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Ozempic augmente-t-il le risque de pensées suicidaires?

03 août 2023
oezmpic

On peut lire dans la presse que l'Agence européenne des médicaments (EMA) cherche à établir s'il existe un lien entre l'utilisation des "agonistes des récepteurs du GLP-1", comme le sémaglutide (Ozempic) et le liraglutide (Saxenda), et des idées noires. A quel point est-ce inquiétant ?   

Signalements de pensées suicidaires après l'utilisation d'Ozempic et de Saxenda

Quasi toute la presse en a parlé : l'Agence européenne des médicaments (EMA) cherche à établir s'il existe un lien entre l'utilisation des "agonistes des récepteurs du GLP-1", comme le sémaglutide (Ozempic) et le liraglutide (Saxenda), et des pensées suicidaires. Ces médicaments sont utilisés pour traiter le diabète de type 2 et l'obésité.

 L'EMA a lancé cette enquête à la suite de signalements islandais faisant état de pensées suicidaires et d'automutilation après la prise de ces médicaments.

A quel point est-ce inquiétant ? Il n'est pas encore établi que ces médicaments augmentent effectivement le risque de pensées suicidaires. Néanmoins, la vigilance est de mise.

 

De combien de signalements s‘agit-il?

L'affaire a commencé avec trois signalements en Islande. Depuis lors, l'EMA a déjà identifié environ 150 signalements similaires dans EudraVigilance.

Eudravigilance est une base de données européenne réunissant toutes les notifications d'effets secondaires suspectés adressées aux agences nationales des médicaments, à l'Agence européenne des médicaments et aux firmes pharmaceutiques. Ces signalements émanent de patients ou de professionnels de la santé.

En savoir plus sur le signalement d'effets secondaires

La communauté d’informations médicales Medscape rapporte que, aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a également déjà reçu des signalements de pensées suicidaires : une soixantaine pour le sémaglutide et une septantaine pour le liraglutide. 

Faut-il en conclure que ces médicaments provoquent des pensées suicidaires?

On estime qu'environ 10 % de la population a des pensées suicidaires passagères à un moment ou à un autre. Chez les personnes souffrant de diabète ou d'obésité, ce phénomène semble plus fréquent.

À l'heure actuelle, nous ignorons si les personnes qui prennent ces médicaments courent réellement un risque plus élevé que les personnes atteintes de diabète ou d'obésité qui ne prennent pas ces médicaments.

Si c'était le cas, cela n'indiquerait pas automatiquement une relation de cause à effet. Il se peut, par exemple, que les personnes qui prennent ces médicaments prennent plus fréquemment un autre médicament (par exemple, des antidépresseurs) et que les idées noires soient un effet secondaire de cet autre médicament. 

 

Comment l'EMA va-t-elle enquêter sur ce possible lien?

Dans cette enquête, l'EMA tente d'évaluer la réalité d’un lien de cause à effet. A cet effet, elle analyse les signalements reçus et la littérature scientifique.

Ainsi, elle examine de qui (âge, sexe...) proviennent les signalements, avec quelle dose exacte du médicament ils se sont produits, quel a été le délai entre la prise du médicament et l'effet secondaire, si la personne en question prenait d'autres médicaments en même temps, etc.

Comment se fait-il que cela ne soit pas apparu plus tôt dans les essais cliniques du fabricant Novo Nordisk?

Novo Nordisk est le fabricant de Saxenda, Ozempic et Wegovy. L'entreprise a fait effectuer une série d'études pour évaluer l'efficacité et la sécurité de ses produits. C’est sur la base de ces études que l'EMA a autorisé la commercialisation de ces médicaments.

Dans les études sur le sémaglutide (Ozempic et Wegovy), les chercheurs n'ont trouvé aucune indication d'un risque accru de pensées suicidaires. Toutefois, cela n'exclut pas la possibilité que les idées noires soient un effet secondaire rare. Certains effets secondaires ne se révèlent que lorsque le médicament est utilisé à grande échelle pendant une longue période au sein d'une population diversifiée. Les personnes souffrant de graves problèmes de santé mentale ou ayant déjà fait une tentative de suicide ont été écartées des essais cliniques d'Ozempic et de Wegovy.

Pourquoi ce triangle noir sur votre notice est vital ?

