Dossier

​Les répercussions des produits pharmaceutiques sur l’environnement

Les produits pharmaceutiques libèrent des substances actives qui polluent l’eau et les sols. En tant que consommateur, nous pouvons limiter cette pollution en réduisant notre consommation et en nous débarrassant correctement des médicaments. Les pouvoirs publics ont également un rôle à jouer en modernisant le traitement des eaux usées et en régulant le secteur pharmaceutique. Nos explications. 

Expertise:
Rédaction:
18 mars 2025
Pollution liée aux médicaments

La production et la consommation de médicaments entraînent une pollution persistante des sols et des eaux. En effet, les stations d'épuration ne parviennent pas à éliminer complètement ces substances, qui conservent leur activité biologique et peuvent nuire aux écosystèmes.  

Avec une industrie pharmaceutique en pleine expansion et une consommation en hausse, l’impact environnemental des résidus médicamenteux risque de s’aggraver, posant un enjeu majeur pour la biodiversité et potentiellement, pour la santé humaine. 

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Pourquoi l’empreinte environnementale des médicaments ne doit pas être sous-estimée ?

Parce que l’industrie pharmaceutique est en pleine croissance 

Avec un taux de croissance annuel estimé à 6,5 % (selon les chiffres de l’OCDE), l’industrie pharmaceutique est l’un des secteurs de l’industrie chimique qui se porte le mieux. Dans les pays développés, les produits pharmaceutiques sont de plus en plus nombreux et la variété des substances augmente également :  

  • Plus de 3 000 principes actifs sont disponibles pour la prise en charge de la santé des populations humaines et animales à travers le monde.   
  • Selon PharmaStatut (un site qui dépend de l’AFMPS, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé), il y aurait actuellement 10.357 conditionnements différents de médicaments en vente dans les pharmacies en Belgique.   

La production mondiale de médicaments ne cesse d’augmenter sous l’effet de plusieurs facteurs : la croissance démographique, le vieillissement des populations, l’intensification de l’agriculture (nécessitant des traitements vétérinaires), ainsi que les avancées technologiques et la découverte de nouvelles thérapies. Dans ce contexte, un ralentissement de l’industrie pharmaceutique semble peu probable dans les années à venir. 

En Belgique, selon l’INAMI, plus de 100 millions de conditionnements de médicaments remboursés sont délivrés chaque année par les pharmacies. Cette consommation est en constante hausse, notamment pour certains types de médicaments comme les antibiotiques et les antidépresseurs. 

Parce qu’il y a des résidus de médicaments dans presque toutes les rivières du monde  

Les risques environnementaux pour la plus grande partie des substances actives n'ont jamais été évalués. Si chaque médicament ou chaque substance active retrouvée dans les eaux ou les terres ne représente pas forcément un risque, leur combinaison et/ou leur dégradation peut s’avérer dangereuse. C’est ce qu’on appelle « l’effet cocktail ».   

En 2022, une étude mondiale menée par l'Université d'York (Royaume-Uni) a révélé que presque toutes les rivières du monde étaient contaminées par des résidus de médicaments, tels que des antibiotiques, des antidépresseurs et des anti-inflammatoires. 

  • Les chercheurs ont détecté des traces d'antibiotiques dans 255 des 258 cours d'eau analysés, confirmant une pollution généralisée. Cette contamination favorise le développement de résistances antimicrobiennes et perturbe les écosystèmes aquatiques. 
  • Les niveaux de pollution les plus élevés ont été observés au Pakistan, en Bolivie et en Éthiopie, mais les eaux de surface en Belgique sont également concernées. Une étude menée entre 2016 et 2020 par le Gouvernement wallon (projet DIADeM) a mis en évidence la présence de diclofénac, d’hormones et de clarithromycine dans les rivières wallonnes. 

Selon d'autres investigations menées par le professeur canadien Lotfi Belkhir de l’Université Mcmaster, au niveau mondial, 65% de l’eau de 72 fleuves analysés contiennent des antibiotiques d’une concentration 300 fois supérieure à la normale.  

Parce que les résidus de médicaments ont un impact sur l’environnement 

Tout au long de leur cycle de vie, de la production à l’élimination, les médicaments libèrent des substances actives dans l’environnement, contaminant les sols, l’eau et les organismes vivants. Leur dégradation est lente, ce qui entraîne une diffusion continue de ces composés dans la nature. 

