Alléchantes propositions d’installations photovoltaïques à Bruxelles: qu’en penser?

Les deux sociétés que nous avons identifiées, Brusol et Brusselsenergy, proposent, de placer sans frais des panneaux photovoltaïques sur votre toit et de les entretenir pendant 10 ans.
De votre côté, vous profitez immédiatement de la production photovoltaïque qui alimente votre habitation et devenez, après 10 ans, propriétaire des panneaux (qui peuvent encore fonctionner plusieurs années).
Le système des certificats verts toujours en vigueur à Bruxelles permet, semble-t-il aux deux sociétés de s’y retrouver.
Méfiance? Ne serait-il pas plus rentable de poser du PV soi-même, en le finançant ? Voici ce qu’il faut savoir.
Est-ce crédible?
Le concept du tiers-investisseur dans le secteur photovoltaïque traîne une réputation plutôt sulfureuse suite aux problèmes rencontrés au début de cette décennie en Wallonie.
A Bruxelles, selon nos calculs, un tel système tient cependant financièrement la route.
Même si, par prudence, on tient compte du prix plancher octroyé aux certificats verts – soit 65€ l’unité – les subsides couvrent sur 10 ans le montant de l’installation.
Nous ne sommes donc apparemment pas en présence de montages mettant grandement en danger le consommateur, comme en 2010 en Wallonie où le pseudo-tiers-investisseur faisait s'endetter son client tout en empochant toutes les primes.
Notre calcul en détail
Actuellement, Bruxelles octroie 3 certificats verts par 1000 kWh produits (pour une période de 10 ans) et ceux-ci bénéficient actuellement d’un prix élevé, soit +/- 90 à 95€ à l’unité. Il existe, en outre, un prix plancher garanti de 65€ par CV payé par Elia en cas de chute du prix sur le marché. Ce prix minimum de 65€ par kWh assure entre 1200 et 1700€/kWc de subsides sur 10 ans. Au prix actuel du CV, on peut même dépasser les 2000€/kWc.
Or, le prix d'une installation PV (prix pour le consommateur) se situe entre 1000 et 1500€/kWc. Financer une installation uniquement grâce aux certificats verts est donc réalisable pour une société qui doit toutefois emprunter pour payer ses frais maintenant et rembourser son emprunt sur 10 ans. Les taux d'emprunt étant bas, le montage financier semble donc réalisable.
Mais d’autres questions se posent évidemment!
Si nous prenons, pour hypothèse, une valeur "moyenne" de production à Bruxelles de 750 kWh pour une installation de 4 kWc, nous obtenons les flux financiers suivants sur 20 ans.
Avec tiers-investisseur
Bilan au fil des ans avec tiers-investisseur
Le recul à 10 ans vient du remplacement supposé de l'onduleur. Au final, sur 20 ans, on récolte dans les 3800€. Le temps de retour est quasi instantané, puisqu'on n'injecte pas de capital propre.
Sur fonds propres
Dans ce cas, nous obtenons ce graphique
Bilan au fil des ans sur fonds propres
Il y a un temps de retour de l'ordre de 6 ans mais le gain final est un peu plus élevé : +/- 4500€.
Avec emprunt
Pour adoucir le paiement, on pourrait emprunter sur 5 ans l'argent (avec éventuellement un prêt vert)
Bilan au fil des ans avec emprunt
Ceci change peu le temps de retour et le bilan final.
Plusieurs facteurs interviennent dans le gain
Rappelez-vous que les gains du photovoltaïque varient en fonction de différents facteurs dont l'orientation de l'installation, qui déterminera la production d'électricité et la quantité de certificats verts obtenus, sachant que le prix de ces derniers peut fluctuer.
Dès lors, nous avons encore effectué des calculs avec des paramètres plus favorables (production plus importante et certificats verts à un prix élevé) et moins favorables (production moins élevée et certificats verts au prix minimum garanti).
- Dans des conditions favorables, le différentiel en investissant soi-même est plus élevé et peut rapporter jusqu'à 2500€ de bénéfice supplémentaire.
En optant pour la solution du tiers-investisseur, vous abandonnez ce bénéfice éventuel à ce dernier.
- Dans des conditions défavorables, les gains sont réduits et on ne perd donc rien ou pas grand-chose à prendre un tiers investisseur qui assumera le risque. Sachant, en effet, que la faillite pourrait éventuellement le menacer par manque de financement. Exit, dans ce cas, les promesses d’entretien même si le photovoltaïque en demande peu et que la panne de l'onduleur (la plus fréquente) peut être couverte par une garantie du constructeur. Voyez nos mises en garde.
