L'intolérance au lactose


Les croyances alimentaires et les pubs anti lait ont largement contribué au phénomène démesuré de l’intolérance au lactose. Avant d’incriminer – à tort – le lactose, un vrai diagnostic s’impose. Et supprimer tous les produits laitiers de son alimentation n’est certainement pas indiqué, tant pour la santé que pour la gastronomie.
L’intolérance au lactose (le sucre du lait) découle d’une déficience en lactase, une enzyme capable de dégrader le lactose dans notre intestin. Dans nos régions, cette affection toucherait de 2 à 15 % de la population (les chiffres varient de pays à pays, mais aussi selon les études). C’est bien moins en tous cas que les 70% que l’on peut lire çà et là. Toutefois, la déficience en lactase ne provoque pas nécessairement de plaintes, en d’autres termes n’entraîne pas toujours une intolérance au lactose.
La diminution de l’activité lactasique avec l’âge est un phénomène tout à fait normal. Ce phénomène est déterminé génétiquement, ce qui explique pourquoi les Scandinaves digèrent généralement bien le lactose, au contraire des Asiatiques ou des Africains par exemple.
Le lactose non digéré provoque une fermentation dans l’intestin ainsi qu’une rétention de liquide, ce qui peut alors provoquer des désordres intestinaux. Douleurs abdominales, crampes, flatulences, diarrhées, etc. Ces symptômes peuvent bien sûr avoir de toutes autres causes qu'une intolérance au lactose. C’est pourquoi il est essentiel d’établir un diagnostic correct et impérativement recourir à des tests. Outre le fait de pouvoir incriminer le lactose avec certitude, il est aussi essentiel de ne pas passer à côté d’autres pathologies digestives.
Diverses études indiquent que bien des personnes s’estiment intolérantes au lactose alors qu’il n’en est rien. Les facteurs psychologiques jouent de toute évidence un rôle. Dans certaines études, on a fait ingérer à des personnes qui se disaient intolérantes une préparation supposée à base de lactose alors qu’elle n’en contenait pas. Pourtant, nombre de participants ont alors développé des plaintes, simplement parce qu’ils pensaient avoir absorbé du lactose. Un réel diagnostic est donc absolument nécessaire.
Pour poser le diagnostic de l’intolérance au lactose, un test médical s’impose. Il en existe plusieurs.
- La prise de sang permet de déterminer le taux de glucose dans le sang après ingestion de produits laitiers. S’il y en a peu, cela veut dire qu’il n’y a pas eu de séparation du lactose en glucose et galactose grâce à cette fameuse enzyme qu’est la lactase. Parallèlement, le médecin observe si le patient développe ou non des symptômes.
- Plus pratique et fiable que la prise de sang, il y a aussi le test d’haleine. Il part du principe que le lactose non digéré fermente et produit de l’hydrogène gazeux. Ce gaz passe dans la circulation sanguine et atterrit dans les poumons. On peut déterminer s’il y a une déficience en lactase en mesurant le taux d’hydrogène dans l’haleine. La manifestation de symptômes vient confirmer le diagnostic.
Si un de ces tests confirme qu’il y a déficience en lactase, il est recommandé de procéder en outre à un test d’éviction du lactose, de préférence sous le contrôle d’un diététicien. On supprime le lactose pendant par exemple deux semaines, puis on le réintroduit progressivement en observant les symptômes. Cela permet de confirmer le diagnostic d’intolérance, ainsi que de déterminer quelle dose de lactose le patient peut quand même ingérer sans provoquer de symptomes.
- Dans des cas spécifiques, la déficience en lactase peut aussi être diagnostiquée par une petite biopsie de l’intestin. Cet examen est généralement recommandé quand on suspecte un autre problème comme la maladie cœliaque.
- Il existe aussi des tests génétiques, mais on ne les utilise pas encore en pratique médicale courante.