Même à très faible concentration, ces substances conservent une forte activité biologique et peuvent interagir avec des organismes auxquels elles n’étaient pas destinées, provoquant ainsi des effets toxiques involontaires.

Si leur impact sur la santé humaine reste encore incertain, leurs effets sur la faune et la flore aquatiques sont déjà observables : 

  • Contraceptifs oraux : leur présence dans les cours d’eau entraîne une féminisation des poissons et des amphibiens. 
  • Antidépresseurs : ils modifient le comportement des poissons, les rendant plus vulnérables aux prédateurs. 
  • Antibiotiques : leur utilisation excessive favorise la résistance aux antibiotiques, affectant aussi bien les animaux que les humains. 
  • Antidouleurs : une étude sur les truites brunes suggère que leur exposition à ces substances peut altérer plusieurs organes et menacer la survie des populations de poissons. 

Bien que les effets à long terme des résidus médicamenteux sur les écosystèmes restent encore mal connus, leur impact croissant sur la faune aquatique soulève des inquiétudes. Il est possible qu’avec le temps, ces perturbations finissent par affecter également les humains

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Quels résidus de médicaments trouve-t-on dans les eaux usées en Belgique ?

Des traces de plusieurs centaines de substances actives médicamenteuses ont déjà été détectées dans les eaux usées. Ce qu’on sait à propos de celles-ci : 

  • Les molécules identifiées ont été retrouvées sous leur forme d’origine ou sous forme de métabolites (substances produites par la dégradation de la molécule) ou autres produits de transformation.  
  • On trouve des traces de médicaments courants comme le paracétamol et l'ibuprofène, ainsi que des médicaments plus spécifiques comme des antibiotiques, des anticancéreux, des bêtabloquants, des diurétiques, des antidépresseurs, des antiépileptiques, des bronchodilatateurs, des perturbateurs endocriniens et des hormones. 
  • On estime qu’environ 80 % des résidus pharmaceutiques dans les eaux usées proviennent de l’utilisation des patients à domicile et 20 % des infrastructures de soins. Mais les médicaments destinés aux humains ne sont pas les seuls responsables, les antibiotiques, vaccins et médicaments utilisés pour les animaux domestiques et d’élevage jouent aussi un rôle dans la pollution environnementale. Ils représenteraient actuellement 10 % de la production totale de médicaments.     

Des stations d’épuration inefficaces contre les résidus pharmaceutiques 

Comme le constate l’OCDE dans son rapport « Pharmaceutical residues in freshwater : hazards and policy responses - 2019 » : les politiques actuelles de gestion de l’eau ne sont pas adaptées à l’effervescence de l’innovation et de la mise sur le marché des nouvelles substances. 

Les stations d'épuration sont conçues pour éliminer les substances biodégradables issues des ménages, mais elles ne parviennent pas à dégrader complètement les micropolluants, notamment les résidus pharmaceutiques. L’inefficacité des traitements actuels entraîne une pollution durable. 

Une élimination partielle des médicaments 

Après traitement, ces substances se retrouvent dans l’environnement, notamment dans les rivières, lacs et étangs, où elles intègrent le cycle de l’eau, mais aussi dans les eaux souterraines et l’eau potable, bien que les concentrations y soient plus faibles. 

Par exemple, plus de 75 % des résidus d’antibiotiques persistent après traitement. 

L’efficacité des stations d’épuration dépend de plusieurs facteurs : 

  • Le type de substance rejetée (certaines molécules sont plus difficiles à éliminer). 
  • La concentration initiale du médicament dans l’eau. 
  • La technologie de traitement utilisée. 

Des technologies en évolution 

Il existe aujourd’hui des solutions pour éliminer un plus large éventail de micropolluants – dont les résidus pharmaceutiques – des eaux usées. On appelle cela le « traitement quaternaire », car il intervient après 3 autres niveaux de traitements (voir plus loin). La Suisse l’a déjà imposé dans ses stations d’épuration, mais selon la réglementation européenne, elle ne sera obligatoire chez nous qu’à partir de 2045, dans les stations traitant plus de 150 000 équivalents-habitants (EH). 

