Le BPA peut avoir un effet perturbateur endocrinien. Comment y échapper ?


De nombreux produits utilisés quotidiennement par les adultes, mais aussi par les bébés et les jeunes enfants, contiennent divers bisphénols, dont plusieurs sont considérés comme nocifs. Dans quels produits trouve-t-on ces substances ? Quels sont les risques ? Qu’en disent nos recherches ? Et comment éviter d'entrer en contact avec le BPA et d'autres bisphénols ?
Le BPA dans les produits pour enfants et bébés et dans les emballages alimentaires
Le bisphénol A est utilisé dans de nombreuses applications. On le trouve principalement dans le plastique dur, qui est notamment utilisé dans les anneaux de dentition, les gobelets et biberons et les lunettes de soleil pour bébés et enfants, ainsi que dans les emballages de conserves alimentaires. Il est également présent dans les textiles synthétiques comme ceux fabriqués à partir de plastique recyclé par exemple.
Nous sommes donc souvent en contact avec le BPA, notamment par le biais de la nourriture. Les recherches montrent que tout le monde présente au moins une faible concentration de cette substance dans son organisme.
En savoir plus sur l'utilisation du BPA
Effets du BPA sur l’équilibre hormonal
Des études ont mis en évidence les effets nocifs potentiels du BPA sur la santé. Tout d'abord, il peut perturber la fonction endocrinienne et affecter le développement de l'enfant dès le stade fœtal. Mais le BPA est également mis en cause dans des maladies cardiovasculaires et différents cancers.
D'autres bisphénols, tels que le BPB, le BPAF, le BPF et le BPS, peuvent également être nocifs pour la santé.
En savoir plus sur les effets du BPA
Forte limitation de l'utilisation du BPA
L'utilisation du bisphénol A a été fortement restreinte ces dernières années, après la mise en évidence de ses effets nocifs. Des restrictions ont été imposées à sa présence dans les emballages alimentaires et les jouets pour enfants, entre autres. La quantité journalière totale à laquelle différents produits peuvent vous exposer a été fort réduite récemment.
Outre les réglementations européennes, les États membres ont leurs propres lois. Par exemple, la Belgique interdit toute migration de BPA dans les emballages d'aliments destinés aux enfants de moins de 3 ans.
Etude sur la présence de BPA dans les jouets et les emballages alimentaires
Conjointement avec d'autres organisations européennes de consommateurs, nous avons mené une étude sur la présence de divers bisphénols dans un certain nombre de produits, notamment des anneaux de dentition, des textiles synthétiques, des gourdes et des gobelets pour bébés et jeunes enfants, ainsi que des emballages alimentaires et de canettes de boissons. Il en ressort que de nombreux produits contiennent des bisphénols. Nous avons trouvé la substance dans 13 des 20 anneaux de dentition testés par exemple.
Vers les résultats de notre étude
Comment réduire l'exposition au BPA ?
Pour réduire l’exposition au bisphénol A, il faut tout d'abord avoir le moins possible recours aux aliments en conserve. En outre, on peut chercher des alternatives aux emballages en plastique, même si cela n'est pas toujours évident.
Lisez nos conseils pour réduire le contact avec le BPA
Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique utilisé dans toute une série d’applications. Le plus souvent, il entre dans la production de polycarbonate, de résine époxy, de polychlorure de vinyle et de papier thermique.
Produits pour bébés et enfants
Le polycarbonate intervient dans la fabrication de nombreux produits destinés aux bébés et aux enfants, comme les gobelets et les biberons en plastique, les anneaux de dentition et les lunettes de soleil. En outre, on trouve également du BPA dans le revêtement plastique des boîtes de conserve, par exemple de légumes, de fruits, de pâtes et de soupes. Cette substance est parfois aussi présente dans les textiles synthétiques, par exemple dans les couvertures pour enfants, ainsi que dans la production de chaussures en cuir.
Tout le monde a du BPA dans son organisme
Le BPA est utilisé depuis des décennies et est omniprésent dans notre environnement et dans notre corps. Les études montrent que chacun en a une certaine concentration dans son organisme. Parfois très faible, mais bien réelle. C'est principalement par le biais des aliments, et donc principalement des produits en conserve, qu’on absorbe le bisphénol A, quand il migre de l'emballage vers le contenu. Le BPA peut être présent, entre autres, dans le sang, la salive, la sueur, l'urine. On a également décelé du BPA dans des échantillons d'urine d'enfants. La recherche montre encore que le bisphénol A est transmis par le lait maternel dès la naissance.
