Réponse d’expert

Un spray nasal contre la migraine : comment agit-il et qu’en pensent nos experts ?

30 mars 2023
médicaments contre migraine

Récemment autorisé aux États-Unis, le Zavzpret est un nouveau spray nasal contre la migraine. Comment agit ce médicament dont la substance active est le zavegepant ? Est-il disponible chez nous et qu’en pensent nos experts ?
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Katleen Dillen
Experte en matière de santé
Le spray nasal au zavegepant agit mieux qu’un placebo dans le traitement des crises aiguës de migraine, mais nous ne savons pas encore si cet effet persiste en cas d’usage régulier et prolongé. Et nous ne savons pas non plus s'il est plus efficace en cas de crise aiguë, que d'autres médicaments (p. ex. les triptans).

Qu’est-ce que le Zavzpret - zavegepant destiné à lutter contre la migraine ?

Le 10 mars 2023, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, la FDA, a autorisé le spray nasal Zavzpret de la société Pfizer. Ce spray est destiné au traitement des crises de migraine aiguës.
 

Comment agit-il ?

Le Zavzpret contient une substance active appelée zavegepant. Le zavegepant fait partie de la classe de médicaments que l’on appelle inhibiteurs du CGRP. Ce CGRP (ou peptide lié au gène de la calcitonine) est une substance impliquée dans la transmission du signal de la douleur au cours d’une crise migraineuse.

Contrairement à la plupart des autres médicaments contre la migraine, développés à l’origine pour d’autres affections (p. ex. les bêtabloquants), ces inhibiteurs l’ont été spécifiquement pour la migraine. Quelques-uns sont utilisés préventivement afin de réduire le nombre de crises, notamment l’Aimovig (substance active : érénumab), l’Ajovy (frémanezumab) et l’Emgality (galcanézumab). Les patients doivent s’injecter eux-mêmes ces anticorps monoclonaux.

D’autres inhibiteurs du CGRP, les « gepants », peuvent à la fois lutter contre les crises aiguës de migraine et réduire le nombre de crises. L’un d’eux est déjà commercialisé dans notre pays, le Vydura (substance active : rimégépant),  mais il n’est pas remboursé par l’assurance-maladie. Ce produit est administré oralement.

Le zavegepant fait aussi partie de la catégorie des « gepants », mais il s’administre grâce à un spray nasal et non oralement. Il fonctionne mieux qu’un placebo pour traiter une crise de migraine aiguë (avec ou sans aura), mais nous ne savons pas encore si cela reste le cas lorsque les patients l’utilisent régulièrement sur une période assez longue. Et nous ne savons pas non plus si son effet est meilleur que celui d’autres médicaments (p. ex. les triptans) pour traiter une crise aiguë.

Par ailleurs, son éventuel effet préventif dans la réduction du nombre de crises n’a pas encore été étudié non plus et l’on en sait encore peu sur son innocuité à long terme.

Quelles sont les études menées sur le Zavzpret ?

L’efficacité et la sécurité d’un spray nasal au zavegepant ont fait l’objet de deux études à grande échelle. Des adultes souffrant de migraine modérée à sévère ont été répartis en groupes de manière aléatoire et ont reçu soit un spray nasal au zavegepant, soit un spray nasal contenant un placebo. Ni les patients ni les chercheurs ne savaient qui recevait quel produit.

  • Lors d’une deuxième (étude de phase 3 publiée dans la revue Lancet Neurology), les participants devaient s’administrer eux-mêmes une dose de 10 mg de spray ou de placebo en cas de crise de migraine modérée ou sévère.
  • Le nombre de patients des deux groupes libérés de la douleur 2 heures après la dose et de ceux ne souffrant plus du symptôme le plus incommodant (p. ex. nausées, hypersensibilité à la lumière) 2 heures après la dose ont ensuite été étudiés. Cette analyse a porté sur les données obtenues auprès de 1269 patients.

Les différences entre les deux groupes étaient claires (statistiquement significatives). 2 heures après l’administration, la douleur avait disparu chez plus de patients du groupe « zavegepant » (24 %) que chez les patients du groupe « placebo » (15 %). Il y avait aussi davantage de patients du groupe « zavegepant » que du groupe « placebo » qui ne souffraient plus du symptôme le plus incommodant 2 heures après la dose (40 % contre 31 %).

Les résultats du groupe « zavegepant » étaient aussi meilleurs que ceux du groupe « placebo » pour divers autres paramètres : soulagement de la douleur après 15 minutes (16 % contre 8 %) et après 2 heures (59 % contre 50 %), retour à un fonctionnement normal après 30 minutes (11 % contre 6 %) et après 2 heures (36 % contre 26 %) et soulagement persistant de la douleur 2 à 48 heures après la dose (36 % contre 30 %).

Les résultats de l’étude de phase 2/3 étaient dans la même veine.

Comment voyons-nous ce spray nasal contre la migraine ?

Quels sont les avantages du zavegepant ?