Conclusion: l'option du tiers investisseur est d'un point de vue financier assez équivalente à l'investissement propre, ce dernier rapportant toutefois plus en cas de bonne conditions de production et d'un marché des CV favorables.
A propos du gain sur la facture
La promesse d’une économie de 723€ par an, en moyenne, sur votre facture énergétique vantée par Brusol réclame au précision importante : il s’agit d’un gain temporaire.
Bruxelles annonce la fin de la compensation en 2020 de sorte que la réduction de la facture sera alors plutôt de l'ordre de 30 à 45% grâce à l'autoconsommation.
L'installation aura bien un coût
Après 10 ans, le consommateur devient propriétaire des panneaux. Il devra donc les entretenir, ce qui revient principalement à changer l'onduleur en cas de panne.
Mais d'autres pannes peuvent toujours survenir, aux frais du propriétaire. Et au final, l'installation devra être démantelée un jour ou l'autre.
Il s’agit d’un point d’attention pour le propriétaire d’un logement, si d’aventure, c’est un locataire qui est à l’initiative de l’installation via un tiers investisseur, nonobstant la plus-value qu’elle constitue pour le logement.
Vous êtes lié pendant 10 ans
Vous êtes lié avec le tiers-investisseur qui pose l’installation sur votre toit pendant 10 ans. Si la société est solide et tient ses engagements, cette relation devrait être facile et quasi transparente. Mais en cas de difficultés financières, même si les conditions contractuelles sont correctes, le propriétaire peut être confronté à des soucis:
- difficultés de faire réparer l'installation en cas de panne;
- changement de société gérant les panneaux et les certificats verts;
- nécessité de devoir racheter l'installation et gérer les certificats verts restants;
S’engager n’est jamais sans risque. On peut ainsi passer du confort aux tracasseries diverses.
Offres
Nous avons analysé les offres des 2 sociétés concernées en novembre 2018.
- L’offre de Brussels-Energy nous fait surtout tiquer. Avec eux, la gratuité n’est pas totale puisque vous devez payer un montant annuel pour du monitoring. Brussels-Energy peut aussi proposer en option payante la gestion de l’ombre par un onduleur « optimiseur ». C’est un choix technique envisageable permettant d’augmenter la production mais nous ne voyons pas pourquoi le client devrait payer pour cette solution dans le cadre « de panneaux photovoltaïques gratuits » , surtout qu’elle permet au tiers-investisseur d’avoir plus de certificats verts.
Il est aussi prévu dans le contrat de Brussels-Energy des sanctions financières en cas de manquements du consommateur.
Enfin, Brussels-Energy gardera le bénéfice de la revente d’électricité injectée, si cette revente a lieu dans le futur.
- L’offre de Brusol est moins critiquable. Nous pourrions suggérer d’adapter deux clauses dans leur contrat (1 suppression et 1 ajout de phrase).
Les deux clause à adapter:
- 2.4.2 Au cas où le Propriétaire vend l’Immeuble il s'assurera que le Nouveau Propriétaire connaît et accepte le Contrat-cadre.
Au cas où le Nouveau Propriétaire refusera ceci, l’Immeuble ne peut en aucun cas être vendu par le Propriétaire qu’avec l’autorisation écrite et préalable de BRUSOL. L’Immeuble ne pourra en aucun cas être aliéné par le Propriétaire sans l’autorisation préalable et écrite de BRUSOL.Si tel devait être le cas, les Parties entameront des négociations concernant la récupération de l’Installation par l’Installateur et les modalités de cette récupération. - 9.3 En cas de résiliation anticipée de la Convention, le Propriétaire pourra acquérir l’Installation moyennant paiement d’un prix à déterminer par l’Installateur en fonction de l’âge de l’Installation et des certificats d’énergie verte y assortis.
A défaut d’un accord concernant l’achat ou de paiement immédiat, l’Installateur aura le droit d’enlever l’Installation à ses frais.
En cas d'échec, le propriétaire peut considérer le contrat comme terminé et demander soit la prise de contrôle, soit la suppression de l'installation.
Une future bulle photovoltaïque à Bruxelles?
Contrairement à la Wallonie et à la Flandre, Bruxelles entend assumer les subsides conséquents qu’elle accorde pour aider le photovoltaïque, arguant du nombre limité d'installations possibles en ville (configuration des toits, potentiel plus réduit). La facilité de pose créée par le système du tiers-investissement pourrait cependant créer une forte augmentation du nombre d'installations en un temps assez court. 1000 nouvelles installations entraîneraient plus de 6 millions d'euros de subsides sur 10 ans. A répercuter sur les factures d'électricité.
Tout savoir sur les installations photovoltaïques
Consultez notre dossier «Panneaux photovoltaïques : tout ce que vous devez savoir».