Douleur chronique : définition, symptômes, diagnostic, traitement, etc.


La douleur est considérée comme chronique lorsqu’un individu en souffre pendant plus de trois mois. Mais dans la pratique, on prend plus communément en compte une durée de 6 voire 12 mois. Selon des données épidémiologiques, près de 980 000 de nos compatriotes souffriraient de douleurs chroniques nécessitant un suivi médical. Le vieillissement de la population explique l’augmentation des maladies chroniques (telles que la lombalgie, les douleurs à la nuque, les rhumatismes et les cancers) qui causent des douleurs persistantes et impactent la qualité de vie.
Signal d’alarme: la douleur
Aussi surprenant que cela puisse paraître, la douleur en soi est un phénomène utile. Elle avertit notre corps lorsqu’il court un danger et nous aide à rester en bonne santé et en vie. La douleur enclenche un réflexe de retrait rapide lorsque nous touchons quelque chose de brûlant, de glacé ou d’acéré. C’est de cette façon que notre corps essaie de nous protéger d’irritations pouvant causer des dommages. Si la blessure survient malgré tout, en se tordant la cheville par exemple, la douleur nous rappelle de mettre la partie lésée du corps le plus possible au repos et de la soigner jusqu’à la guérison.
Au-delà de l’utilité
Pourtant, toutes les douleurs ne sont pas utiles. En cas de douleurs chroniques, elles perdent leur fonction d’avertisseur pour devenir une affection en soi. C’est alors que la douleur persiste au-delà du temps de guérison prévu. Même si la blessure ayant provoqué la sensation de douleur est guérie.
Il n’existe à ce jour que peu de documentation scientifique au sujet de la douleur chronique en tant qu’affection. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la santé a validé une nouvelle classification des syndromes de douleur chronique établie sous l’impulsion d’organisations scientifiques de lutte contre la douleur. Ce système comprend un code unique pour « douleur chronique primaire », où la douleur est une maladie en soi, ainsi que six codes pour la douleur chronique secondaire lorsque la douleur évolue dans le cadre d’une autre maladie.
Il devient dès lors plus facile de systématiquement coder la douleur chronique de la même manière, conduisant à terme à augmenter la reconnaissance du phénomène en tant qu’affection à part entière.
Les causes d’une douleur chronique sautent parfois aux yeux, dans le cas d’arthrose, d’arthrite rhumatoïde ou de polyneuropathie diabétique, par exemple. La douleur chronique peut être provoquée par une affection latente impossible ou difficile à traiter, ou consécutive à des opérations. Il peut toutefois arriver que la douleur chronique n’ait pas d’origine précise, qu’il s’agisse plutôt d’une combinaison de facteurs physiques, psychiques et sociaux. Dans certains cas, les personnes souffrant de douleurs chroniques doivent se résoudre à accepter que leur douleur reste inexpliquée.
Certains facteurs peuvent augmenter le risque de développer une douleur chronique: une prédisposition génétique, des angoisses et attentes du patient, des mauvaises expériences relatives à des traitements associés à la douleur, la présence d’affections psychiques, des expériences sociales négatives et un âge avancé.
Les symptômes de la douleur chronique varient sensiblement d’une personne à l’autre. Certains ressentent une douleur profonde au niveau musculaire ou osseux, d’autres une douleur sourde et lancinante, souvent associée à des picotements et engourdissements, d’autres encore éprouvent une douleur diffuse et pulsative. La forme même sous laquelle la douleur se manifeste dépend par ailleurs du mécanisme sous-jacent. On peut distinguer trois types: les douleurs nociceptives, neuropathiques et nociplastiques. Cependant, il est en général question d’une combinaison des trois en cas de douleurs chroniques.
Douleur nociceptive: douleur causée par des dommages tissulaires
La douleur nociceptive est celle ressentie lorsque nous touchons quelque chose dégageant trop de chaleur, par exemple. Diverses substances sont libérées au niveau du point de contact, activant ainsi de petits récepteurs sensoriels (nocicepteurs). Ces derniers transmettent le signal ou stimulus douloureux au cerveau en passant par la moelle épinière, ce qui vous fait ressentir la douleur.