Les études montrent que les bisphénols peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine, et certainement sur les enfants, même avant leur naissance.
- Il est établi que le BPA et le BPB sont des perturbateurs endocriniens. On a constaté que le BPA imite l'hormone œstrogène dans l’organisme, ce qui entraîne un déséquilibre hormonal. Dès lors, des études mettent en évidence de possibles problèmes de reproduction comme l'infertilité et l'impuissance, ainsi que l'obésité et le diabète.
- Les enfants et les fœtus sont les plus vulnérables à cet égard. On constate un risque accru de fausse couche, une réduction du poids à la naissance et, à plus long terme, de possibles troubles cognitifs et comportementaux chez les jeunes enfants.
Parmi les autres effets négatifs éventuels de l’absorption de BPA, on peut citer :
- Le cancer de la prostate et du sein, ou au moins une déformation marquée du tissu mammaire.
- Des modifications du système immunitaire.
- Des troubles cardiovasculaires chez les adultes.
Il existe également un risque accru de lésions oculaires, d'irritation des voies respiratoires et d'allergie cutanée. En outre, les effets ne s'aggravent pas nécessairement en fonction de la quantité de BPA présente dans l'organisme. Même une très faible concentration, par exemple, peut déjà perturber le système hormonal, en particulier chez les enfants.
En outre, le bisphénol ne nuit pas seulement à la santé humaine. Si la substance aboutit dans l'environnement, en particulier dans l'eau, elle peut également perturber l'équilibre hormonal des êtres vivants qui s'y trouvent.
Substituts potentiellement tout aussi nocifs
Le BPA est la sorte de bisphénol la plus étudiée, et dont de nombreux effets nocifs ont été identifiés. Dès lors, la substance a été fortement réglementée et les fabricants ont dû chercher des solutions de rechange. Celles-ci sont essentiellement d'autres bisphénols, mais ce n'est pas nécessairement une amélioration. Une étude de l'Agence européenne des produits chimiques portant sur 148 types de bisphénols, a montré que 34 d'entre eux devraient pouvoir faire l'objet de restrictions. Toutefois, leurs effets sur le système hormonal humain et sur la reproduction nécessitent encore des études plus approfondies. Quant au bisphénol F (BPF) et au bisphénol S (BPS), on a établi en 2015 qu'ils ont un effet sur le fonctionnement normal de nos cellules, perturbant le système endocrinien, tout comme le BPA. Le BPF et le BPS sont principalement utilisés dans les produits en plastique comme les emballages alimentaires, les biberons, les textiles synthétiques, les jouets et le papier thermique (par exemple dans une caisse enregistreuse). Mais des recherches supplémentaires sont également nécessaires dans ce domaine.
Outre le BPF et le BPS, la liste des substituts considérés comme aussi nocifs que le BPA et le BPB inclut aussi le BPAF. Mais cette liste pourrait encore être élargie à l'avenir, au fur et à mesure des progrès de la recherche sur les autres substances.
L'utilisation du BPA a été fortement restreinte ces dernières années. Principalement au niveau européen, mais certains États membres ont également décidé individuellement de renforcer les limites.
Restriction dans les emballages alimentaires et les jouets pour enfants
Au niveau européen, la limite d'utilisation du BPA dans les emballages alimentaires a été fixée à 0,05 mg par kg de contenu. Depuis 2011, son utilisation est totalement interdite dans les biberons et gobelets destinés aux enfants de moins de 3 ans.
Dans le domaine des jouets pour enfants, en général pour les jouets jusqu'à 3 ans et pour tous les jouets destinés à être mis en bouche, une limite a été fixée pour la quantité de BPA autorisée à migrer dans la salive. Cette limite est de 0,04 mg/l pour 10 cm² du jouet. Le papier thermique, utilisé entre autres dans les caisses enregistreuses, ne peut contenir que 200 mg de BPA par kg.
Les textiles pas encore réglementés
Le BPA est également présent dans les textiles, mais uniquement dans les textiles synthétiques fabriqués par exemple à partir de plastique recyclé contenant la substance. C’est pourquoi il n'existe pas de limites spécifiques à la présence de BPA dans les textiles, bien que son niveau de présence fasse l'objet d'une réglementation dans le cadre de REACH au sein de l'Union européenne. REACH vise à garantir la sécurité des substances chimiques utilisées dans les produits.