Les personnes intolérantes au lactose peuvent réagir de manière différente. Cela dépend de la dose de lactose ingérée, du degré de déficience en lactase, de la nature de la flore intestinale et de la sensibilité individuelle. En réalité, presque tous les intolérants au lactose peuvent en tolérer une certaine dose. Les études indiquent que la plupart des intolérants peuvent quand même ingérer jusqu’à 15 g de lactose (l’équivalent d’un verre de lait de 250 ml) sans développer de plaintes.
D’autres études, elles, suggèrent que de plus grandes doses peuvent être tolérées si elles sont réparties tout au long de la journée et consommées avec d’autres produits. Seules certaines personnes sont 100% intolérantes au lactose.
Réduire sa consommation de lactose est faisable sans trop de difficultés.
- Le lait est le produit laitier le plus riche en lactose.
- De manière générale, les produits laitiers gras comme la glace ou le lait chocolaté sont mieux tolérés.
- Les fromages à pâte dure contiennent peu de lactose, mais cela dépend toujours des sortes.
- Les laits fermentés (yaourt, kéfir, etc.) sont souvent bien tolérés aussi.
Bannir les produits laitiers n’est en tous cas pas la bonne option. Si l’argument majeur tient surtout de la couverture en calcium, la présence de protéines est un autre atout. Il faut en tous cas éviter toute restriction inutile. Pour des conseils sur mesure, consultez un diététicien.
Restent les suppléments en lactase, disponibles notamment en pharmacie sous différentes formes, différents prix, différentes marques. Ils sont censés compenser la déficience en lactase naturelle, de manière à ce que le patient intolérant au lactose puisse quand même s’alimenter de manière normale. Leur efficacité reste controversée, mais certains patients s’en disent satisfaits.
En résumé, pour améliorer votre tolérance au lactose, quelques conseils simples:
- Fractionnez les quantités de lactose ingérées au cours de la journée, certainement pas une grande quantité à jeun
- Consommez le lactose avec d’autres aliments, au sein d’un repas varié
- Préférez-le sous forme solide comme le yaourt et les fromages à pâte dure ou le lait comme ingrédient cuisiné (clafoutis, flan, etc.)
Teneur en lactose par 100g d’aliments courants:
Beurre, margarine 0-1gCharcuterie 1-4g
Yaourt nature 3 g
Crème dessert 3-6g
Crème fraîche 2,5 g
Crème glacée 2-7g
Emmental, Gouda, Camembert,
fromage de brebis, mozzarella traces
Parmesan, Roquefort, Edam 1-3g
Fromage blanc 2-4g
Lait de vache, brebis, chèvre, etc.4-5g
Lait entier en poudre 38g
Lait maigre en poudre 52g
Que penser des produits sans lactose ?
Les croyances alimentaires et les pubs anti lait ont largement contribué au phénomène démesuré de l’intolérance au lactose. Mais lorsque celle-ci est médicalement confirmée, il faut la vivre au quotidien en adaptant ses habitudes alimentaires.
Les fabricants ont en tous cas saisi l’opportunité en proposant toutes sortes de produits. Pauvre ou sans lactose, en Belgique, il n’existe aucune législation claire par rapport à ces produits. Et selon nous, très peu d’intolérants au lactose en ont besoin.
- Le beurre et les fromages affinés par exemple, ne contiennent déjà pratiquement plus de lactose, il n’y a donc pas de raison de choisir une version "sans lactose".
- Il en est de même pour les yaourts dont la version classique est souvent bien tolérée. Si leur consistance est un atout, les bactéries qui les caractérisent facilitent l’assimilation du sucre du lait. L’EFSA (l’agence européenne pour la sécurité alimentaire) a d’ailleurs approuvé, en 2010, une allégation pour le yaourt comme une aide à la digestion du lactose.
A quelles mentions se fier sur l’étiquette ?
Apprendre à jongler avec les produits laitiers est une chose. Il faut néanmoins savoir que le lactose se retrouve dans de nombreux produits transformés, même là où on ne s’y attend pas. Ainsi, il apparaît sur de nombreuses étiquettes, sous diverses appellations. Charcuteries, soupes, snacks, céréales petit déjeuner, chips, et bien d’autres sont susceptibles de contenir du lactose.
