Encore des bisphénols tels que le BPA dans de nombreux produits pour enfants
Résultats de notre enquête sur le bisphénol A et d'autres bisphénols
De nombreux produits utilisés quotidiennement par les bébés et les jeunes enfants contiennent différents bisphénols, dont plusieurs sont considérés comme dangereux. C'est ce qu’indique notre test sur la composition des anneaux de dentition, des couvertures, des bavoirs, des collants et des chaussures en cuir pour bébés, ainsi que des lunettes de soleil et des gourdes et gobelets pour jeunes enfants. La mère transmet également ces substances au futur bébé ou au nourrisson si elle entre en contact avec elles.
A quoi sert le bisphénol ?
Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique qui intervient principalement dans la production de polycarbonate, un plastique dur utilisé dans de nombreux produits destinés aux bébés et aux enfants, comme les anneaux de dentition. En outre, on trouve souvent du BPA dans le revêtement intérieur des boîtes de conserve de produits alimentaires (légumes, fruits, pâtes, soupes, etc.) et de canettes de boissons. Cette substance est parfois présente également dans les textiles synthétiques, par exemple les couvertures, les bavoirs et les collants pour enfants. Le bisphénol est aussi utilisé dans la production des chaussures en cuir.
Comme le BPA est utilisé depuis des décennies, il est omniprésent et chaque personne en a une certaine concentration dans son corps, comme le montre la recherche. D'autres bisphénols utilisés comme alternatives au BPA se sont également révélés omniprésents et tout aussi nocifs.
Effets nocifs sur les bébés et les enfants
Les bisphénols peuvent avoir de sérieuses conséquences sur la santé humaine et l'environnement. Le BPA, le BPB, le BPF et le BPS sont identifiés comme des perturbateurs endocriniens, susceptibles d’entraîner des problèmes de fertilité et des troubles sexuels tels que l'impuissance. Ils peuvent entraîner des troubles du développement dès le stade fœtal et, à un stade plus avancé, des troubles cognitifs et comportementaux chez les jeunes enfants. Leur ingestion peut également provoquer une augmentation du risque de cancer de la prostate et du sein, de l'obésité, des troubles cardiovasculaires, des lésions oculaires, des irritations respiratoires et des allergies cutanées.
De plus, les dernières études scientifiques indiquent que pour ces perturbateurs endocriniens, ce n'est pas la dose qui fait le poison. Même une très faible concentration peut avoir un effet négatif.
Etude européenne sur les boîtes de conserve, textiles et produits pour enfants et bébés
Nous avons examiné la présence de bisphénol dans différents types de produits, c'est-à-dire à la fois le BPA et les substituts comme le BPB, le BPS, le BPF et le BPAF. L'objectif de cette étude n'était pas de vérifier si les produits respectent les limites européennes d'utilisation de la substance, étant donné qu'il n'existe de limites que pour le BPA et que, par exemple, certaines catégories de produits comme les lunettes de soleil pour enfants ne sont soumises à aucune limite dans ce domaine.
Nous voulions surtout montrer l’exposition chronique aux bisphénols à laquelle sont confrontés chaque jour les fœtus, bébés et enfants en contact avec des produits de la vie quotidienne. Cette exposition s’ajoute au cocktail chimique dans lequel ils baignent et dont on ne connaît pas encore les effets sur la santé.
Conjointement avec d'autres organisations européennes de consommateurs, nous avons choisi de tester la présence de bisphénol dans 179 produits répartis en sept catégories : 58 pièces textiles (collants, couvertures et bavoirs pour bébés), 11 paires de chaussures en cuir, 16 paires de lunettes de soleil pour enfants, 20 anneaux de dentition, 22 canettes de boissons gazeuses, 35 canettes alimentaires, 16 gourdes ou gobelets. Cette dernière catégorie concerne des produits destinés aux enfants à partir de 3 ans, car l'utilisation du BPA est de toute façon interdite dans les biberons et gobelets pour enfants de 0 à 3 ans.
