Tout ce qui est posté sur internet peut être vu par bien d’autres personnes : un futur employeur, une petite-amie potentielle, des voisins envieux… On ne sait jamais qui a pu visionner ces images ni à quel point elles sont partagées. Même si les vidéos ne sont pas mises en ligne, elles ne sont pas sécurisées pour autant. Des pirates peuvent s’introduire dans les smartphones et faire main basse sur des données privées et des fichiers.
Et la prudence vaut aussi quand c’est vous qui postez des photos ou des vidéos, parce qu’il est difficile de contrôler ce qu’il adviendra de ces données personnelles une fois qu’elles seront sur le Net. Tôt ou tard, elles peuvent tomber dans les mains de personnes qui ne vous veulent pas nécessairement du bien.
En outre, savoir qu’on peut être photographié ou filmé à n’importe quel moment de la journée suscite un sentiment de malaise et d’insécurité. Nous avons tous besoin d’intimité.
D’où la volonté du législateur d’inscrire dans un cadre légal le droit à l’image et la protection de la vie privée. À ces deux éléments s’ajoute également le droit à l’oubli encadré au niveau européen.
Il est important de savoir ce que cela implique quand vous filmez quelqu'un ou que vous êtes vous-même filmé avec un smartphone, une caméra de surveillance, une webcam, une dashcam ou un drone. Pour que vous puissiez comprendre, par exemple, pourquoi une école ne peut pas publier des vidéos ou des photos d'élèves mineurs sur son site internet sans autorisation. Et pourquoi il faut parfois réfléchir à deux fois avant de poster la vidéo d'une fête un peu déjantée (et très drôle) sur Instagram.
Voici les conditions dans lesquelles vous pouvez filmer quelqu’un avec un smartphone, une caméra de surveillance, une webcam, une dashcam ou un drone. Et ce que vous pouvez faire si vous êtes filmé contre votre gré.
Si c’est vous qui filmez
- Ce film restera entre amis ou dans la famille ? Alors c’est autorisé tant que personne ne s’y oppose.
- Vous voulez poster les images sur internet ou les médias sociaux ?
- Vous devez préalablement demander l’autorisation à toutes les personnes concernées. S’il s’agit d’enfants de moins de 12 à 14 ans, une autorisation parentale est requise.
- Sinon, vous pouvez envisager de flouter les visages (avec le programme informatique Paint, par exemple). Mais ne perdez pas de vue que certaines personnes restent quand même identifiables par un tatouage ou un vêtement, par exemple.
Si c’est vous qui avez été filmé
- Avez-vous donné votre autorisation de mettre la vidéo en ligne ? N’oubliez pas, vous pouvez toujours changer d’avis, retirer votre accord et demander que la vidéo soit retirée.
- Vous figurez contre votre gré dans une vidéo et l’auteur des images refuse d’accéder à votre demande ? Contactez le site pour signaler l’abus et demander le retrait de la vidéo. Si votre demande reste sans réponse ou est refusée, vous pouvez vous adresser à l’Autorité de protection des données, qui essaiera de concilier les deux parties. En dernier ressort, vous pouvez intenter un procès devant le tribunal de première instance.
- Si vous participez à un événement exceptionnel temporairement médiatisé, on suppose que vous avez implicitement donné votre accord. De même si vous êtes un personnage public (et que la vidéo ne concerne pas votre vie privée) ou si le tournage est destiné à préserver l’ordre et la sécurité publics.
Si c’est vous qui filmez
Des caméras de surveillance peuvent être mises en place tant par des entreprises que des particuliers.
- La caméra doit être placée de telle sorte que les images ne montrent exclusivement ou principalement que la propriété de son utilisateur. Si le trottoir ou la voie publique apparaissent à l’écran, cela doit être aussi limité que possible.
- L’appareil ne peut pas prendre d’images qui pourraient être utilisées pour collecter des données personnelles sur quelqu’un, par exemple concernant son état de santé, son origine ethnique ou sa vie sexuelle.
- Une caméra cachée (spycam) est interdite.
- Vous devez informer les passants et les visiteurs qu’ils peuvent être filmés. Cela peut se faire par un pictogramme clairement visible, affiché à l’entrée du lieu surveillé. Votre nom et vos coordonnées doivent figurer sur le pictogramme, afin de permettre à chacun de vous contacter si nécessaire.
- Vous ne pouvez pas conserver les images pendant plus d’un mois. Sauf si la caméra a enregistré une infraction ou un sinistre, ou si elle a identifié une victime ou un malfaiteur. Dans ce cas, les images peuvent être conservées plus longtemps.