Douleur neuropathique: douleur nerveuse
Il est question de douleur neuropathique lorsqu’elle découle d’un dommage aux cellules nerveuses (comme après une inflammation), à la moelle épinière et/ou au cerveau. Ce qui provoque le transfert de stimuli de la douleur au cerveau. Il ne s’agit donc plus dans ce cas d’un signal d’avertissement. La description de la douleur nerveuse peut varier d’un patient à l’autre: brûlure, irritation, picotement, démangeaisons, sensation de « chocs électriques », engourdissement, hypersensibilité au toucher, hypersensibilité au chaud ou au froid etc. Il est en général difficile, voire impossible, de réparer un nerf endommagé, la douleur peut donc persister pendant une longue période. Les anti-douleurs classiques n’ont souvent aucun effet.
Douleur nociplastique: douleur autre
Il est question de douleur nociplastique lorsque la douleur ressentie n’appartient à aucune des deux catégories précitées. À ce jour, elle continue grandement à faire débat au sein de la communauté scientifique.
En cas de douleur chronique, il est essentiel que le médecin puisse déterminer de quel type de douleur il s’agit exactement. De cela découlera en effet le traitement adopté.
Différents aspects en une seule consultation
C’est pourquoi le médecin procédera invariablement à une vaste évaluation médicale pendant la consultation. Il vous soumettra à un questionnaire ciblant la douleur (apparition, moments de ressentis, localisation, caractéristiques [nature et intensité], impact, facteurs de soulagement etc.), ainsi qu’à un examen corporel. Le médecin tâchera également d’évaluer l'impact de ce phénomène sur votre vie. Il tentera de dresser un portrait de votre situation psychologique, de faire une analyse de vos capacités physiques, de votre sommeil et des facteurs sociaux qui peuvent aggraver la douleur. Chacun ressent la douleur à sa façon, ce qui rend une approche individuelle essentielle.
De nombreux examens ne sont pas toujours la solution
Le médecin vous proposera peut-être de subir certains examens complémentaires. Il peut s’agir de scanographie, de tests nerveux, d’examens sanguins ou encore d’une évaluation psychologique. Dans la plupart des cas, il s’agira donc d’une approche pluridisciplinaire.
Ces tests n’apportent toutefois pas toujours des réponses exploitables. Il est parfois difficile de poser un diagnostic précis. Dans ce cas, le médecin peut décider de prescrire un traitement à titre d’essai. La réaction à ce traitement peut fort bien contribuer à l’établissement du diagnostic.
Centres de la douleur
Votre médecin peut par ailleurs vous aiguiller d’entrée de jeu vers l’un des 35 centres de la douleur spécialisés plutôt que de consulter différents prestataires de soins. Une équipe pluridisciplinaire de prestataires de soins (algologue, psychologue, kinésithérapeute, ergothérapeute, infirmier, assistant social...) y examinera la problématique sous plusieurs angles d’attaque. Ensemble, ils pourront débattre du diagnostic et développer le plan de traitement le plus approprié.
Votre propre réflexion et votre ressenti face à la douleur, ainsi que la façon dont votre entourage réagit, influencent fortement la mesure dans laquelle la douleur impactera votre vie. Le statut socio-économique, l’accès aux soins de santé, l’accessibilité du matériel de motricité, tous influencent le ressenti de la douleur. Elle peut être renforcée par des émotions négatives et attentes déçues, telles que l’anxiété et les désastreuses conséquences de la douleur sur la vie sociale du patient.
La douleur chronique pèse par ailleurs bien lourd sur le portefeuille de la société. Outre les frais inhérents à la médication et aux traitements, elle entraîne des coûts liés à l’absentéisme, à une baisse de productivité et dans certains cas, à une retraite anticipée.
Le caractère complexe de la douleur chronique exige dès lors une approche tout aussi complexe et surtout multidisciplinaire et multifactorielle (physique, psychique et sociale). Un traitement médicamenteux ne représente donc qu’une partie de l’approche globale.