Des chercheurs explorent aussi de nouvelles solutions de dépollution, comme l’utilisation de radicaux libres pour dégrader les molécules polluantes. Cependant, ces méthodes sont encore en phase de test et nécessitent davantage d’études. 

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Quelles sont les sources de la pollution liée aux médicaments ?

La pollution liée à la production de médicaments

Avec des émissions de substances chimiques, des rejets d’eaux usées et des déchets non traités, la production de médicaments représente une source majeure de pollution. Celle-ci impacte particulièrement l'Asie, où est largement concentrée la fabrication des produits pharmaceutiques, mais elle n'en reste pas moins un problème mondial qui concerne d'autres régions comme les États-Unis et l’Europe, même si des réglementations plus strictes y ont été mises en place.

La pollution liée à la consommation des médicaments

La principale source de pollution médicamenteuse provient des résidus de médicaments excrétés par l’organisme après absorption, via l’urine et les selles, ce qui contamine les eaux usées. Les médicaments appliqués sur la peau, comme les gels anti-inflammatoires, contribuent également à cette pollution.

La pollution liée à l'élimination des médicaments

Lorsqu'ils sont jetés dans les toilettes ou l'évier, les produits pharmaceutiques périmés ou inutilisés polluent les eaux usées, qui ne sont pas toujours traitées pour éliminer les résidus médicamenteux. Pour limiter cet impact, il est important de rapporter les médicaments inutilisés en pharmacie pour une destruction sécurisée.

Plus sur les sources de pollution médicamenteuse

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​Que faire de médicaments périmés, non-utilisés ou à jeter ?

Pour se débarrasser des médicaments périmés ou non utilisés de manière responsable, il est essentiel de les rapporter en pharmacie, et non de les jeter à la poubelle (où ils pourraient être récupéré par de jeunes enfants ou des animaux domestiques) ou dans les toilettes (où ils pourraient entrainer de la pollution).

Les médicaments doivent être déposés sans leur boîte ni notice, et la pharmacie se charge de leur collecte. Ces médicaments sont ensuite transportés vers des incinérateurs spécialisés où ils sont détruits de manière sécurisée.

Comment se débarrasser des médicaments ?

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Nos conseils pour réduire la pollution liée aux médicaments

En tant que consommateur, vous pouvez limiter la pollution liée aux médicaments en adoptant de bonnes pratiques comme ramener les produits non utilisés en pharmacie ou en ne prenant des médicaments que lorsque c'est vraiment nécessaire. Vous n'avez cependant pas toutes les cartes en main pour lutter contre ce problème :

  • Les professionnels de santé ont aussi leur rôle à jouer, par exemple, en prescrivant de manière responsable, en sensibilisant les patients à une consommation raisonnée ou en favorisant les traitements écologiques quand cela est possible.
  • Les pouvoirs publics doivent sensibiliser la population, améliorer le traitement des eaux usées pour mieux éliminer les résidus médicamenteux, et réguler le secteur pharmaceutique pour réduire l'impact environnemental des médicaments.

Comment réduire la pollution médicamenteuse ?

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​Conclusion – Un problème peu connu, qui mérite toute notre attention

La pollution médicamenteuse reste une problématique méconnue du grand public, bien qu’elle soit répandue et déjà nuisible à l’environnement, en particulier à la faune et la flore aquatiques. Ses effets sur la santé humaine sont encore peu étudiés, mais puisque cette pollution affecte l’eau et les écosystèmes aquatiques, on peut raisonnablement penser qu’elle pourrait aussi entraîner des conséquences sur l’homme

En tant que consommateur, vous pouvez contribuer à limiter ce phénomène en réduisant votre consommation de médicaments et en rapportant ceux qui sont périmés ou non utilisés chez votre pharmacien, plutôt que de les jeter à la poubelle, dans les toilettes ou dans l’évier. 

Toutefois, la responsabilité ne repose pas uniquement sur les citoyens. Il est essentiel que les pouvoirs publics prennent des mesures concrètes en accélérant la modernisation des stations d’épuration et en imposant de nouvelles régulations au secteur pharmaceutique afin de réduire son impact environnemental.  Vers le haut de la page

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