Les dispositifs médicaux : classes, risques et réglementations


Sur cette page
- C’est quoi des dispositifs médicaux ?
- Quels sont les trois grands types de dispositifs médicaux?
- C’est quoi des produits de la zone grise ou "produits borderline"?
- Les problèmes avec la réglementation sur les dispositifs médicaux
- Notre avis sur les dispositifs médicaux et les règles qui les encadrent
C’est quoi des dispositifs médicaux ?
Le terme "dispositif médical" n’est malheureusement pas simple à définir. Il s’agit en effet d’un marché très diversifié. Tant un simple pansement que des implants, un pacemaker ou une prothèse de la hanche relèvent de cette appellation.
Tous ont un dénominateur commun : ils ont une action mécanique ou physique. Un pansement constitue par exemple une barrière entre une blessure et l’air ambiant, tandis qu’une prothèse du genou peut être considérée comme une copie de la véritable articulation, à ceci près qu’elle est en métal ou en plastique.
Sur le plan légal, le statut de dispositif médical s’avère nettement plus attractif que celui de médicament. C’est le consommateur qui en fait les frais.
Même si les règles ont récemment été durcies, les exigences pour pouvoir introduire un produit sur le marché en tant que dispositif médical restent beaucoup plus laxistes que celle pour les médicaments.
Leur commercialisation n’est par exemple pas soumise à des études approfondies en matière d’efficacité et de sécurité. Les recherches cliniques ne sont obligatoires que pour les implants et les produits appartenant à la classe de risque la plus élevée, à quelques exceptions près. Il existe peu d’exigences de qualité pour ces recherches. Par ailleurs, les firmes peuvent faire la publicité de leur produit quasi sans restriction. Et les différences ne s’arrêtent pas là.
Quelle est la différence entre un médicament et un dispositif médical ?
Dans le cas d’un dispositif médical, il n’existe pas d’interaction chimique avec l’organisme, ou tout du moins une interaction limitée. C’est par contre le cas d’un médicament. La substance active d’un médicament va par exemple agir sur votre système immunitaire ou va influencer certaines substances dans vos cellules.
Exemple : un anti-inflammatoire inhibe la formation de prostaglandines. Cette substance fait grimper votre température corporelle et stimule également la perception de la douleur.
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Quels sont les trois grands types de dispositifs médicaux?
Les dispositifs médicaux sont subdivisés en trois catégories, et en quatre classes, sur la base du risque potentiel qu’ils impliquent pour le patient. Plus la classe est élevée, plus le risque est élevé. La classe est déterminante pour les conditions auxquelles le produit doit satisfaire. C’est la firme qui décide elle-même dans quelle classe ranger son produit. Certaines règles doivent être respectées en la matière.
- Classe I : ces dispositifs présentent le risque le plus faible. Il s’agit par exemple des lunettes correctrices, des béquilles ou encore des compresses.
- Classe IIa : ces dispositifs présentent un risque potentiellement modéré, moyen pour l’utilisateur. Dans cette classe, on retrouve les lentilles, les appareils auditifs ou les couronnes utilisées par les dentistes.
- Classe IIb : ces dispositifs présentent un risque potentiellement élevé, significatif pour l’utilisateur. On peut citer les préservatifs, les solutions pour lentilles ou les pompes à perfusion.
- Classe III : ces dispositifs présentent le risque le plus élevé. Dans cette classe, on retrouve les prothèses de hanche, les pacemakers ou les implants mammaires.
Les pacemakers font partie des produits repris sous l'appellation "dispositif médical".
À l’heure actuelle, les fabricants peuvent commercialiser leurs produits de la classe I sans aucune forme de contrôle externe. À l’avenir, les dispositifs médicaux abordés dans le cadre de ce dossier ne pourront plus être commercialisés comme produits de classe I.
Vers le haut de la pageC’est quoi des produits de la zone grise ou "produits borderline"?
Le statut exact de certains produits n‘est cependant pas clair. S‘agit-il de médicaments, de dispositifs médicaux ou de compléments alimentaires ou cosmétiques ? Difficile à dire... Ils se trouvent en zone grise, raison pour laquelle on parle de "produits de la zone grise" ou produits borderline.
Pourquoi les fabricants les commercialisent comme des produits de la zone grise ?
Sur le plan légal, le statut de dispositif médical s’avère nettement plus attractif que celui de médicament. Pas étonnant dès lors que certaines firmes s’efforcent de commercialiser au maximum leurs produits en tant que dispositifs médicaux. Elles peuvent en effet décider d’elles-mêmes le statut de leurs produits, sans solliciter l’avis des pouvoirs publics (ex. : médicament ou dispositif médical).
