News

La Belgique beaucoup trop laxiste en matière de dispositifs médicaux de la zone grise

03 janvier 2025
produits-zone-grise-Belgique

03 janvier 2025
Nous attirons depuis plusieurs années l'attention des autorités belges sur les risques liés aux produits de la zone grise. Il s'agit de produits vendus par les fabricants comme des dispositifs médicaux, un statut soumis à de moindre obligations. Découvrez les résultats et les manquements que nous avons observés.

C’est quoi le problème avec les produits de la zone grise?

Le statut de certains produits n’est pas clair. Est-ce qu’il s’agit d’un médicament, d’un complément alimentaire ou encore d’un dispositif médical ? La réponse à cette question n’est pas toujours claire. Pour cette raison, les produits concernés sont qualifiés de "produits de la zone grise".

Sur le plan légal, le statut de dispositif médical s’avère nettement plus attractif que celui de médicament pour les fabricants. Les exigences pour pouvoir introduire un produit sur le marché en tant que dispositif médical restent beaucoup plus laxistes que celles pour les médicaments.

Ce statut n’est toutefois pas sans risque. Leur commercialisation n’est par exemple pas soumise à des études approfondies en matière d’efficacité et de sécurité. Par ailleurs, les firmes peuvent faire la publicité de leur produit quasi sans restriction. Pour les compléments alimentaires, s’il n’y a pas plus de garanties en matière de sécurité et d’efficacité, les règles en matière de publicité sont plus strictes.

Voici les produits de la zone grise que nous déconseillons

Vers le haut de la page

Pourquoi Testachats se bat contre les dispositifs médicaux de la zone grise

En septembre 2019, nous avons attiré l’attention de l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS) sur une longue liste de 24 produits qui ont été, selon nous, commercialisés sous un statut erroné, celui de dispositif médical. Nous avons demandé l’avis de la Commission mixte de l’AFMPS. En Belgique, c’est cette commission qui se prononce sur le statut d‘un produit lorsqu'une firme, une organisation ou un particulier lui fait part de ses doutes.

Par la suite, nous avons ajouté neuf produits supplémentaires, soit un total de 33 produits.

Cinq ans plus tard, nous voulions donc savoir comment la situation avait évolué et quelles actions avaient été prises par l’AFMPS.

médicament-ou-dispositif-medical

Nous avons attiré l'attention de l'AFMPS sur 33 produits de la zone grise.

Vers le haut de la page

Comment l’AFMPS a-t-elle réagi à notre demande?

Interpellée sur le sujet en 2019, l‘AFMPS disait "partager notre inquiétude concernant la nécessité d'une meilleure surveillance du marché des dispositifs médicaux". Elle précisait aussi que "le travail nécessaire a également été effectué au niveau européen pour y répondre sous la forme du nouveau règlement sur les dispositifs médicaux".

Outre les changements européens, elle indiquait aussi vouloir travailler en interne sur une nouvelle approche pour mieux statuer sur cette problématique.

"Nous envisageons une révision de la Commission mixte et une meilleure intégration avec d'autres commissions afin de traiter cette question relativement nouvelle d'une manière plus pragmatique et plus efficace. Comme vous l'avez également souligné, d'autres États membres, tels que le Royaume-Uni, s'attaquent aux produits de la zone grise. Nous prendrons certainement ces exemples en compte."

Il a fallu patienter une année complète (octobre 2020) pour avoir un retour de l’AFMPS sur notre dossier.

Quelles actions a pris l’AFMPS depuis 2019 en matière de produits de la zone grise ?

Comment la Commission mixte a-t-elle traité les plaintes que nous avons déposées ?

Pour répondre à cette question, nous avons réalisé une nouvelle analyse du marché à l’automne 2024. Nous avions demandé les rapports et avis rendus par la Commission mixte depuis 2019, mais nous ne les avons reçus que jusqu'à l'été 2022, et ce parce qu'il n'y avait plus eu de réunions par la suite.

Tout comprendre des dispositifs médicaux

Vers le haut de la page

Les résultats de notre enquête sur les produits de la zone grise

Au final, qu’est-ce qui a changé ? Malheureusement, pas grand chose... Le bilan que nous en tirons de l’analyse de ces dossiers est loin d’être brillant. Nous trouvons la position de l'AFMPS très décevante :

  • notre agence des médicaments n'a montré que peu d'ambition d'améliorer la situation des citoyens.
  • les dossiers traînent en longueur.
  • les engagements pris par l'agence ne sont souvent pas respectés.
  • les quelques actions entreprises ne semblent pas avoir beaucoup d'effet dans la pratique.
  • mauvaise communication : il est très difficile d'obtenir des réponses claires de la part de l'AFMPS.   