Le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) a recueilli des données sur l'utilisation du BPA dans les textiles à partir de quatre études menées sur un échantillon de 73 à 96 pièces textiles. La concentration de BPA relevée allait de moins de 0,7 nanogramme par gramme à 13 000 nanogrammes par gramme. Toutes ces valeurs étaient inférieures à la limite de 0,8 mg par kilogramme de textile, considérée par le CSSC comme limite de sécurité pour l'exposition au BPA des enfants en bas âge.
Le BPA peut également être utilisé dans la production de chaussures en cuir, pour rendre le cuir plus souple. Le niveau auquel cette substance peut être libérée est également défini dans le cadre de REACH. Mais selon l'industrie, cette limite est impossible à respecter, tout comme la limite de migration de 0,04 mg par litre. Par conséquent, une exception s'applique à l'industrie du cuir avec une limite de concentration de 500 ppm.
La quantité journalière totale de BPA fortement réduite ?
La quantité totale de BPA qu'un être humain peut ingérer par jour, via l'alimentation, les cosmétiques, les vêtements, le papier thermique, a été ajustée à plusieurs reprises depuis 2006 par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Alors que cette quantité était encore de 50 µg par kg de poids corporel par jour en 2006, elle a été ramenée à 4 µg/kg de poids corporel en 2015. En 2021, sur la base de nouvelles études sur les effets nocifs du BPA, il a été proposé de réduire considérablement cette limite, en la fixant 100 000 fois plus bas, à une dose journalière maximale de 0,04 nanogramme par kilogramme de poids corporel par jour. Le 19 avril 2023, l'EFSA a décidé de réduire la limite de "seulement" 20 000 fois, à 0,2 nanogramme (deux milliardièmes de gramme) par kilo de poids corporel et par jour.
Propositions des États membres et législations particulières
À la législation européenne existante s'ajoute la proposition allemande de restreindre l'utilisation des bisphénols au niveau européen en raison de leur impact sur l'environnement et, plus particulièrement, de leurs effets néfastes sur la qualité de l'eau. Cette restriction s'appliquerait non seulement au BPA, mais aussi aux autres bisphénols considérés comme nocifs. Seraient ainsi interdits les produits présentant une concentration supérieure à 10 ppm (0,001 % du poids). Toutefois, des exceptions s'appliqueraient à certains matériaux et aux produits qui ne sont pas en contact avec l'eau ou dont la limite de migration ne dépasse pas 0,04 mg par litre.
De leur côté, la France et la Suède ont proposé de limiter l'utilisation du bisphénol A, ainsi que de plus d'un millier d'autres substances susceptibles d'irriter la peau, dans les vêtements, les chaussures et d'autres articles. Ces deux pays proposent une limite de 130 µg par kg, ce qui reste toutefois beaucoup plus élevé que la proposition du CSSC pour les textiles destinés aux enfants.
Outre les réglementations européennes, un certain nombre d'États membres ont imposé des restrictions supplémentaires. En France, par exemple, le BPA est interdit dans tous les emballages alimentaires. En Belgique, aucune migration de BPA n'est autorisée dans les emballages alimentaires destinés aux enfants de moins de 3 ans et une initiative européenne visant à restreindre davantage les bisphénols dans les matériaux en contact avec les aliments a été lancée en 2024.
Avec d'autres organisations européennes de consommateurs, nous avons mené des recherches sur la présence de BPA et d'autres bisphénols dans plusieurs produits, dont certains sont destinés aux bébés et aux jeunes enfants. L'objectif n'était pas de déterminer si ces produits étaient conformes aux dispositions européennes ou nationales relatives à l'utilisation des bisphénols, car il existe peu de rapports faisant état de produits dépassant ces limites.
Il s’agissait essentiellement pour nous d'étudier quel cocktail de bisphénols les bébés, les enfants et les adultes ingèrent dans leur vie quotidienne de différentes manières. En effet, lorsque l'on fixe des limites par produit, que ce soit dans le produit lui-même ou pour la migration, seul ce groupe de produits est généralement pris en compte, et non la combinaison possible avec d'autres produits. Nous mesurons donc chaque présence, qu'elle soit inférieure ou supérieure aux limites légales. Nous entendons ainsi nous faire également une idée de l'exposition à de faibles quantités de bisphénols.
