Produits au soja: à limiter


Les produits à base de soja ont la cote. De plus en plus de monde y recourt pour remplacer la viande et d’autres produits d’origine animale comme le lait, les yaourts, les desserts lactés ou encore la glace. Pour les personnes intolérantes au lactose aussi, ces produits sont devenus incontournables.
Côté nutritionnel, le soja a de quoi séduire avec une teneur en protéines élevée et un profil en acides gras intéressant. Pourtant, sa consommation n’est pas dépourvue de risques. En effet, certains produits à base de soja contiennent des isoflavones.
Les isoflavones sont des molécules (de la famille des phyto-œstrogènes) actives sur le plan hormonal, dont l’innocuité reste à prouver. Pour certains, elles jouent le rôle de régulateurs hormonaux potentiellement bénéfiques à la santé. Pour d’autres, ces molécules sont susceptibles de nuire à la santé.
Les études scientifiques entourant les isoflavones mettent en évidence des effets potentiellement néfastes pour la santé. Parallèlement, des scientifiques pointent les actions protectrices des isoflavones pour certaines populations, notamment en cas de carence physiologique en œstrogènes. Des compléments alimentaires à base de ces phyto-œstrogènes sont d’ailleurs disponibles sur le marché.
Risques potentiels:
- Des troubles hormonaux et de la reproduction à l’âge adulte.
- Une perturbation des cycles menstruels.
- Un risque accru de cancer du sein chez les patientes ayant déjà été atteintes, ainsi que chez des patientes ayant une prédisposition génétique.
- Un risque d'altération de la fertilité masculine.
- Une contre-indication dans le cas d’enfants prématurés et dans le cas d’enfants souffrant d’hypothyroïdie congénitale à cause de possibles interférences avec les traitements.
- Des perturbations endocriniennes cumulatives.
Bénéfices potentiels:
- Une réduction des symptômes associés à la ménopause (bouffées de chaleur et densité osseuse).
- Une réduction du risque de maladies cardiovasculaires chez les femmes ménopausées.
- La prévention du syndrome métabolique ainsi que de l’obésité et du diabète de type 2.
- La prévention et le traitement de certains cancers du sein, mais seulement en l’absence de cancer du sein déjà déclaré ou d’antécédents de cancer du sein.
- La prévention d’autres cancers tels que le cancer de l’utérus et de la prostate.
On le voit, de nombreux effets potentiels sur la santé, à la fois bons et mauvais, ont été associés à l’exposition aux isoflavones. C’est pourquoi, la question de savoir si les isoflavones sont bénéfiques ou non demeure sans réponse, et pourrait dépendre par exemple de l’âge, de la dose absorbée, de l’état de santé global, du sexe, de la présence ou de l’absence d’une certaine flore microbienne intestinale, etc.
Dans les deux cas, ces conséquences sur la santé nécessitent des recherches plus approfondies. Dans le doute, la prudence devrait donc être de mise en ce qui concerne la consommation de produits à base de soja.
Tous les produits à base de soja ne sont pas concernés.
Les biscuits, confiseries et viennoiseries qui contiennent de la lécithine de soja ne représentent pas un problème, les margarines végétales non plus, car elles ne contiennent pas d’isoflavones.
Les liquides et les produits contenant beaucoup d’eau, quant à eux, présentent généralement des teneurs élevées en isoflavones. On pense aux:
- boissons à base de soja
- yaourts au soja
- glaces au soja
- substituts de viande à base de soja: tofu, tempeh, etc.
Attention au soja "caché"
Il existe aussi des produits "non végétariens" ou "non végétaliens" dont la recette contient du soja. Une sauce bolognaise au bœuf que nous avons analysée, par exemple, en contient. Les fabricants y recourent, car le soja est une source de protéines à bas coût. Lisez donc bien les étiquettes afin de repérer ce soja "caché", car d’un produit à l’autre et d’une recette à l’autre, les teneurs en isoflavones varient.
Nous ne sommes pas tous égaux face à ces risques. Certains groupes de population seraient plus vulnérables que d’autres.
- Les enfants de moins de 3 ans: comme leur poids corporel est faible, ils atteignent plus rapidement les quantités à ne pas dépasser. De plus, certains enfants (intolérants au lactose ou dont les parents sont végétaliens) consomment des boissons au soja. À cet âge-là, les enfants boivent généralement deux biberons de 250 ml de « lait » par jour. Ce qui les expose beaucoup trop.