Les traitements pour la maîtrise de la douleur sont aussi divers que variés. Toutes les méthodes de lutte contre la douleur ne conviennent pas à tous les patients, c’est évident. Il faut donc concocter un traitement individuel pour chaque patient souffrant de douleur chronique. Et cette quête nécessite parfois du temps avant d’obtenir des résultats. Voici une courte liste non exhaustive des traitements possibles.
La douleur chronique peut s’avérer très handicapante. La personne risque de renoncer à toute activité, entraînant une régression conséquente de sa condition physique, de son estime de soi et de sa vie sociale. Ce qui pourrait encore participer au renforcement du ressenti de la douleur.
C’est pourquoi il est recommandé d’adopter un mode de vie sain et de pratiquer une activité physique suffisante:
- Mangez sainement et surveillez votre poids.
- Maintenez vos activités quotidiennes et bougez le plus possible sans dépasser les seuils de douleur.
- Adoptez un programme de thérapie d’exercices physiques, que ce soit seul ou en groupe, éventuellement en association avec de la relaxation et une thérapie manuelle. Envisagez de faire appel à un kinésithérapeute pour établir un programme d’exercices, ou de participer à une activité de groupe. Il existe des programmes spéciaux pour certaines douleurs parmi lesquelles l’arthrite rhumatoïde, la fibromyalgie et le mal de dos chronique, organisés par des groupes de soutien.
- Essayez de conserver une vie professionnelle.
Il n’existe pas de panacée universelle non plus dans ce domaine. La réaction à la médication diffère en effet d’une personne à l’autre. En cas de douleur chronique, il ne s’agit en effet que d’une partie de l’approche multimodale. L’efficacité des anti-douleurs classiques, par exemple, est significativement moins élevée qu’en cas de douleur aiguë. Même les anti-douleurs les plus forts tels que les opioïdes sont inefficaces en cas de douleur chronique. Ils se retrouvent pourtant souvent sur les ordonnances.
Outil poussiéreux
On utilise communément l’échelle de douleur de l’Organisation mondiale de la santé comme fil conducteur. La règle veut que l’on commence avec un anti-douleur classique et non-opioïde (paracétamol ou anti-inflammatoire si le premier n’agit pas suffisamment). Si la douleur ne peut pas être suffisamment contrôlée, l’on peut envisager d’introduire un opioïde léger (comme le tramadol ou la codéine). Ils sont, dans certains cas, associés à l’anti-douleur classique. Si cela ne suffit toujours pas à circonscrire la douleur, l’opioïde léger peut être remplacé par un plus fort comme l’oxycodone ou le fentanyl.
Cette échelle de la douleur prête toutefois à de nombreuses discussions. En premier lieu parce qu’elle a été établie il y a plus de trente ans. Les connaissances scientifiques en matière de douleur ont depuis lors considérablement évolué. Par ailleurs, l’application de cette échelle se contente de tenir compte de l’intensité de la douleur sans considérations pour des études scientifiques. La méthode n’est donc pas fondée sur des preuves. Il faut garder à l’esprit que cette échelle de la douleur a initialement été établie pour la douleur liée au cancer. À ce jour, elle n’est pas suffisamment scientifiquement étayée pour l’appliquer dans d’autres contextes. C’est pourtant le cas actuellement.
Effets secondaires d’une médication inadaptée
Les opioïdes, autrefois appelés anti-douleurs narcotiques, sont une variante plus musclée que les anti-douleurs classiques délivrés sans ordonnance. Ils entrent en scène pour le traitement de la douleur chez des personnes atteintes d’un cancer. Or, ils sont aussi de plus en plus souvent prescrits pour des douleurs liées à d’autres affections de longue durée sans pour autant que leur efficacité soit prouvée.
Les opioïdes ont un effet plus fort parce qu’ils agissent sur le système nerveux central dans la moelle épinière et le cerveau. Ils atténuent ainsi le signal de la douleur et aident à la contrôler. Cependant, ils peuvent aussi s’accompagner de nombreux effets secondaires à cause de leur action centrale. Cela entraîne chez de nombreux patients et à court terme de la constipation, de la somnolence et/ou des nausées. Plus grave encore: la dépression respiratoire peut également apparaître comme effet secondaire. Il en résulte une réduction de la capacité respiratoire. Le risque est plus important lorsque le dosage est élevé ou dans le cas d’affections existantes telles que les maladies pulmonaires. Dans certains cas, les opioïdes peuvent avoir l'effet inverse de l’effet escompté, à savoir une augmentation de la sensibilité à la douleur. Il est alors question d’hyperalgésie. Une augmentation de la dose pourrait dès lors encore aggraver la douleur.