Sept catégories de produits, 179 produits
Nous avons choisi de tester la présence de bisphénols dans sept types de produits. Dans ces catégories, nous avons testé 179 produits : 58 pièces textiles (collants pour bébés, couvertures et bavoirs pour bébés), 11 paires de chaussures en cuir, 16 lunettes de soleil pour enfants, 20 types d’anneaux de dentition, 22 canettes de sodas, 35 conserves alimentaires, 16 gourdes ou gobelets.
Nous avons ajouté les lunettes de soleil au programme de test, même si la présence de bisphénol n’y est pas légalement limitée. Cela se justifie, car de nombreux enfants mettent leurs lunettes de soleil en bouche et risquent ainsi d'ingérer la substance.
Comment tester ?
Différentes méthodologies ont été mis au point afin de déterminer la quantité de bisphénol présente dans les différents types de produits.
- Pour les anneaux de dentition, les lunettes de soleil et les bouchons de gourdes et de gobelets, on simule la migration du bisphénol dans la salive en plaçant les produits, après leur lavage, dans de la salive artificielle à 37°C pendant une demi-heure.
- Pour les flacons et les gobelets, la migration vers l'eau potable est également testée après le premier lavage des produits.
- Pour les chaussures en cuir et les textiles, la présence de bisphénol est mesurée par extraction chimique, exprimée en mg par kg.
- Les canettes de sodas et les conserves alimentaires sont vidées puis lavées à température ambiante. La quantité de bisphénol dans le revêtement intérieur de l'emballage est alors déterminée par extraction chimique.
Résultats : le bisphénol est présent dans la grande majorité des produits
Notre test montre que les bisphénols sont présents dans un grand nombre des produits examinés. Voyez ici les résultats. Même les produits vendus comme "sans BPA" contenaient parfois du bisphénol.
Dans la pratique, il est très difficile d'éviter le BPA et les autres bisphénols, car ils sont présents dans de nombreux produits. Vous pourrez néanmoins limiter votre exposition en respectant les conseils suivants.
- Adoptez un régime alimentaire varié, dans lequel les aliments en conserve ne représentent qu'une part limitée. Privilégiez les produits frais ou surgelés. Si les emballages en plastique sont inévitables, vérifiez s'ils sont exempts de BPA, de BPS et de BPF .
- Videz régulièrement les gourdes et les gobelets, ne buvez pas d'eau qui y est restée plusieurs jours.
- Choisissez des produits fabriqués dans des matériaux autres que le plastique, comme le verre et l'inox.
- Évitez le plastique portant les codes de recyclage 3 et 7 : ces types de plastique sont plus susceptibles de contenir des bisphénols. Choisissez les plastiques portant les codes 1, 2, 4 et 5, qui ne contiennent généralement pas de bisphénols. Attention, ces plastiques peuvent libérer d'autres substances nocives telles que des plastifiants.
- Lavez les vêtements et autres textiles avant de les utiliser, en particulier les produits destinés aux bébés ou aux jeunes enfants.
- Surveillez le degré d'usure des ustensiles de cuisine en plastique : le plastique s'use au bout d'un certain temps et peut alors commencer à libérer davantage de bisphénols. Si vos articles en plastique présentent des signes d'usure, comme des rayures ou des fissures, remplacez-les.
- Ne chauffez pas le plastique : ne réchauffez pas les récipients en plastique au micro-ondes ou dans de l'eau chaude. Cela peut accélérer la libération de bisphénols ou d'autres substances nocives dans les aliments ou les boissons. Utilisez plutôt des bocaux, des assiettes ou des plats en verre ou en céramique pour réchauffer vos aliments.
- Lavez les articles en plastique destinés aux bébés à la main, à l'eau tiède et au savon doux. Au lave-vaisselle, les bisphénols peuvent être libérés en raison de la température élevée et de la puissance du détergent. Remplacez les vieux biberons en plastique et les gobelets en polycarbonate pour bébés et jeunes enfants.
- Vérifiez auprès du fabricant s’il peut garantir que ses produits ne libèrent aucun bisphénol, même en petites quantités.
- Ne permettez à votre enfant de mordre ou mordiller que des produits prévus à cet effet.