Témoignage

Ouvrir un compte bancaire pour une association en Belgique : un parcours du combattant

05 avril 2024
Les difficultés, pour une association (ASBL) d'ouvrir un compte en Belgique

05 avril 2024
De nos jours, ouvrir et maintenir un compte bancaire pour une association sans but lucratif (ASBL) s'avère de plus en plus compliqué. Découvrez le témoignage de Monsieur Dominiek, confronté à la clôture soudaine du compte bancaire de son ASBL et à un véritable parcours du combattant pour trouver une nouvelle institution bancaire.  

Pourquoi est-il si difficile d’ouvrir un compte bancaire pour une association ? 

Il apparaît de plus en plus compliqué pour une association d’ouvrir un compte bancaire, et même d’en conserver un. Certaines d’entre elles, affiliées à une banque, se voient ainsi signifier du jour au lendemain que celle-ci souhaite mettre fin à leur relation client.  

Cette réalité entraîne des conséquences graves pour de nombreuses associations, les privant de l'accès à des services bancaires élémentaires tels que des comptes courants, des cartes de paiement et la possibilité d'effectuer des virements.  

C’est exactement la mésaventure qui est arrivée à l’un de nos membres, Monsieur Dominiek, gérant au sein d’une association sans but lucratif depuis de nombreuses années : « Alors que nous avions un compte auprès d’une banque, celle-ci a soudainement décidé de clôturer la relation avec notre ASBL. Nous nous sommes retrouvés bien embêtés, car notre structure avait absolument besoin d’un compte bancaire pour poursuivre ses activités ». 

Un long parcours du combattant a alors commencé pour Monsieur Dominiek, lorsqu’il s’est mis en quête d’une nouvelle banque. Il a d’abord essuyé un refus ; puis deux, trois, quatre… et même cinq ! 

La faute aux politiques bancaires de limitation des risques 

Cette situation s’explique par plusieurs facteurs, principalement liés à la réglementation sur le blanchiment d'argent. Il s’agit donc du résultat de politiques de « de-risking » adoptées par de nombreuses institutions financières.  

En effet, sous la pression des règles anti-blanchiment, les banques sont contraintes d'évaluer et de minimiser les risques associés à leurs clients. Cela signifie qu'elles peuvent exclure tout client présentant un risque, que celui-ci soit perçu en fonction de circonstances spécifiques au client, de ses activités ou de la nature de ses transactions.  

L'ennui, c'est que l'application stricte de cette politique conduit parfois à écarter des clients jugés trop risqués, ce qui peut être le cas de certaines ASBL.  Vers le haut de la page

Le service bancaire de base pour les entreprises : une solution salvatrice mais chronophage

Que faire quand, comme Monsieur Dominiek, on se retrouve sans solution ? Puisque le Code de droit économique considère les associations comme des entreprises, le service bancaire de base pour les entreprises peut constituer une solution.  

Qu’est-ce que le service bancaire de base ?  

Afin de lutter contre l’exclusion bancaire et de garantir l’accès à un service de paiement, le législateur a instauré le « service bancaire de base », une nouvelle procédure introduite en 2022 et effective depuis 2023. Celui-ci s’adresse aux particuliers, mais aussi aux entreprises, et donc aux associations.  

Le service bancaire de base oblige les banques à fournir un service minimum garanti, c’est-à-dire de donner accès à 6 services bancaires essentiels :  

  • Dépôts d’argent 
  • Retraits d’argent  
  • Virements 
  • Ordres permanents 
  • Domiciliations 
  • Paiements par carte bancaire  

Dans l’impasse, Monsieur Dominiek s’est adressé au SPF Economie afin de bénéficier du service bancaire de base pour les entreprises : « Comme il faut qu’au moins trois banques aient refusé de vous offrir un service minimum et étant donné que notre ASBL est établie en Belgique et est inscrite auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises, nous remplissions les conditions pour introduire une demande ». 

La procédure pour obtenir un service bancaire de base  

Le processus permettant d’avoir accès au service bancaire de base peut être complexe et prendre beaucoup de temps. Elle nécessite en outre de nombreux documents et justificatifs afin de répondre aux critères posés par le SPF. 

Introduction de la demande 

Pour avoir accès au service de base pour les entreprises, il faut d’abord introduire une demande auprès du SPF Economie. Cela peut se faire : 

  • En ligne via la plateforme internet dédiée
  • Via un formulaire papier à demander à la banque qui a rejeté votre demande. La demande de service de base devra alors être introduite auprès de cette même banque. 

« Après l’introduction de notre demande en ligne, une longue procédure a commencé pour notre association, et celle-ci s’est étalée sur plusieurs mois », se rappelle Monsieur Dominiek. 

Transmission de documents  

Notre membre a d’abord dû transmettre tout un panel de documents, dont une attestation sur l’honneur et trois lettres de refus des banques afin de prouver que sa demande était véridique et bien fondée

Examen du dossier auprès de la Chambre du service de base  

Le SPF a alors introduit sa demande à l’étude auprès de la Chambre du service de base, qui a vérifié que tous les documents nécessaires étaient présents pour déclarer qu’elle est recevable. 

 « L’examen de notre dossier a duré environ un mois », explique Monsieur Dominiek. « Passé ce délai, les services fédéraux sont revenus vers moi afin de me demander des documents complémentaires ». 