- Les enfants (au-dessus de 3 ans) et adolescents: en pleine croissance et moins lourds que les adultes, ils peuvent faire preuve d'un grand appétit et manger d'importantes quantités.
- Les femmes enceintes ou qui allaitent: c’est en fait leur bébé qu’elles exposent aux isoflavones dans l’utérus ou via le lait maternel.
- Les personnes ayant eu un cancer du sein: elles doivent se méfier des isoflavones compte tenu du taux élevé de récidives spontanées des cancers hormono-dépendants.
- Les végétariens: ils consomment plus régulièrement des substituts de viande, dont notamment des produits à base de soja.
Nous avons analysé 35 produits au soja issus de différentes catégories, et avons mesuré leurs teneurs en isoflavones par portion. Vous trouverez ces valeurs dans les tableaux ci-dessous.
Sachez que les concentrations en isoflavones des denrées alimentaires varient d’une marque à l’autre, mais aussi parfois d’un numéro de lot à l’autre (si la recette change un peu). Il ne s’agit donc pas de valeurs fixes, mais ces chiffres nous donnent une idée des teneurs auxquelles nous nous exposons, ainsi que les catégories les plus vectrices en isoflavones.
Aucun emballage des produits analysés n’affiche la teneur en isoflavones ou quelconque mise en garde par rapport à leur présence, même si, pour une grande partie d’entre eux, les apports en ces substances actives sont bien supérieurs aux doses limites que nous estimons acceptables, en particulier pour les enfants.
Produits | Appréciation Adulte (60 kg) |
Appréciation Adolescent (45 kg) |
Appréciation Enfant (30 kg) |
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Alpro Vanilla Boisson au soja |
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Alpro Chocolate praliné Boisson au soja |
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Alpro Soya vegetal Boisson au soja |
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Boni Boisson au soya vanille Boisson au soja |
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Milbona Soja Natural Boisson au soja |
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Alpro Caffè soya caramel blend Boisson au soja |
n/a | ||
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Alpro Cuisine Soya Aide culinaire |
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Carrefour Soja à cuisiner Aide culinaire |
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Alpro Cuire et rôtir végétal Aide culinaire |
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Soy Pro Cuire et rôtir végétal Aide culinaire |
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Albert Heijn Topping Aide culinaire |
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Alpro Madagascan Vanilla Dessert |
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Alpro Dark chocolate plant-based dessert Dessert |
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Alpro Nature Dessert |
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Soy Pro Choco dessert au soja Dessert |
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Provamel Organic-bio Soya Dessert |
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Ola Cornetto Vegan Dessert |
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SoFine Bio Tofu Naturel Tofu |
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Céréal Bio Soyeux Vegan Tofu |
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Bioline Tempeh naturel Tempeh |
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Saitaku Tamari Soy Sauce Sauce soja |
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Suzi Wan Sauce Soja Sauce soja |
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Nissui Edamame Fèves de soja Fèves de soja |
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Bonduelle Fèves de soja Fèves de soja |
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Manna Sauce Bolognaise Sauce |
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Succès du Jour Gaufres fourrées Biscuits |
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Lotus Gaufres familiales Biscuits |
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Le Boucher Végétarien Super Hâché vegan Substitut de viande |
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Garden Gourmet Boulettes Substitut de viande |
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SoFine Veggie Nuggets Substitut de viande |
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Delhaize Boulettes de viande Viande |
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Mora Crispy Chick'n Viande |
Grille de notation | ||||
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Adulte (60 kg) Isoflavones (mg/portion) |
Adolescent (45kg) Isoflavones (mg/portion) |
Enfant (30kg) Isoflavones (mg/portion) |
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Limite inacceptable | ≥ 33,75 | ≥ 25 | ≥ 17 | |
Limite tolérable | 15,75 ≤ x < 33,75 | 12 ≤ x < 25 | 8 ≤ x < 17 | |
Limite acceptable | 7 ≤ x < 15,75 | 5 ≤ x < 12 | 1 ≤ x < 8 | |
Limite satisfaisante | <1 ≤ x < 7 | <1 ≤ x < 5 | < 1 |
Produits | Bébé 1 an (9kg) |
Bébé 2 ans (12kg ) |
Bébé 3 ans (14kg ) |
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Alpro Boisson de Croissance Soya 1-3+ |
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Bambix Drink de Croissance Soja 1+ |
n/a | n/a | |
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Bambi Drink de Croissance Soja 2+ |
n/a |
Grille de notation | ||||
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Bébé 1 an (9 kg) Isoflavones (mg/jour) |
Bébé 2 ans (12 kg) Isoflavones (mg/jour) |
Bébé 3 ans (14 kg) Isoflavones (mg/jour) |
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Limite inacceptable | ≥ 6,75 | ≥ 9 | ≥ 10,5 | |
Limite tolérable | 3,15 ≤ x < 6,75 | 4,2 ≤ x < 9 | 4,9 ≤ x < 10,5 | |
Limite acceptable | 1 ≤ x < 3,15 | 1 ≤ x < 4,2 | 1 ≤ x < 4,9 | |
Limite satisfaisante | < 1 | < 1 | < 1 |
On observe dans ce tableau un effet "marques" important.