Le zavegepant est administré sous forme de spray nasal. Le mode d’administration peut être avantageux chez des patients confrontés à des problèmes en cas d’administration orale : personnes qui ne peuvent pas prendre le médicament oralement à cause de nausées ou de vomissements ou dont l’organisme ne l’absorbe pas bien, patients qui supportent mal ces comprimés (p. ex. qui en deviennent nauséeux) et personnes chez lesquelles le médicament administré par voie orale n’agit pas bien ou agit trop lentement. Contrairement à un comprimé, un spray nasal ne doit en effet pas passer par l’estomac et peut de ce fait agir plus vite ou être mieux supporté.

Le zavegepant est actuellement le seul inhibiteur du CGRP administrable par voie nasale. Ce n’est cependant pas un remède miracle pour tous : seul un quart des patients de l’étude de phase 3 était totalement libéré de la douleur 2 heures après avoir pris 10 mg de zavegepant.

À quelle vitesse agit le spray nasal ?

Dans l’étude de phase 3, la douleur était déjà apaisée chez plusieurs patients dans les 15 minutes de l’administration du spray : 16 % des patients du groupe « zavegepant » contre 8 % dans le groupe « placebo ». Les effets ont persisté jusqu’à 48 heures après.

Quels sont les effets secondaires du zavegepant ?

Lors des études à la fois de phase 2/3 et de phase 3, aucun effet secondaire grave dû au traitement au zavegepant n’est apparu.

La plupart des effets secondaires étaient légers ou modérés et ont disparu spontanément. Les plus fréquents lors de l’étude de phase 3 (≥ 2 % des patients) ont été des perturbations du goût (21 % dans le groupe « zavegepant » contre 5 % dans le groupe « placebo »), une gêne dans le nez (4 % contre 1 %) et des nausées (3 % contre 1 %).

Ce spray nasal est-il disponible en Belgique ?

Actuellement, le zavegepant n’a été approuvé que par l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA). Il sera probablement disponible en pharmacie aux États-Unis à partir de juillet 2023.

L’Agence européenne des médicaments (EMA) ne l’a pour l’instant pas encore évalué. Il n’est donc disponible ni en Europe ni en Belgique. Si le produit était autorisé par l’EMA, on ne sait pas si l’assurance-maladie belge le remboursera ni sous quelles conditions.

Quels autres produits existe-t-il en Belgique contre la migraine ?

Quels sont les avantages de zavegepant ?

Notre pays utilise toute une série de produits pour traiter la migraine.

Il y a d’une part des traitements visant à lutter contre les symptômes pendant une crise, les traitements de crise, comme les antidouleurs, les antiémétiques et les triptans. Il existe plusieurs types de triptans : ceux contenant différentes substances actives, administrables sous diverses formes (comprimé, spray nasal, etc.), avec une durée d’action variée et différents effets secondaires, etc. Généralement, le sumatriptan est le premier choix parce que ce produit a fait l’objet des recherches les plus étendues et que les médecins en ont donc le plus l’expérience. Assez paradoxalement, tous ces médicaments de crise peuvent tout aussi bien aggraver les maux de tête. Le malade tombe alors dans un cercle vicieux, car son cerveau s’habitue au médicament et l’effet diminue progressivement.

Il y a d’autre part des traitements préventifs visant à réduire le nombre et la gravité des crises. La plupart de ces moyens préventifs ont, à l’origine, été développés pour d’autres affections, mais semblent également fonctionner pour prévenir les crises de migraine. C’est notamment le cas des bêtabloquants, d’autres hypotenseurs, de médicaments contre l’épilepsie, d’antidépresseurs et de la toxine botulique.

Depuis quelques années, des inhibiteurs du CGRP sont aussi disponibles chez nous. Ces médicaments ont été spécialement conçus pour prévenir ou traiter les crises migraineuses. Sont d’abord apparus sur le marché trois produits préventifs, à savoir l’Aimovig (substance active : érénumab), l’Ajovy (frémanezumab) et l’Emgality (galcanézumab). Les patients doivent s’injecter eux-mêmes ces anticorps monoclonaux.

Depuis 2022, un tel inhibiteur est aussi disponible pour traiter les crises de migraine aiguës : le Vydura (substance active : rimegepant). Ce produit est administré oralement. Il peut aussi servir préventivement, afin de diminuer le nombre de crises migraineuses.

Bien que l’efficacité et la sécurité des inhibiteurs du CGRP soient clairement démontrées à court terme, il n’y a aucune preuve concluante de leur efficacité par rapport aux autres médicaments préventifs ou médicaments de crise.

En outre, les coûts sont encore très élevés pour notre assurance-maladie et il reste difficile de savoir quels patients bénéficieraient le plus de ces médicaments. De plus, nous n’en savons pas encore beaucoup sur leur innocuité chez des patients souffrant de maladies cardiovasculaires graves ou de troubles psychiatriques, ni sur leur sécurité à long terme.

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