Après avoir jugé la demande acceptable, la chambre du service bancaire de base transmet le dossier à la Cellule de traitement des informations financières (CTIF) pour obtenir son avis obligatoire

Désignation d’une banque 

Une fois que la CTIF a rendu son avis, la Chambre du service bancaire de base dispose de deux mois pour prendre une décision sur la désignation d'un prestataire de services bancaires de base.  

Il s’est donc encore écoulé quelques semaines avant que notre membre ne reçoive la bonne nouvelle : le SPF a désigné une grande banque flamande pour l’ouverture d’un compte de base. « Ce fut un véritable soulagement », nous confie Monsieur Dominiek, « car dans l’intervalle, notre ASBL avait dû solliciter l’aide d’un partenaire pour pouvoir continuer à fonctionner ».  

À nouveau dotés d’un compte bancaire propre, notre membre et les administrateurs de l’association espéraient pouvoir retrouver un quotidien normal. Pourtant, le parcours était loin d’être terminé… 

Démarches ordinaires d’ouverture de compte  

Une fois que la demande de service bancaire de base est acceptée et qu’une institution bancaire a été désignée par la chambre, il faut encore effectuer les démarches « ordinaires » d’ouverture de compte auprès de la banque.  

Cela implique, bien sûr, la transmission de documents, mais également… la validation via la présentation de tous les mandataires auprès de l’agence bancaire concernée ! « J’ai donc dû me rendre auprès d’une agence locale avec mes six collègues, afin de compléter la procédure », raconte Monsieur Dominiek.  

Les sept mandataires présents, le compte bancaire a enfin pu être ouvert – et l’ASBL en jouit désormais. 

Comment ouvrir un compte ?

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Les limites du service bancaire de base pour les entreprises

« À moyen terme, nous aurions souhaité bénéficier d’un compte épargne pour l’ASBL. Mais la banque nous a signifié que cela n’était pas possible », déplore notre membre.  

En effet, lorsqu’une structure bénéficie du service bancaire de base, elle ne peut jamais faire évoluer son offre bancaire. Le « package » de base est en quelque sorte assigné à vie ; il n’y a pas de possibilité d’en sortir, à moins de trouver une autre banque qui accepte l’ouverture d’un compte via une procédure normale. 

C’est forcément limitant au quotidien, et d’office moins rémunérateur. Si Monsieur Dominiek et les autres mandataires de l’ASBL peuvent se réjouir d’avoir retrouvé leur autonomie bancaire, ils s’interrogent sur leur capacité et surtout leur liberté de pouvoir gérer leurs finances à l’avenir. 

Un système perdant-perdant ? 

Le service bancaire de base pour les entreprises a le mérite d’exister. Sans ce dispositif, l’ASBL de Monsieur Dominiek (et de tant d’autres particuliers confrontés à ce problème de nos jours en Belgique) serait peut-être encore en train d’errer de banque en banque, sans la moindre solution en vue. 

Cependant, cette procédure comporte un certain nombre d’inconvénients non-négligeables

  • Elle est particulièrement chronophage et « administrativore » : les démarches prennent beaucoup de temps et impliquent un nombre important de documents à fournir. 
  • En fonction de la taille de la structure (certaines ASBL ou Syndics peuvent tout de même comporter des dizaines de mandataires), on imagine qu’il sera probablement difficile de trouver un moment où tout le monde peut être disponible pour se présenter auprès de l’agence bancaire la plus proche. 
  • Enfin, si le service confère une autonomie très appréciable, les possibilités d’évolution sont strictement nulles. C’est un système perdant-perdant : les banques n’ont pas la possibilité de proposer d’autres produits et les particuliers ne bénéficient d’aucun rendement sur l’argent déposé. 
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De nombreux Belges face aux difficultés d’ouvrir un compte bancaire

In fine, le témoignage de Monsieur Dominiek est très représentatif de ce que vivent de nombreux Belges au quotidien.  

En effet, un nombre croissant de particuliers – consommateurs individuels, membres d’une ASBL ou d’un Syndic bénévole - s’est retrouvé dans une situation similaire au cours des dernières années. 

L’ASBL de Monsieur Dominiek est parvenue à trouver une solution pour continuer à fonctionner en attendant l’ouverture d’un nouveau compte, mais imaginez la catastrophe que pourrait constituer ce genre de situation pour une association qui a des salaires et/ou des fournisseurs à payer.  

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L’importance de garantir la continuité des services bancaires

Bien sûr, personne ne peut être contre l’objectif poursuivi par les règles de « de-risking » que les banques sont tenues de respecter dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. Néanmoins, les consommateurs sont en droit d’attendre des pouvoirs publics qu’ils portent des solutions concrètes au risque d’exclusion bancaire – pour tous. 

Par exemple, toute banque qui clôture un compte devrait être dans l’obligation de trouver une solution de rechange à son client. Cela n’empiéterait en rien sur la liberté des banques de choisir avec qui elles souhaitent commercer, tout en offrant une sécurité et une stabilité aux consommateurs dans leurs activités quotidiennes. 

On estime qu’en Belgique, des centaines de milliers de consommateurs sont impliqués dans une ASBL ou une petite structure type Syndic de copropriété. L’occasion de rappeler que si les banques assurent un certain rôle social, les consommateurs sont également aux avant-postes du maillage économique et citoyen de notre pays

Plus sur l’ouverture d’un compte pour une association

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