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Huile de CBD : ce que les vendeurs vous disent (... et qu’il ne faut pas croire)

20 novembre 2020

Ce n’est pas un complément alimentaire agréé, même s’il est vendu en tant que tel. Contrairement à ce qu’affirment nombre de vendeurs, son utilité contre les douleurs et la plupart des autres problèmes n’est pas prouvée. Sans compter les risques encourus insuffisamment mentionnés. Certaines huiles contiennent par ailleurs moins de CBD qu’annoncé.

Introduction

Le CBD, ou cannabidiol, est l’un des plus de cent cannabinoïdes présents dans le cannabis. Différentes propriétés salutaires lui seraient attribuées. L’huile aurait ainsi un effet relaxant, analgésique, anxiolytiques et favoriserait le sommeil. C’est pourquoi elle est ajoutée à toutes sortes de produits (huile, capsules, aliments, cosmétiques, e-liquides, lubrifiants…).

Ces effets bénéfiques ont-ils été scientifiquement prouvés ? Absolument pas. L’utilité du CBD à dose élevée n’a été prouvée que pour certaines formes d’épilepsie. 

Cela n’empêche pas les vendeurs de vous vendre la substance en tant que complément (ce qu’elle n’est officiellement pas) et d’en clamer haut et fort les effets thérapeutiques et salutaires. C’est ce que nous avons pu constater lorsque nous avons rendu visite à vingt boutiques en ligne et vingt magasins physiques. Nous y avons acheté une huile de CBD à appliquer par gouttes sur la langue (l’un des produits CBD les plus prisés), nous faisant passer pour des patients en souffrance.

Les magasins visités étaient principalement des enseignes spécialisées ("CBD shops"), bien qu’en faisaient partie quelques drogueries et deux pharmacies. Les informations fournies par la plupart des magasins quant aux risques du CBD étaient par ailleurs erronées ou insuffisantes. 

Découvrez ici comment nous avons procédé. 

Consultez les courriers envoyés aux magasins visités. 

Allégations sanitaires trompeuses

Même si les allégations thérapeutiques et sanitaires en général sont légalement interdites pour ce type de produit, tous les points de vente physiques visités (20 commerces) et 15 des 20 boutiques en ligne ont donné l’impression que l’huile de CBD s’avère (probablement) efficace contre la douleur et les maux tels qu’un excès de stress, l’anxiété, les problèmes de concentration...

Pour convaincre les clients potentiels, les vendeurs font volontiers référence à une enquête qui est toutefois loin de justifier ces allégations. Différents renvois à cette étude ont par exemple été trouvés sur les sites web.  Celle-ci laisse entendre que le CBD serait efficace contre l’anxiété. Ne vous laissez pas duper : cet essai a été réalisé à une échelle bien trop petite pour pouvoir en tirer des conclusions quant à l’efficacité du CDB. En outre, la dose de CDB que ces participants se sont vus administrer (300 mg) est nettement supérieure à celle que contient un "complément" en vente libre (en moyenne, la dose conseillée est de 50 mg par jour).

Qui souhaite en prendre 300 mg/jour a intérêt à avoir les reins solides. Nous avons payé en moyenne 55 € pour 1 000 mg de CBD. A raison de 300 mg/jour, vous tenez donc un peu plus de trois jours. Le tarif mensuel ? Près de 500 €. Une petite dose de 50 mg/jour, telle que recommandée par les vendeurs, est probablement inutile, mais coûte toujours environ 80 €/mois.

Certaines boutiques en ligne vont encore plus loin pour dynamiser leurs ventes et tentent de faire croire aux clients qu’ils sont atteints d’une affection inexistante : la "déficience clinique en endocannabinoïde". Une carence en endocannabinoïdes serait à la base de maux tels que la migraine et la fibromyalgie. Et le CBD apporterait (naturellement) une solution. Royalqueenseeds affirme : "A ce jour, cela n’a pas encore été reconnu comme une affection officielle, mais cela sera très probablement le cas sous peu". La vérité : l’existence de ce syndrome n’est que pure spéculation et loin d’avoir été démontrée.
 

Informations rares ou erronées quant aux risques

Des informations trompeuses sont propagées au sujet des risques.

Pas moins de 16 des 20 commerces physiques et 12 des 20 boutiques en ligne (aucune pharmacie) ont affirmé que le CBD n’avait pas d’effets secondaires. D’une manière générale, la substance est bien supportée, mais des problèmes ont déjà été rapportés dans certaines études : problèmes à l’estomac et aux intestins, maux de tête, somnolence... De même que des problèmes graves à doses élevées, comme des troubles hépatiques et une pneumonie.