D’un côté, nous avons la boisson de croissance "Drink de croissance soja 1+" de Bambix qui apporte 2 mg d’isoflavones par biberon. Avec 2 biberons par jour, on atteint une quantité de 4 mg d’isoflavones, ce qui respecte les valeurs journalières tolérables.
En revanche, la boisson de croissance "Alpro soya 1-3+", on atteint 10,8 mg d’isoflavones par biberon, soit environ 21 mg d’isoflavones par jour avec deux biberons. Pour des enfants de 9 à 14 kg (de 1 à 3 ans), cette valeur dépasse jusqu'à 6 fois la limite quotidienne acceptable fixée. Malheureusement, le consommateur ne dispose pas de cette information pour faire un choix éclairé.

Nous recommandons de limiter votre consommation de produits au soja à un par jour.
Une vigilance est particulièrement nécessaire concernant les boissons de croissance au soja pour les jeunes enfants âgés de 1 à 3 ans. Deux biberons par jour de certaines boissons de croissance peuvent faire exploser les quantités acceptables pour des enfants de 1 à 3 ans.
En Belgique, l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) recommande d’éviter le soja avant 6 mois. L’organisation flamande "Kind & Gezin" a fait la même recommandation, mais jusqu’au 1 an de l’enfant. Deux avis différents coexistent donc dans notre pays.
Quant au Comité scientifique de l’AFSCA, il estime important que les groupes à risque tels que les femmes enceintes, les jeunes enfants et les végétariens limitent au maximum la consommation d’aliments à base de phyto-œstrogènes.
Absence de cadre
Parallèlement à ces avis, il n’existe aucune recommandation officielle en Belgique. Et il suffit de se rendre au rayon "bébé" pour constater que ces boissons occupent une place importante dans nos supermarchés, alors que dans des pays comme la France, les préparations infantiles au soja ont disparu.
Nous jugeons cette situation préoccupante. En effet, nous pensons qu’un cadre légal devrait exister afin de limiter la teneur en isoflavones des produits au soja et pousser les industriels à adapter leur processus de fabrication, car il est possible d’obtenir des produits au soja avec de faibles teneurs en isoflavones moyennant des méthodes incluant un volume d’eau important et une cuisson de longue durée.
Fin octobre 2020, nous avons écrit au ministre fédéral de la Santé – Frank Vandenbroucke pour lui faire part de ces résultats de tests préoccupants et pour solliciter son avis sur l’absence de recommandation officielle en Belgique, particulièrement en ce qui concerne la limite de consommation de ces produits à base de soja pour les enfants en bas âge (1 à 3 ans). À l’heure où nous publions ce dossier, nous n’avons pas encore eu de réponse de sa part.
Le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) que nous avions également contacté fin octobre nous a indiqué prévoir la publication d’un avis à ce sujet d’ici fin 2020 – début 2021. Nous espérons que cet avis fournira les lignes directrices nécessaires à l’élaboration de recommandations officielles belges.
Avertir le consommateur
Dans l’intervalle et afin de réduire l’exposition à ces substances, nous plaidons pour un étiquetage obligatoire indiquant tant la teneur en isoflavones du produit que les doses journalières recommandées. Nous voudrions voir apparaître la mention suivante : "Contient X mg d’isoflavones (famille des phyto-oestrogènes). À consommer avec modération (limiter la consommation quotidienne à 0,75 mg/kg de poids corporel). Déconseillé aux enfants de moins de 3 ans".
Concernant plus spécifiquement les laits de croissance à base de soja, nous souhaiterions une recommandation officielle les déconseillant pour les enfants de moins de 3 ans.
Enfin, une mise en garde sur l’emballage permettrait d’avertir les consommateurs, surtout les plus vulnérables, qu'il est important de modérer leur consommation.