Réponse d’expert

L’alcool, une protection contre la démence ?

13 avril 2023
alcool et demence

Selon une nouvelle étude, un à deux verres d’alcool par jour réduiraient légèrement le risque de démence. Mais n’y voyez pas une incitation à boire quotidiennement : l’alcool fait encore toujours plus de mal que de bien à la santé. Notre expert passe les faits en revue. 
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Jeroen Plessers
Expert santé
Les scientifiques s’accordent sur les effets nocifs d’une consommation excessive d’alcool. Mais ils sont moins unanimes sur le stade auquel la consommation d’alcool doit être considérée comme dangereux. Le Conseil Supérieur de la Santé considère en tout cas que chaque verre a un impact sur la santé et que les conséquences négatives de l’alcool l’emportent largement sur ses avantages potentiels.

Une consommation d’alcool légère à modérée (1 à 2 verres par jour) aurait un léger effet protecteur contre la démence, selon une nouvelle étude coréenne. Par contre, consommer plus de deux verres augmenterait au contraire le risque. 

Comment faut-il interpréter ces résultats, et qu’en retenir pour votre consommation d’alcool ? 

LA VERITE SUR L’ALCOOL

L’alcool peut-il contribuer à éviter une démence ? 

L’étude coréenne a examiné le lien entre la consommation d'alcool et les nouveaux diagnostics de démence, en se basant sur le bilan de santé bisannuel pour lequel les personnes de plus de 40 ans affiliées à l'assurance maladie nationale remplissent un questionnaire détaillé sur leur mode de vie, leur santé et leurs maladies.

Au total, les scientifiques ont analysé les dossiers de près de 4 millions de personnes, âgées en moyenne de 55 ans. Ils ont réparti les participants en différents groupes selon leurs habitudes de consommation d'alcool (déclarées) et ont recherché combien avaient été diagnostiqués comme atteints de démence.

Lien entre alcool et démence

Quelles sont les conclusions ? Comparés aux abstinents complets, les buveurs légers et modérés sont moins souvent atteints de démence. 

  • 21 % de démence en moins avec une légère consommation d’alcool (moins de 1 verre par jour)
  • 17 % de démence en moins avec une consommation modérée (1 à 2 verres par jour)

Par contre, les buveurs excessifs (plus de 3 verres par jour) avaient au contraire 8 % de chances en plus d’être atteints de démence que les abstinents complets. 
Bien qu'il s'agisse d'une étude scientifique sérieuse, cet effet "protecteur" doit être envisagé avec circonspection. On sait par exemple que les réponses des gens aux questionnaires sur leur consommation d’alcool ne sont pas toujours sincères. En outre, les différences de consommation d'alcool entre les groupes ne sont pas très importantes.

De plus, le groupe des abstinents complets comprenait surtout des femmes et des personnes qui avaient arrêté de boire pour des raisons de santé. Si l’on écarte ces éléments, l'effet bénéfique de l'alcool chez les buveurs légers et modérés est à rechercher à la loupe.

En revanche, il est certain qu'une consommation excessive d'alcool augmente le risque de démence. En effet, une consommation prolongée et excessive d'alcool peut endommager le cerveau et contribuer à l’apparition et à l'accélération de troubles cognitifs et de démence. En outre, l'abus d'alcool peut entraîner d'autres problèmes de santé, comme l'hypertension artérielle et le diabète.

Ne pas sous-estimer les risques de l’alcool

L’idée qu’une consommation d’alcool légère ou modérée est bonne pour la santé et peut protéger contre des maladies comme Alzheimer, Parkinson, le diabète de type 2 ou des maladies cardiovasculaires, est hélas fort répandue. Cela peut donner l’impression qu’un ou deux verres par jour ne peuvent pas faire de tort, mais cela ne doit pas constituer un incitant à boire de l’alcool.

Des travaux comme cette étude coréenne sont très difficiles à interpréter. Ainsi, elles n’établissent pas toujours clairement si les aspects positifs peuvent être attribués exclusivement à l’alcool : il n’y a pas de lien de cause à effet évident. En outre, les chercheurs mettent souvent en doute la qualité de ce type d’études observationnelles. 

Effet à long terme de l’alcool

Une analyse systématique de la relation entre l’alcool et la santé, sur base des données de Global Burden of Diseases de 1990 à 2016 dans 195 pays, montre au contraire que même une consommation légère ou modérée d’alcool entraîne déjà un risque de santé. Même s’il ne s’agit donc que d’un verre ou deux par jour. Ce rapport cite l’alcool comme une des principales causes de décès et de maladie.

CE QUE L’ALCOOL FAIT À NOTRE ORGANISME

Il n’existe donc pas de consommation «sûre» d’alcool, et sa consommation ne doit donc pas être encouragée. Ses effets nocifs dépassent largement les bénéfices potentiels (pour un groupe souvent très limité).

Qu'en conclure pour votre consommation d'alcool ?

En raison des risques pour la santé, le Conseil Supérieur de la Santé a revu à la baisse les recommandations sur l'alcool en 2018.

Ne buvez pas plus de 10 unités par semaine, et de préférence moins

Le Conseil Supérieur de la Santé recommande aux adultes en bonne santé de ne pas boire plus de 10 unités standard d'alcool par semaine, réparties sur plusieurs jours, et avec plusieurs jours sans alcool par semaine.

L'alcool est totalement déconseillé aux jeunes de moins de 18 ans, aux femmes enceintes ou qui souhaitent le devenir et aux femmes allaitantes. 

Les risques de l'alcool pour la santé ne doivent pas non plus être sous-estimés pour les plus de 65 ans. Outre une immunité réduite, leur foie et leurs reins fonctionnent moins bien. De plus, ces personnes ont souvent des problèmes de santé préexistants et/ou prennent des médicaments, qui peuvent être dangereux en combinaison avec de l'alcool.