Bien évidemment, il existe une série de dispositions légales que les fabricants doivent respecter dans le choix du statut. Même si certains déploient des trésors de créativité en la matière... Des firmes prétendent par exemple que leur sirop, leur spray ou leur poudre a une action mécanique parce qu’il dépose une pellicule sur la paroi intestinale, l’œsophage ou les muqueuses du nez ou de la gorge. Cette pellicule formerait alors une barrière mécanique contre les facteurs nocifs ou irritants comme les virus ou l’acide gastrique. Ces entreprises affirment que les substances contenues dans leur produit ont tout au plus un effet chimique dit ”de soutien”, ce qui est autorisé par les réglementations en vigueur.
Sur le plan légal, le statut de dispositif médical s’avère nettement plus attractif que celui de médicament.
Qu‘en est-il du contrôle des autorités compétentes ? Il se pratique seulement dans une mesure très limitée. Il existe pourtant une commission au sein de l’agence des médicaments - la Commission mixte - qui se prononce sur les produits se trouvant en zone grise. Généralement, elle n’intervient toutefois que lorsqu’une organisation ou personne lui communique ses doutes concernant un produit déterminé. Trop tard donc, car le produit en question a déjà fait l’objet de promotions et est en vente à ce moment-là.
Les problèmes avec la réglementation sur les dispositifs médicaux
En 2021, une nouvelle réglementation concernant les dispositifs médicaux, baptisée Medical Device Regulation (MDR), est entrée en vigueur au sein de l’Union européenne. Elle ne limite malheureusement pas l’actuelle liberté dont jouissent les firmes pour interpréter la législation de manière créative et ainsi commercialiser des produits en tant que dispositif médical, alors qu’il s’agit en réalité de médicaments ou de suppléments alimentaires. Plusieurs dispositifs dans la zone grise devraient se retrouver dans une classe de risque plus élevée qu’auparavant, ce qui signifie qu‘ils devraient respecter des exigences plus strictes. Une bien maigre consolation.
Une nouvelle ligne directrice de la Commission européenne pour l‘interprétation de la MDR pourrait bien apporter quelque amélioration. Elle stipule à nouveau clairement que les probiotiques, par exemple, ne sont plus autorisés dans les dispositifs médicaux. Elle stipule également très clairement que c’est au fabricant de démontrer scientifiquement qu’un produit a une action principalement mécanique.
Malheureusement, on ne sait pas exactement qu’il adviendra si l’agence des médicaments n‘est pas d‘accord avec les ”preuves” fournies par le fabricant. Pour le reste, un tel document de clarification ne peut toutefois pas combler les lacunes laissées par le législateur. Il reste à voir comment les directives seront appliquées par les entreprises, les organismes notifiés et les autorités.
L'ancienne réglementation sur les dispositifs médicaux reste partiellement en vigueur
L’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation en 2021 faisait suite au scandale des implants mammaires PIP, là encore un dispositif médical. Ces nouvelles règles ont beau être meilleures que les précédentes, elles ont encore bien des points faibles.
Sur bien des plans, la législation en matière de dispositifs médicaux reste plus souple que pour les médicaments. Pas étonnant dès lors que les firmes s’efforcent encore toujours de commercialiser au maximum leurs produits en tant que dispositifs médicaux. Voici un aperçu des principales différences.
Attention : de nombreux dispositifs médicaux présents sur le marché ne satisfont toujours pas à ces nouvelles règles.
Pour certaines dispositions importantes, de longues périodes de transition sont d’application, et elles ont été prolongées à plusieurs reprises par la Commission européenne.
Il s'agit principalement d'exigences plus strictes pour la mise sur le marché d’un certain nombre de produits. Par exemple, la plupart des dispositifs médicaux de la zone grise sont autorisés à être commercialisés selon les anciennes normes jusqu'à la fin de 2027 ou la fin de 2028.
Il n'y a pas non plus de date limite absolue après laquelle tous les produits sur le marché devront être conformes aux nouvelles règles. Cela signifie que les produits ayant une longue durée de conservation peuvent rester sur le marché pendant de nombreuses années même s'ils ne sont pas conformes aux nouvelles règles.
Les problèmes qui subsistent dans la législation sur les dispositifs médicaux
Moins de recherches cliniques exigées pour les dispositifs médicaux
En Europe, chaque médicament est tenu de faire l’objet d’études cliniques approfondies en matière d’efficacité et de sécurité. Celles-ci comparent le produit à un placebo ou à un autre traitement chez un large éventail de patients. Notez que nous les comparons ici avec les médicaments classiques. Pour les médicaments à base de plantes et homéopathiques, les règles sont différentes.