Lorsque vous consommez des opioïdes à plus long terme, votre corps peut développer une accoutumance, vous rendant insensible aux effets secondaires décrits, ou à l'efficacité même des opioïdes. On parle dans ce cas de tolérance. Le corps s’habitue aux opioïdes et crée une sorte de dépendance. Ce qui peut engendrer une surmédication. Le remède n’est alors plus utilisé pour des raisons médicales. Il servira à provoquer un sentiment d’ivresse ou une altération de la conscience. Selon les études les plus récentes, environ 10 % de toutes les personnes consommant des opioïdes à long terme finissent par en faire un usage problématique. Le risque d’addiction en cas d’utilisation prolongée ne doit donc pas être sous-estimé. Cela peut mener dans les pires cas à une overdose (ou intoxication), entraînant la mise en danger de la vie du patient, voire son décès.
L’arrêt du traitement doit impérativement se faire progressivement et sous surveillance d’un médecin pour éviter les symptômes du sevrage. Ne perdons pas non plus de vue que l’interaction avec d’autres médicaments influençant eux aussi le cerveau, ou avec d’autres euphorisants (comme l’alcool ou les drogues illégales), renforce ou réduit considérablement l’effet de ces opioïdes.
Lorsqu’un médecin envisage malgré tout un traitement avec de telles substances, il doit impérativement soupeser les avantages et inconvénients avec grande attention. Il faut commencer par un traitement d’essai le plus court possible, en réduisant autant que faire se peut le dosage avant de l’augmenter très progressivement. Si le bénéfice thérapeutique ne semble pas au rendez-vous, il faut adapter la médication (comme changer d’opioïde) ou y mettre un terme. Qu’il y ait progrès ou non, un suivi régulier reste quoi qu’il en soit indispensable.
Les traitements ne manquent pas et doivent être soupesés en fonction du patient et de la pathologie sous-jacente. Ils peuvent être regroupés dans les interventions physiques (dont la perte de poids, la kinésithérapie, l’activité physique, l’acupuncture, la chiropractie, la neuromodulation, les massages etc.) et les interventions psycho-éducatives (comme la thérapie comportementale cognitive, la relaxothérapie, la psychothérapie, l’ACT [thérapie d’acceptation et d’engagement], l’éducation à la douleur, la méditation de pleine conscience [mindfulness]).
Ces types de traitements associés à des anti-douleurs classiques et non-opioïdes doivent être le plus possible privilégiés avant d’envisager l’utilisation d’un opioïde.
Notre pays compte 35 centres de la douleur multidisciplinaires subsidiés par les pouvoirs publics auxquels les patients peuvent s’adresser pour recevoir une aide spécialisée. Une équipe multidisciplinaire de prestataires de soins s’y tient prête à accompagner ensemble le patient à travers le traitement le plus approprié et l’éventuel post-traitement.
Les patients souffrant de douleur chronique sont malheureusement bien souvent redirigés trop tard vers de tels centres de la douleur par leur médecin traitant. A ce jour, les critères de redirection n’ont pas encore été clairement définis. En général, la redirection a lieu en cas de douleurs de longue durée (plus de six mois), de douleurs mal contrôlées ou de problématique complexe. Ce délai de six mois est pourtant bien trop long. Passé ce délai, les douleurs sont déjà trop avancées, ce qui rend leur soulagement d’autant plus difficile.
La liste d’attente pour être admis dans un centre de la douleur est par ailleurs très longue. Il serait donc nécessaire d’améliorer l’accessibilité à ces centres. Car la douleur chronique coûte annuellement très cher à la société. Que ce soit en médication, en traitements, en absentéisme, en diminution de productivité, ou encore, dans certains cas, en retraite anticipée.
Vous voulez savoir s’il existe une clinique de la douleur dans votre région? Vous trouverez un aperçu ici.
Aperçu des centres de la douleur