Cependant, dans les études sur le liraglutide pour perdre du poids (Saxenda), des éléments suggèrent efectivement un lien possible avec les pensées suicidaires. Sur un peu plus de 3 300 adultes ayant reçu du liraglutide, neuf sujets (0,3 %) ont fait état de pensées suicidaires. Dans le groupe ayant reçu un faux médicament, il n'y en a eu que deux (0,1 %). Cette différence pourrait être une coïncidence, mais ce n’est pas une certitude. Là encore, les personnes souffrant de graves problèmes psychiatriques et ayant déjà tenté de se suicider avaient été écartées, ce qui peut avoir eu un impact sur ces chiffres. 

Peut-on en conclure que ces médicaments sont déconseillés?

Saxenda (liraglutide) n'est de toute façon pas recommandé pour la perte de poids. Nous jugions déjà négative la balance bénéfice-risques avant ces signalements. Dans les études cliniques, ce médicament n'a entraîné qu'une perte de poids mineure. En revanche, il présente de nombreux effets secondaires possibles. 

Pour en savoir plus, consultez notre base de données de médicaments

Vers notre base de données de médicaments

La situation est différente pour le sémaglutide (Ozempic et Wegovy), dont les avantages en termes de perte de poids sont plus nets. Toutefois, on ne sait pas encore dans quelle mesure cela se traduit aussi en termes de réduction des coûts médicaux et d’amélioration de la qualité de vie. Nous attendons le résultat de nouvelles recherches avant de nous prononcer sur ce point. 

Que se passera-t-il après cette étude?

Si l'EMA estime plausible la probabilité d'une relation de cause à effet, cela pourrait entraîner :

  • une modification de la notice,
  • des avertissements et/ou des conseils aux professionnels de la santé sur l'utilisation du médicament,
  • l'obligation pour le fabricant de mener des études supplémentaires
  • et même le retrait du médicament du marché.

Dans le passé, il est arrivé à plusieurs reprises qu'un médicament amaigrissant soit retiré du marché à la suite de signalements ou d’indices d'effets secondaires graves. Par exemple, le médicament Acomplia (Rimonabant) a été retiré du marché en 2008 en raison d'un risque accru d'anxiété, de dépression et de pensées suicidaires.

Remarque : aux États-Unis, la notice du Wegovy (qui n'est pas commercialisé ici) et du Saxenda met déjà en garde contre un risque accru de pensées suicidaires. La FDA a exigé du fabricant qu'il en fasse mention en raison de l'expérience acquise avec d'autres médicaments amaigrissants. 

Dans quelle mesure une telle étude est-elle exceptionnelle?

Elle n'est pas si exceptionnelle que cela. Le Comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l'EMA lance généralement plusieurs études chaque mois en réponse à des signalements ou à d'autres indices d’effets secondaires présumés de médicaments. Cette étude fait probablement l'objet d'une plus grande attention en raison de la popularité d'Ozempic. 

Quand peut-on attendre les résultats de cette étude?

L'EMA prévoit d'émettre un avis d'ici le mois de novembre.

Que dit Novo Nordisk à ce sujet?

"La sécurité des patients est une priorité absolue pour Novo Nordisk, et nous prenons très au sérieux tous les rapports faisant état d'effets secondaires liés à l'utilisation de nos médicaments", nous a indiqué le fabricant lorsque nous lui avons demandé de commenter cette étude. 

Entre-temps, l'entreprise ne semble pas trop s'inquiéter. "Les agonistes des récepteurs du GLP-1 sont utilisés depuis plus de 15 ans pour traiter le diabète de type 2 et depuis huit ans pour traiter l'obésité, y compris les produits de Novo Nordisk tels que le sémaglutide et le liraglutide qui sont sur le marché depuis plus de 10 ans."

 "Les données de sécurité issues de vastes programmes d'essais cliniques et de la surveillance post-commercialisation (recherche des risques lorsqu'un médicament est déjà sur le marché, n.d.l.r) n'ont montré aucune relation de cause à effet entre le sémaglutide ou le liraglutide et des pensées suicidaires ou d'automutilation. [...] Nous sommes pleinement convaincus que les avantages de ces médicaments l'emportent encore sur les risques." 

Que faire si vous prenez l'un de ces médicaments et que des idées noires apparaissent?

Dans ce cas, contactez immédiatement votre médecin.

Les personnes qui se posent des questions sur le suicide peuvent contacter le Centre de prévention du suicide à l’adresse preventionsuicide.be ou au numéro 0800 32 123. Besoin de parler ? Vous pouvez appeler Télé-Accueil 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, au numéro 107. Vous pouvez également chatter sur tele-accueil.be. Les jeunes peuvent contacter Ecoute-Enfants au numéro de téléphone 103, ou par chat sur 103ecoute.be.