La réglementation européenne actuelle prévoit que les 14 allergènes alimentaires principaux soient indiqués parmi les ingrédients de toutes les denrées alimentaires préemballées et doivent être clairement distingués des autres ingrédients. Le lait et les produits laitiers (y compris le lactose) en font partie.
– Les mentions suivantes font référence à la présence de lactose : lait, lactose, poudre de lait, matières sèches du lait, lactosérum, petit lait, babeurre, crème, fromage, beurre, caillé, béchamel.
– En revanche, les termes protéines de lait, acide lactique, lactalbumine, lactate ou caséine n’évoquent pas la présence de lactose.
Enfin, le lactose est utilisé aussi comme excipient dans de nombreux médicaments, mais les quantités sont normalement bien trop réduites pour provoquer des symptômes.
Rappelons qu’il n’est pour autant pas nécessaire de supprimer totalement le lactose de son alimentation, mais en améliorer la tolérance.
Il suffit de choisir du lait de chèvre ou de brebis
FAUXUne erreur classique consiste à opter pour le lait d’une autre espèce animale. C’est tout à fait erroné, car tous les mammifères terrestres ont un lait qui contient du lactose.
Par contre, il importe de ne pas confondre intolérance au lactose et allergie au lait de vache. L’allergie aux protéines de lait de vache concerne la petite enfance et implique une réaction du système immunitaire. Elle guérit généralement à l’âge scolaire. Dans ce cas, c’est la protéine qui pose problème et qu’il convient d’éliminer de son alimentation.
L’intolérance au lactose se rencontre principalement chez les adultes et n’implique pas de réaction immunologique. Modérer et fractionner les quantités de lactose sont les mots d’ordre d’un régime bien géré.
Le lait sans lactose est plus sucré que le lait classique
FAUXLes laits pauvres ou sans lactose sont nombreux dans les rayons des supermarchés. Ils ont la particularité d’avoir une teneur en lactose proche de zéro. Mais pour ceux qui y ont déjà goûté, ces laits paraissent plus sucrés. C’est assez déroutant d’ailleurs, les fabricants y ajouteraient-ils du sucre ? Pas cette fois. L’explication est assez logique.
Dans ce type de laits, le lactose est déjà dégradé en glucose et galactose, les sucres qui composent le lactose. Et le pouvoir sucrant de ces deux sucres est bien supérieur à celui du lactose présent dans le lait classique.
Dans la pratique, ces laits peuvent être une alternative intéressante si ce n’est qu’ils peuvent être deux fois plus chers que le lait traditionnel. Les jus végétaux (lait de soja, etc.) sont aussi une alternative pour autant qu’ils soient enrichis en calcium.
Il vaut mieux "manger léger"
FAUXPour mieux digérer le lactose, on entend souvent dire qu’il vaut mieux choisir des produits light. En fait, à teneur égale en lactose, tous les aliments ne sont pas tolérés de la même manière. Et cette tolérance dépend d’une personne à l’autre…
Si la quantité de lactose en tant que telle a une influence, la présentation dans l’aliment et son mode de consommation sont également essentiels. Un aliment solide, gras, pris au sein d’un repas avec d’autres aliments, permettant de ralentir la vidange de l’estomac, sera bien mieux toléré qu’un bol de lait pris à jeun. Si cet exemple est un peu caricatural, il permet de mieux comprendre comment fonctionne la tolérance au lactose.
Il faut limiter l’arrivée d’une grande quantité de lactose en une fois et prolonger le contact dans l’intestin en ralentissant la digestion. S’il est admis que les personnes intolérantes peuvent tolérer 12 à 15 g de lactose sur la journée, quelques règles simples permettent d’améliorer la tolérance : fractionner tout au long de la journée, préférer la forme solide ou liée (fromage affiné et par exemple dans une crêpe), associé à des aliments qui ralentissent la digestion (les fibres des céréales, des fruits et légumes, yaourt, repas plus "gras et copieux"). Ne vous ruez donc pas sur les produits écrémés !