Du bisphénol présent dans une majorité de produits pour enfants
Notre test montre la présence de bisphénol dans 32 des 52 produits qui entrent en contact avec la salive des bébés et des enfants, à savoir les anneaux de dentition, les bouchons de gourdes et de gobelets, et les lunettes de soleil. Les cas positifs sont assez uniformément répartis entre les différents produits : 8 cas positifs sur 16 pour les gourdes et les gobelets, 13 sur 20 pour les anneaux de dentition, et 11 sur 16 pour les lunettes de soleil. La présence de BPA, de BPB et de BPAF dans les anneaux de dentition est particulièrement inquiétante, car les bébés les utilisent souvent tout au long de la journée et sont très sensibles aux perturbateurs endocriniens, surtout à un si jeune âge.
La majorité des bavoirs, couvertures et collants pour bébés et enfants testés contiennent également du bisphénol. Nous avons trouvé cette substance, principalement sous forme de BPA et de BPS, dans 37 des 58 produits textiles testés. En outre, nous avons décelé du bisphénol dans toutes les chaussures en cuir pour bébés et enfants que nous avons testées.
Ingestion indirecte via la mère également
Mais les bébés et les enfants n'ingèrent pas seulement le bisphénol via des produits qu'ils utilisent eux-mêmes. Ils absorbent la substance avant même leur naissance, par l'intermédiaire de la mère, ou après la naissance, dans le lait maternel. Dans toutes les boîtes de conserve de produits alimentaires et les canettes de boissons non alcoolisées que nous avons examinées, nous avons trouvé au moins un, mais parfois jusqu'à six types de bisphénol.
"Sans BPA" n'est pas une garantie
Le test montre également que beaucoup d’allégations ne sont pas la garantie de produits totalement sûrs. Même des produits sur lesquels nous avons trouvé l'indication "sans BPA" ou "exempts de BPA" ont révélé la présence de bisphénols. Par exemple, l’appellation "coton biologique" n’apporte pas la certitude que le produit est exempt de BPA. Par ailleurs, les textiles portant le label Oekotex ne peuvent pas être considérés comme exempts de bisphénols, car les conditions d'attribution de ce label stipulent que le produit peut contenir 100 mg de BPA par kg et 1 000 de BPB mg par kg. Des normes que nous jugeons beaucoup trop élevées.
Réduction de la dose journalière admissible
Au fil des ans, l'utilisation du BPA a été fortement restreinte. Outre l'interdiction déjà évoquée dans les biberons et les tasses pour bébés et enfants en bas âge, le BPA est également prohibé dans les emballages alimentaires pour les enfants de 0 à 3 ans.
En outre, il existe une limite toxicologique à la quantité totale de BPA qu'une personne peut ingérer par jour, dans différents produits alimentaires. Cette dose journalière tolérable (DJT), déterminée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), était encore de 50 µg par kg de poids corporel par jour en 2006 et a été ramenée en 2015 à 4 µg par kg de poids corporel.
Une proposition de l'EFSA visant à réduire encore cette limite de manière draconienne et à la fixer 100.000 fois plus bas, à une dose journalière maximale de 0,04 nanogramme par kilogramme de poids corporel par jour, était en attente depuis 2021. Le 19 avril, l'EFSA a décidé de réduire la limite de 20.000 fois, soit à 0,2 nanogramme (deux milliardièmes de gramme) par kilogramme de poids corporel par jour.
Les produits destinés aux bébés et aux enfants doivent être exempts de bisphénol
Pour nous, ce n'est là qu'un point de départ. La Commission européenne doit maintenant prendre des mesures pour que les produits ne puissent contenir du bisphénol que si la dose journalière admissible n'est pas dépassée. Afin de respecter la nouvelle norme de l'EFSA, nous demandons en tout cas que l'utilisation du bisphénol dans les matériaux en contact avec les aliments soit limitée afin d'éviter la migration des substances indésirables. Mais tous les produits destinés aux bébés et aux enfants devraient également être totalement exempts de bisphénol, compte tenu des effets nocifs potentiels.
En outre, des restrictions supplémentaires devraient être imposées non seulement au BPA, mais aussi à tous les autres bisphénols nocifs.