- Les caméras qui ne filment pas seulement l’intérieur de la maison, mais aussi le jardin, par exemple, doivent être déclarées. La police peut ainsi vérifier si la caméra est installée selon les règles et la répertorier. Si, par exemple, votre caméra est susceptible d’avoir enregistré un délit qui a été commis, la police peut exiger les images.
Si c’est vous qui êtes filmé
Vous avez le droit d’exiger les images au propriétaire de la caméra si vous pensez avoir été filmé par une caméra de surveillance, même s’il s’agit d’une caméra de la police. Ses coordonnées devraient figurer sur le pictogramme de la caméra. Soyez aussi précis que possible sur le moment où vous avez été filmé et sur la manière dont vous pouvez être reconnu. Donnez également les raisons pour lesquelles vous réclamez la suppression des images, par exemple parce que quelqu’un en a fait un usage abusif. L’inverse est vrai également : vous pouvez réclamer les images parce qu’elles vous innocentent d’une accusation.
Si c’est vous qui filmez
- Vous devez demander de l’autre partie ou des autres parties avant d’enregistrer. Et vous devez donner à ces personnes les raisons pour lesquelles vous souhaitez enregistrer l’échange.
- Si, en tant qu’enseignant, vous souhaitez filmer une leçon avec des mineurs, vous devez en principe en demander l’autorisation des parents. Sauf si les enfants sont déjà âgés de 12 à 14 ans.
Si c’est vous qui avez été filmé
- Si vous avez donné votre accord pour être filmé, vous pouvez retirer cet accord à tout moment. Si c’est en cours de session, vous pouvez couper votre caméra et votre micro et ne plus communiquer que via la fonction discussion (chat).
- Dans le cas d’un cours donné en vidéo avec des mineurs, c’est aux parents de juger s’il est approprié d’enregistrer ou non la leçon.
Si c’est vous qui filmez
- Si vous avez enregistré une belle promenade en voiture en Haute-Provence et gardez les images pour vous, il n’y a aucun problème de confidentialité. Pas même si vous avez filmé sans le vouloir une Française légèrement vêtue traversant sur le passage pour piétons.
- Si les images sont prises pour servir éventuellement de preuve lors d’un accident de voiture, vous devez effacer les enregistrements jour après jour. Si vous êtes impliqué dans un accident, vous devez informer l’autre partie de l’enregistrement par la dashcam. Nous conseillons également de mentionner sur le formulaire de déclaration d’accident (constat à l’amiable) ou sur le procès-verbal que l’accident a été filmé avec une dashcam.
- Si votre caméra enregistre par hasard un accident dans lequel vous n’êtes pas impliqué, les images peuvent servir de preuve. Il s’agit d’une exception au droit à l’image et à la protection de la vie privée.
Si c’est vous qui avez été filmé
- Si vous avez été filmé dans le cadre d’un accident, l’autorité de protection des données estime que dans ce cas il ne s’agit pas de données à caractère personnel ordinaires (comme un nom, une adresse et un numéro de téléphone) mais de données à caractère personnel judiciaires. La loi Vie Privée, qui interdit en principe le traitement de telles données reconnait le traitement d’un contentieux type accident de la route, comme une exception. Mais le propriétaire de la dashcam doit vous informer du fait que vous avez été filmé. Nous conseillons également de mentionner sur le formulaire de déclaration d’accident (constat à l’amiable) ou sur le procès-verbal que l’accident a été filmé avec une dashcam.
- Si vous avez été filmé en train de commettre une infraction, ces images pourraient être utilisées lors d’un éventuel procès en vertu du principe qu’ « une preuve recueillie en violation du droit à la vie privée de la personne concernée pourra malgré tout être utilisée sauf si la loi a expressément prévu un cas de nullité, si l’irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve ou si l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.
Si c’est vous qui filmez
- Vous ne pouvez ni voler ni filmer au hasard. Évitez de survoler le jardin du voisin ou le parc public.
Vous ne pouvez filmer en public que si les personnes filmées ne sont pas identifiables. Attention : il ne suffit pas que les visages ne soient pas reconnaissables : une pièce de vêtement ou une voiture peut elle aussi être caractéristique. - Si, volontairement ou non, vous filmez un passant, vous devez l’en informer.
- Pour éviter de filmer des personnes, vous pouvez apposer une signalisation dans les environs immédiats du lieu où le drone va circuler.
Si c’est vous qui avez été filmé
Si la zone où le drone allait circuler était indiquée et que vous vous êtes déplacé dans cette zone, c’est comme si vous aviez donné votre consentement (tacite) à être filmé.
Si vous êtes dans votre droit de demander le retrait d’une vidéo dans laquelle vous apparaissez, mais que l’auteur n’est pas d’accord, vous pouvez vous adresser à l’Autorité de protection des données.
En dernier recours, vous pouvez porter votre affaire devant le tribunal de première instance.