Intenter un procès? Réfléchissez avant d’agir

Intenter ou non un procès, telle est la question. Avant de vous décider, envisagez une simple analyse des coûts et bénéfices: la somme réclamée au tribunal couvrira-t-elle le total de votre préjudice et des frais de procédure ? Il est malheureusement difficile d’apporter une réponse univoque à cette question. Mais avant d’entamer un procès, tenez compte des critères suivants.
Vous pouvez vous défendre vous-même pour de simples litiges
Pour les affaires simples et claires, nous vous conseillons de ne pas recourir à un professionnel, mais de vous adresser vous-même au juge de paix. Les honoraires d’avocats, d’huissiers et d’experts augmentent fortement la facture d’un procès. Pour les montants de moins de 2500€, il y a peu de chances que l’indemnité de procédure octroyée par le juge à la partie gagnante en compensation de l’assistance d’un avocat couvre les frais de celui-ci.
Un avocat facture facilement entre 75 et 100€ de l’heure, voire plus, alors que les frais de justice sont estimés de manière forfaitaire en fonction de la valeur du litige et non de vos frais de justice réels. Sans avocat, un procès ne vous coûtera pas autant.
- Si vous citez quelqu’un en justice via une citation à comparaître, vous ne devrez payer que les frais de citation (environ 250 à 300 €).
- Si, en revanche, vous pouvez engager une procédure par le biais d’une requête, comme c’est le cas pour les litiges en matière de loyer devant le juge de paix, vous devrez verser une contribution de solidarité de 20 € au Fond budgétaire.
- Si le juge vous donne raison, il facturera tous les frais que vous avez avancés à la partie perdante.
- Si vous perdez l’affaire, alors vos frais ne se limiteront pas à ce que vous avez déjà avancé, mais le juge exigera également des frais de mise au rôle. Ce montant varie, en première instance, selon le montant du litige : 50 € ou 165 € (voire plus en appel).
Les coûts sont difficiles à estimer
Vous courrez bien sûr toujours le risque de perdre le procès et de devoir quand même payer l’avocat. N’oubliez pas non plus que la facture finale dépendra en partie de l’attitude de la partie adverse: si la défense est acharnée, le procès durera plus longtemps. L’avocat aura plus de travail et ça se ressentira sur la facture.
Vérifiez si la partie adverse est capable de payer
Avant d’engager la procédure, assurez-vous tout d’abord de la solvabilité de la partie adverse. À quoi vous servirait un jugement en votre faveur s’il n’était de toute façon pas exécutable? Si la partie adverse est ruinée par une faillite ou un règlement collectif de dettes, vous pouvez dire adieu à votre argent (et aux frais de procédure que vous avez avancés).
Plutôt une indemnisation partielle que pas d’indemnisation du tout
En général, même si vous ne récupérez pas totalement vos frais auprès de la partie adverse, vous êtes encore mieux loti que si vous aviez dû supporter vous-même le préjudice subi (arriérés de loyers, réparations dans votre maison, etc.).
Sans procès, vous ne recevriez probablement rien. Dans ce cas, mieux vaut "perdre" quelques euros en frais de justice que de passer à côté d’une compensation financière de plusieurs milliers d’euros. Mais sachez qu’il existe aussi des options moins onéreuses qu’un long procès avec un avocat hors de prix.
Pour éviter que les frais d’un procès ne grimpent trop, vous disposez d’un certain nombre d’options.
L’assistance juridique
Si votre assurance familiale ou auto comprend une assistance juridique, vous ne devez pas assumer vous-même les frais d’un procès. L’assureur prendra en charge les frais liés à la défense judiciaire ou extrajudiciaire de vos droits. Concrètement, votre assureur tentera d’abord de résoudre le litige par un accord à l’amiable, la voie la plus rapide et la moins chère. Si la procédure judiciaire s’avère inéluctable, votre assistance juridique prendra en charge les frais du procès et les honoraires d’avocats et d’experts. Si vous perdez le procès, l’assurance paiera aussi l’indemnité de procédure à la partie adverse.
La médiation (gratuite)
Vous pouvez convoquer la partie adverse à une conciliation devant le juge de paix, pour autant bien sûr que l’affaire tombe sous sa compétence. Une simple lettre suffit et cela ne coûte rien. Un procès-verbal de conciliation a la même valeur qu’un jugement et peut être présenté à un huissier en vue de son exécution.
Vous pouvez également faire appel à un médiateur agréé (à rémunérer). Une tierce personne indépendante - en général un avocat payé à l’heure - s’efforce alors d’amener les parties à un accord. La médiation est souvent utilisée dans les litiges familiaux, moins dans d’autres matières, car le recours à un médiateur agréé peut s’avérer cher au final.
Il existe par ailleurs une série de services habilités à traiter des plaintes diverses : le Service de médiation pour le consommateur, la Commission de litiges voyages, la Commission de conciliation construction ou le service d’aide juridique de Test Achats.
Et n'oubliez pas les experts juridiques de notre Service conseil. Vous pouvez les contacter tous les jours ouvrables de 9h à 12h30 et de 13h à 17h (16h le vendredi) au 02 542 32 00.
Mais vous pouvez également utiliser notre module de plainte.
Se défendre soi-même ?
Et si c’est vous le défendeur et que vous n’avez rien à vous reprocher ? Plusieurs réactions sont possibles, selon les démarches de la partie demanderesse. Si elle a fait appel à un ordre professionnel (gratuit) ou à un bureau de recouvrement pour récupérer auprès de vous un faible montant (par exemple 200 €), il y a peu de chances que vous alliez jusqu’au procès. Si vous êtes sûr de votre droit, ne donnez pas suite à ces menaces.
En revanche, si la partie adverse a recours à un bureau d’avocats et qu’elle s’est déjà mise en frais pour récupérer le montant, il est très probable qu’elle n’en restera pas là. Contrairement à un particulier, une entreprise peut déduire la facture d’un avocat de ses frais professionnels; elle est donc plus facilement encline à intenter un procès. Dans ce cas, mieux vaut essayer de négocier pour trouver un compromis. En effet, même si vous obtenez gain de cause, l’indemnité de procédure ne suffira pas à couvrir les frais d’avocat.
Idem pour les petites amendes, par exemple pour un excès de vitesse. Même si vous vous défendez tout seul devant le tribunal, la citation peut vous coûter 125€. À cela s’ajoutent les montants de 20 € de contribution au Fonds budgétaire et de 200 € au Fonds d’aide aux victimes si le tribunal vous impose une amende de plus de 25 €. Quand on sait que chaque amende prononcée par le juge est multipliée par huit (les centimes additionnels), le calcul est vite fait.
Supposons que vous ayez été pris en train de conduire à du 80 km/h alors que le maximum autorisé était de 70 km/h et que l’amende se monte à 53 €. Si vous ne la payez pas et voulez vous défendre devant le tribunal de police, le juge peut vous faire payer 424 €.
Et ne négligez pas non plus le temps perdu et le stress occasionnés par une procédure judiciaire. Notre conseil ? Mieux vaut payer l’amende. Certains litiges ne valent tout simplement pas un procès, sauf si c’est une question de principe.