Trois produits retirés des rayons

D’après notre analyse, un seul produit a été retiré de la vente à la suite d’une décision de la Commission mixte de l’AFMPS. Il s’agit de XL-S Medical bloqueur de glucides. Sa commercialisation a pris fin en 2020 soit... 8 ans après que nous avions porté le dossier à la connaissance de l’AFMPS.

Deux produits ont disparu des rayons à la suite d’une nouvelle réglementation européenne introduisant une interdiction de la présence de probiotiques dans les dispositifs médicaux : Infectim et Regyn. Un troisième produit, Kijimea, contenait également des probiotiques. Son fabricant a adapté son statut en le faisant passer en complément alimentaire.

Qui plus est, les fabricants d’Infectim et de Kijimea ont appliqué "l’astuce de l’inactivation" : au lieu de bactéries vivantes (probiotiques), leur produit contient désormais des bactéries inactives. Ils ont donc mis de nouveaux produits sur le marché, avec des noms fort semblables aux anciennes versions, à savoir Kijimea Pro et Infectim +.

Des actions concrètes pour seulement 3 autres produits

Qui plus est, d’après les rapports que nous avons pu consulter, l’AFMPS n’a rendu un avis à l'entreprise ou entrepris d'autres actions (comme la publication  d’une ligne directrice) que pour seulement trois autres produits : Uri-Cran Forte, Femannose-N et Urilys Forte.

Femannose-N et Urilys-Forte sont deux produits à base de D-mannose. Au début du mois de janvier 2023, l’AFMPS a publié une directive concernant le D-mannose. Elle stipule que les produits contenant plus de 750 milligrammes de D-mannose peuvent avoir un effet physiologique significatif et qu’ils peuvent être considérés comme des médicaments. Cette directive, inscrite à l’ordre du jour de la Commission mixte depuis septembre 2020, n’a été publiée qu’au début du mois de janvier 2023...

Les deux produits contiennent deux grammes de D-mannose et sont donc des médicaments. La décision n‘a toutefois rien changé puisqu‘à l’heure actuelle, ces produits sont toujours en vente sous le statut de dispositif médical... 

Lorsque nous avons contacté l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé pour demander des éclaircissements sur le statut de ces produits, on nous a répondu début 2023 que les produits en question devraient se conformer à la ligne directrice. Nous avons repris contact avec l’AFMPS (le 22 octobre 2024) pour lui demander de prendre des mesures.

Des produits pour lesquels nous attendons toujours un avis 

Cinq dispositifs ont été mis à l’ordre du jour... souvent plusieurs années après la réception de notre courrier les concernant :

  • Dulcosoft
  • Gerdoff
  • Kijimea Pro
  • Rhina Dual 2-en- Toux et Gorge
  • Viruprotect

Il est inacceptable que les délais pour le traitement de ces dossiers soient aussi long. Selon la réglementation en vigueur à l’époque, la Commission mixte avait 10 jours pour prendre contact avec le fabricant, et le Ministre compétent devait rendre une décision dans les 60 jours sur la base de l’avis rendu par la commission. Le délai pouvait être légèrement prolongé si des informations supplémentaires sont nécessaires.

Nous n’avons pourtant vu aucun avis concret.

La cause ? D’après ce que nous pouvons déduire des comptes rendus et avis de l’AFMPS que nous avons reçus, la commission ne s’est plus réunie depuis l’été 2022. La dernière réunion remonte au mois de juin de cette année-là. Selon les rapports, il semble aussi que le quorum requis pour qu’une réunion soit valable n’était plus atteint depuis plusieurs années. Le compte rendu était systématiquement approuvé par écrit par la suite.

Il a fallu attendre le milieu de l’année 2024 (deux ans plus tard donc !) pour que des ajustements soient réalisés via une décision de nomination et un nouvel arrêté royal relatif au fonctionnement de la Commission mixte.

Dans sa réponse à notre courrier de 2019, l’AFMPS nous a fait part de ses projets quant à une éventuelle réforme de la Commission mixte. Dans cette réponse, l’agence reconnaît les problèmes concernant les produits de la zone grise et signale qu’elle souhaite les aborder d’une façon plus pragmatique et efficace.

Mais nous ignorons si les changements proposés permettront réellement une meilleure gestion des dossiers des produits de la zone grise...

Des produits jamais inscrits à l’ordre du jour de la Commission mixte

Certains n‘ont jamais été inscrits à l‘ordre du jour.

  • Pour certains, l'AFMPS nous a promis de le faire (Neobianacid, Ostenil, Rhina NaturActiv toux sans sucre, Rhina NaturActiv nez bouché et  Suplasyn).
  • Pour d'autres, elle nous a indiqué que la Commission mixte n'était pas active pour le moment (Flexicream, Gelsectan et Urilys Forte).
  • Enfin, pour d'autres encore, nous n'avons tout simplement pas eu de réponse (XL-S Medical Réducteur d’appétit, XL-S Medical Fat reducer, XL-S Medical Perte de poids, XL-S Medical Max Strength, XL-S Medical Pro-7).