Bien que les règles concernant les preuves cliniques soient devenues plus strictes avec la nouvelle réglementation, de telles études ne sont toujours pas obligatoires pour les dispositifs médicaux.
Depuis les nouvelles règles, chaque dispositif médical doit subir une "évaluation clinique". Cependant, il ne s’agit pas forcément d’une étude clinique impliquant ce produit spécifique. Une étude clinique n’est obligatoire qu’en cas de dispositifs implantables et de dispositifs appartenant à la classe de risque la plus élevée (classe 3), encore y a-t-il là aussi des exceptions.
Selon les nouvelles règles, les données de recherches pour les dispositifs médicaux doivent apporter une preuve clinique "suffisante". Cependant, ce qui est entendu précisément par "suffisante" manque singulièrement de précision.
L’évaluation des dispositifs médicaux n’est pas réalisée par une instance publique
Un médicament ne peut être commercialisé qu’au terme d’une analyse approfondie par l’agence des médicaments de l’Europe ou celle d’un État membre. L’évaluation des dispositifs médicaux, par contre, est aux mains des notified bodies. Il s’agit d’entreprises privées agréées par les pouvoirs publics, évaluant différents produits contre paiement. Il peut s’agir de pacemakers, prothèses mammaires, jouets, grille-pains... Si l’évaluation est favorable, le produit se voit attribuer un label CE. Ce label vaut dans toute l’Europe et constitue un laissez-passer pour la commercialisation dans tous les pays membres.
Par le passé, il s’est déjà avéré à maintes reprises que ces notified bodies ne disposent pas toujours de l’expertise requise. Cela devrait s’améliorer avec les nouvelles règles, puisque les exigences de qualité pour les notified bodies ont été revues à la hausse. Reste à voir si leur mise en pratique apportera réellement une amélioration.
Les fabricants peuvent eux-mêmes choisir l’instance auprès de laquelle faire agréer leur produit. Cela crée un conflit d’intérêts. En se montrant «trop sévères», certaines entreprises risquent de voir partir des clients à la concurrence.
Pour les dispositifs médicaux appartenant à la classe de risque la plus élevée, il est en théorie prévu un contrôle sur l’évaluation des notified bodies de la part des autorités, mais en pratique, un tel contrôle n’aura pas lieu de manière systématique.
Pour plusieurs produits abordés dans ce dossier, l'organisme notifié doit également demander l'avis d'une agence du médicament. Toutefois, la question est de savoir si cela se produira souvent, car les règles sont susceptibles de permettre des échappatoires.
Moins de contrôle après commercialisation pour les dispositifs médicaux
Les règles en matière de surveillance sur la sécurité après commercialisation sont plus strictes depuis la nouvelle réglementation. Les fabricants doivent maintenant établir un plan pour chaque produit, afin de dresser la liste des problèmes survenant après la mise sur le marché du produit.
Ces règles offrent toutefois toujours moins de garanties que le suivi des médicaments. Il n’existe par exemple toujours pas d’instance centrale européenne chargée de la supervision, comme l’Agence européenne des médicaments. Par ailleurs, les firmes ont uniquement l’obligation de signaler les problèmes graves, tandis que pour les médicaments, tous les effets secondaires doivent être signalés aux instances publiques compétentes.
Moins de transparence en ce qui concerne les dispositifs médicaux
Les médicaments doivent inclure une notice dans laquelle plusieurs aspects doivent obligatoirement être abordés. Ces informations sont validées par l’agence des médicaments. Des documents détaillés contenant des informations de base sont par ailleurs disponibles pour les médicaments. Il existe au niveau européen une banque de données accessible au public, dans laquelle le nombre et le type d’effets indésirables par médicament sont consignés de manière précise.
Les informations disponibles sur les dispositifs médicaux sont beaucoup moins nombreuses. Le rapport d‘évaluation des notified bodies reste ainsi un secret pour les consommateurs. La plupart des dispositifs médicaux n’ont que des conseils d’utilisation. Ce qu’ils contiennent n’est pas contrôlé par les pouvoirs publics. "Eudamed" représenterait un pas en avant en matière d’information. Il s’agit d’une grande base de données européenne des dispositifs médicaux. Elle n’est malheureusement toujours pas entièrement au point. Cette base de données contient entre autres des informations sur les certificats délivrés, les études cliniques, les effets secondaires rapportés... Malheureusement, elle ne sera que partiellement accessible au public.