Plus de la moitié des boutiques en ligne (11 sur les 20) ont laissé entendre qu’une utilisation prolongée du CBD ne présente aucun danger. La vérité : la sécurité à long terme n’a pratiquement pas été étudiée.

Il convient également d’être attentif aux interactions avec les médicaments. Seul un employé de l’un des magasins physiques a attiré l’attention sur ces interactions. Dans cinq boutiques en ligne seulement, le risque était mentionné sur la fiche produit en ligne, l’emballage ou une notice.

En l’absence de données de sécurité, le CBD est contre-indiqué durant la grossesse et l’allaitement. Seuls 4 des 20 commerces physiques de CBD l’ont évoqué. Dans 11 des 20 boutiques en ligne, cette contre-indication était mentionnée sur la fiche produit en ligne, l’emballage ou une notice. Pourtant, notre acheteuse mystère était susceptible d’être enceinte.

Plus d’infos sur les risques 

Deux produits démasqués

On peut par ailleurs se demander si ce petit flacon contient vraiment 1000 mg de CBD. Différentes études internationales, comme celle du chercheur néerlandais Arno Hazekamp, ont démontré qu’on ne pouvait pas prendre cela pour argent comptant. Les fabricants n’ont pas l’obligation de le démontrer.

Nous avons demandé à un laboratoire de vérifier la teneur le CBD et THC de 20 des 40 produits achetés (énumérés ci-après). Deux échantillons contenaient nettement moins de CBD qu’annoncé sur l’étiquette :

  • Une huile de CBD 20 % "premium" de Cannabas ne se composait selon notre analyse que de 14 % de CBD. 
  • Une huile de CBD 20 % de Pure Life : selon notre analyse, elle ne contenait que 1 % de CBD.

L’excuse de Cannabas ? L’huile contiendrait également une autre substance qui (selon eux) serait bonne pour la santé. Et elle a été comptée en tant que CBD... Pas d’accord. Le fabricant de Pure Life a répondu que nous avions mal compris l’étiquette. Il a néanmoins promis de l’adapter.

Dans les autres échantillons, nous n’avons pas décelé d’anomalies. Cela ne signifie toutefois pas que les indications figurant sur l’étiquette sont totalement exactes. Il n’existe toujours pas de méthode standard obligatoire pour quantifier le CBD. Différentes méthodes sont utilisées, les unes plus précises (et onéreuses) que les autres. Les résultats peuvent différer en fonction du test. Cela illustre le manque de réglementation dans ce secteur.

Enfin, nous avons également contrôlé la teneur en THC dans les produits. Le THC est l’élément psychoactif du cannabis L’huile de CBD ne peut légalement pas contenir plus de 0,2 % de THC. Tous les échantillons analysés étaient conformes à cette norme. Ces produits ne vous feront dès lors pas planer.

Des mesures s.v.p.

Nous avons envoyé un courrier aux pouvoirs publics en les enjoignant de prendre ce secteur en mains. Plus spécifiquement, nous leur avons demandé ce qui suit :

  • Produits vendus en tant que compléments alimentaires alors qu’il n’en est rien. Et ce, avec une bonne dose d’allégations trompeuses. Ce n’est pas correct. Nous avons demandé aux pouvoirs publics d’élaborer un plan d’approche pour détecter plus rapidement de tels abus et y mettre un terme.
  • Nous leur avons également demandé d’élaborer une proposition visant à donner accès à un produit abordable et bien régulé aux personnes pour lesquelles le cannabis (dont l’huile de CBD) pourrait (potentiellement) être profitable pour des raisons médicales, et dont la qualité est comparable à celle des médicaments. Nous entrevoyons ici un rôle pour le bureau du cannabis promis dans le giron de l’Agence des Médicaments et des produits de santé (AFMPS). Si sa création a été approuvée, son exécution se fait encore et toujours attendre. Suite à la création de ce bureau, les pouvoirs publics devraient disposer du monopole complet sur la production, la vente, l’importation et l’exportation de cannabis médicinal. Ce qui permettrait également d’augmenter les recherches concernant les présumés effets thérapeutiques du cannabis.
  • Quoi qu’il en soit, nous demandons un cadre légal précis pour les produits auxquels sont ajoutés du CBD, harmonisé au niveau européen.
  • Il n’existe aucun accord sur la manière dont les cannabinoïdes (tels que le CBD et le THC) doivent précisément être quantifiés. Il appartient aux pouvoirs publics, en collaboration avec des universités, de faire le nécessaire pour identifier la méthode de référence la plus adéquate.