Pour terminer, l’AFMPS a précisé pour certains produits qu’elle ne souhaitait pas s’y intéresser dans le cadre de la Commission mixte.

Au sujet de l'Eau Thermale Balso Rhino, Bepanthen Eczema, Flaminal Hydro, Flamigel et Ziverel, l'AFMPS semble vouloir éviter des discussions visant à déterminer si l'action chimique est une fonction accessoire ou si elle serait l'action principale du produit. La réponse à cette question est capitale puisque, selon les règles juridiques, un dispositif médical peut contenir une substance active, à condition que cette action chimique ne fasse que soutenir l'action mécanique.

Cette règle pose manifestement problème et notre agence belge du médicament semble généralement sortir perdante des discussions avec les fabricants. Elle préfère donc éviter ces dossiers.

Nous regrettons ce manque d'ambition de la part de l'AFMPS. À notre avis, les incertitudes ou les discussions à ce sujet doivent être tranchées en faveur du consommateur et il faut donc choisir le statut - celui de médicament - qui offre aux citoyens les plus grandes garanties d'un produit efficace et sûr. Car dans les faits, ces produits se présentent comme des médicaments et, aux yeux des consommateurs, ils le sont.

Vers le haut de la page

Quelle est la situation actuelle au sein de la Commission mixte de l'AFMPS?

La Commission mixte est à nouveau active depuis l’été 2024. Ses membres ont été nommés via un arrêté royal et elle peut à nouveau se réunir de façon réglementaire. Un autre arrêté royal a prévu un nouveau mode de fonctionnement.

En octobre 2024, l’AFMPS nous signalait que la commission tente actuellement de résorber l’arriéré des dossiers des dernières années.

Si nous nous félicitons de la reprise de ses activités, nous ne comprenons pas pourquoi il a fallu deux ans pour former cette nouvelle commission et définir de nouvelles règles.

Par ailleurs, ces règles semblent créer de nouveaux obstacles pour les prestataires de soins de santé, les ONG et les consommateurs qui ont des doutes sur le statut correct du produit. Ceux-ci doivent soumettre à l’AFMPS les mêmes informations que les fabricants, par exemple une analyse du statut du produit ainsi que des données scientifiques et techniques qui l'étayent. Des choses que l’on ne peut pas attendre des citoyens.

reunion-commission-mixte-afmps

La Commission mixte de l'AFMPS ne s'est pas réunie pendant... deux ans.

Vers le haut de la page

Nos conclusions concernant les produits de la zone grise en Belgique

Quels dispositifs médicaux ne sont plus vendus ?

Sur un total de 33 produits portés à la connaissance de l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé au cours des 5 dernières années, seuls 10 produits ont été retirés du marché.

Mais plus inquiétant encore, sur ces dix produits, un seul a disparu grâce à une action de l‘AFMPS (*). Pour les autres dispositifs médicaux, la disparition des rayons était "due à des raisons commerciales, selon les dires des fabricants" ou au changement de la législation européenne (**) :

  • Infectim. (**)
  • Rhina NaturActiv Nez Bouché.
  • Suplasyn.
  • Regyn. (**)
  • X-Slim Max Active.
  • XL-S Medical bloqueur de glucides.(*)
  • Balso Rhino eau thermale.
  • Rhina Dual 2-en-1 Toux et Gorge.
  • Viruprotect.
  • Ziverel.

Un produit, Kijimea, est devenu un complément alimentaire à la suite de l’interdiction des probiotiques dans les dispositifs médicaux.

Nous déplorons que Femannose-N et Urilys Forte, qui violent de manière très claire la ligne directrice de l’AFMPS, restent en vente.

Nos exigences en matière de produits de la zone grise

Nous avons fait parvenir un courrier à l’AFMPS pour lui faire part de notre analyse et de nos inquiétudes sur le sujet. Nous espérons que l'AFMPS donnera désormais la priorité à la protection des consommateurs contre les produits qui offrent trop peu de garanties de sécurité et surtout d'efficacité.

Nous voulons que notre pays mette en œuvre des règles plus strictes en matière de publicité pour les dispositifs médicaux afin que les consommateurs soient mieux protégés contre les tromperies.

Nous demandons qu‘elle surveille beaucoup mieux le marché, qu'elle applique les règles de manière plus rigoureuse, et qu'elle s’assure que les fabricants respectent ses décisions.

Enfin, les règles européennes devraient être renforcées pour que ces produits ne puissent plus être commercialisés en tant que dispositifs médicaux.

Notre analyse des produits de la zone grise

 
Vers le haut de la page

Recommandé pour vous