Pour chaque dispositif médical de classe III, le fabricant devra publier un résumé des prestations de sécurité et des prestations cliniques. Dommage que cela ne concerne que cette classe et que les informations communiquées sont plus limitées que pour les médicaments. Reste à voir dans quelle mesure ce résumé constituera une description objective des avantages et des inconvénients. Le document est rédigé par la firme et validé par un notified body, non par une instance publique. Mais l'expérience limitée acquise jusqu'à présent montre que l'objectivité des éléments essentiels est loin d'être garantie. Le document est rédigé par la firme et validé par un notified body, non par une instance publique. Les notified bodies ne sont généralement pas soumis aux règles de publicité auxquelles les instances publiques doivent se soumettre et ne permettent donc qu'un contrôle public très limité.
Des règles de publicité laxistes en matière de dispositifs médicaux
Si la publicité est strictement interdite pour les médicaments sur ordonnance, elle est autorisée pour les médicaments en vente libre. La législation prévoit un certain nombre de conditions auxquelles cette publicité doit se conformer. La publicité à la radio et la TV doit par exemple être présentée à et approuvée par une commission au sein de l’AFMPS.
Il est également possible de faire de la publicité pour les dispositifs médicaux. À ceci près que celle-ci n’est soumise à pratiquement aucune règle spécifique :
- Dans l’ancienne règle, il n’était nulle part question de publicité et tout était possible, tant que cela n’allait pas à l’encontre de la législation générale concernant les pratiques commerciales trompeuses du SPF économie.
- Les nouvelles règles stipulent que les fabricants ne peuvent pas induire l’utilisateur ou le patient en erreur quant à la finalité, la sécurité ou les performances du dispositif.
Cela revient finalement au même et presque rien n’a changé.
Et les fabricants de suppléments alimentaires ne manquent pas de profiter de ce laxisme. Les règles en matière de publicité pour les compléments alimentaires ont beau ne pas être idéales, elles sont toutefois plus sévères que celles imposées pour les dispositifs médicaux. Les compléments alimentaires doivent se limiter à des allégations approuvées ou actuellement autorisées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). En d’autres termes : les fabricants ont moins de latitude pour dire ce qu’ils veulent. C’est sans doute la raison pour laquelle différents fabricants ont changé le statut de leur produit, le faisant passer de supplément alimentaire à dispositif médical.
Vers le haut de la pageNotre avis sur les dispositifs médicaux et les règles qui les encadrent
La grande faiblesse de la nouvelle législation pour ce genre de produits est qu'elle ne met pas fin à la possibilité de commercialiser des produits sous le statut de dispositifs médicaux alors qu’il s’agit en réalité de médicaments, à l'exception des produits contenant des probiotiques. L'interdiction des probiotiques est la seule règle claire concernant cette catégorie de produits.
Pour le reste, le règlement introduit un certain nombre de nouvelles exigences qui, en théorie, devraient permettre un meilleur contrôle de l'efficacité et de la sécurité de la plupart des produits, ainsi qu'une plus grande transparence.
Ces nouvelles exigences ne sont pas assez strictes selon nos critères. Mais si elles sont correctement appliquées, elles devraient permettre de réduire (un peu) le nombre de ces produits sur le marché et de mieux garantir la sécurité des consommateurs.
Toutefois, de nombreuses dispositions du règlement laissent (beaucoup) de place à l'interprétation et à de potentielles portes de sortie, telles que la discussion sur l‘importance de l'action chimique, l'obligation de mener des études cliniques et de demander l'avis d'une agence des médicaments. Compte tenu de la longue période de transition et donc du nombre encore limité de produits conformes aux nouvelles règles, nous n'avons pas encore une très bonne vue d'ensemble de la situation. Mais les indications observées jusqu’ici semblent indiquer que la situation changera trop peu dans la pratique.
Les changements souhaités à la législation actuelle sur les dispositifs médicaux
- Des règles plus claires et plus strictes doivent être instaurées. Elles doivent empêcher que des produits tels que ceux présentés dans ce dossier ne puissent plus être commercialisés en tant que dispositifs médicaux. Cela devra passer par une révision de la législation en vigueur. Une évaluation de la manière dont les nouvelles règles sont appliquées devrait également être effectuée.
Ces révisions devront survenir au niveau européen et prendront plusieurs années.
- En attendant l’arrivée de mesures plus strictes, les autorités nationales compétentes (comme l’AFMPS chez nous) devraient mieux surveiller le marché, appliquer plus strictement et systématiquement les règles en la matière, et l'appliquer également aux entreprises.
- Nous voulons que notre pays mette en œuvre des règles plus strictes en matière de publicité pour les dispositifs médicaux afin que les consommateurs soient mieux protégés contre les tromperies.