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Notre enquête sur les augmentations mammaires: prix, risques et manquements chez les chirurgiens

12 août 2025
Implants mammaires

12 août 2025

L'augmentation mammaire est l’une des opérations les plus pratiquées en chirurgie plastique. Mais entre comportements inadaptés, frais d'annulation astronomiques, manque d'informations, publicité illégale ou encore fraude, notre enquête auprès de 19 centres montre des lacunes importantes. Découvrez nos conclusions en matière d'augmentation mammaire.

​Pourquoi avons-nous enquêté sur les cliniques pratiquant les augmentations mammaires ?

Plus de 14 000 personnes en Belgique ont subi une augmentation mammaire en 2023. C’est l’une des opérations les plus pratiquées en chirurgie plastique.

Vous envisagez une augmentation mammaire à l’aide d’implants en silicone ? Cette intervention peut vous aider à avoir une meilleure estime de votre corps. C’est un bienfait mais il s’accompagne d’inconvénients. L’opération coûte très cher (de 2 995 € à plus de 7 000 €) et des complications peuvent survenir. Vous devez savoir que ces implants ne sont théoriquement pas faits pour durer une vie entière. Tôt ou tard, vous devrez probablement subir une nouvelle opération incluant à nouveau un coût élevé et des risques de complications.

Les patientes reçoivent-elles suffisamment d’informations avant de passer sous le bistouri ? Comment fonctionnent les cliniques qui pratiquent cette opération ? Quelles sont procédures ? Les cliniques respectent-elles les règles ? Autant de questions auxquelles nous nous avons voulu avoir une réponse lors de notre enquête dont les résultats sont arrivés début 2025.

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​Comment nous avons mené notre enquête

En utilisant le moteur de recherche Google, nous avons cherché des cliniques d’esthétique qui proposent des augmentations mammaires. Nous avons sélectionné les 19 premiers instituts que nous avons trouvés en ligne.

Chaque clinique a reçu la visite d’une femme âgée de 30 à 55 ans ayant une poitrine bonnet A ou petit bonnet B. Cette femme s’est informée sur la possibilité de subir une augmentation mammaire, n’a pas posé d’autres questions et a essayé de programmer directement l’intervention. Dans la plupart des cas, cela a été possible dès le premier rendez-vous. Dans quatre cas, la patiente a dû consulter une deuxième fois dans le centre. Toutes les opérations planifiées ont été annulées après quelques jours ou quelques semaines.

Nous sommes aussi allés sur les sites web et les réseaux sociaux des cliniques que nous avions retenues pour voir si elles pratiquaient de la publicité illégale. Nous avons consulté le centre de transparence publicitaire de Google (Ads Transparency Center) et la bibliothèque publicitaire de Meta (Ad Library) pour trouver les cliniques qui achètent de la publicité pour promouvoir la chirurgie esthétique. 

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​Les manquements observés chez les chirurgiens qui pratiquent des augmentations mammaires

Dans chacune des 19 cliniques visitées, nous avons envoyé une "fausse patiente" qui demandait une augmentation mammaire. Comportement inapproprié, frais d’annulation exorbitants, informations insuffisantes, publicité illégale, fraude,… Lors de notre tournée, nous avons relevé de nombreux manquements.

Aucun de ces établissements n’a entièrement répondu à nos attentes. Lors de la consultation, les risques ont généralement été abordés de manière timide, voire très timide. Trois médecins seulement ont remis à notre fausse patiente une brochure convenable, semblable à la brochure chirurgicale remise aux patientes aux Pays-Bas, à lire tranquillement à la maison. À nos yeux, c’est pourtant une condition essentielle pour pouvoir prendre une décision en toute connaissance de cause.

Lors de ce tour des cliniques, nous avons rencontré d’autres problèmes qui nous semblent au moins aussi inquiétants :

  • Deux instituts ne respectaient pas le délai d’attente légal de 15 jours minimum entre la consultation et l’opération. On y a proposé à notre patiente de l’opérer après seulement 5 jours dans une clinique, après 13 jours dans l’autre. Ce délai légal est pourtant primordial pour éviter que des patients se fassent opérer sur un coup de tête.
  • Presque toutes les cliniques demandaient un acompte allant de 500 € à 3 500 € à la patiente. Pourtant, d‘après notre interprétation de la loi et un exposé de l'avocat spécialisé maître Sander Briké, il est interdit de demander un acompte. Vous ne le récupérez pas toujours si vous changez d’avis, ce qui n’est pas du tout éthique. Ce mécanisme met des patientes sous pression, ce qui les pousse à se faire opérer quoi qu'il arrive : "J’ai déjà payé, donc je vais le faire".
  • Dans 7 des 19 cliniques privées, les frais d’annulation sont très élevés, même en cas d’annulation longtemps à l’avance. Ces frais sont parfois aussi élevés que le prix total de l’opération ! C’est inacceptable et, selon nous, illégal.
  • Comme lors de notre enquête sur les cliniques injectant du botox (en 2021), nous avons à nouveau constaté que certains médecins (7 sur 19) font payer les contribuables via la caisse d’assurance maladie pour des consultations purement esthétiques. C’est là encore une pratique illégal. Nous avons également rencontré deux cas de fraude fiscale.
  • En Belgique, la publicité pour la chirurgie esthétique est interdite. Certaines cliniques et certains médecins (7 sur 19) bafouent cette interdiction et tentent d’attirer des patients par toutes sortes de moyens.
  • En 2014, le Conseil Supérieur de la Santé a mis en avant l’importance d’un bref examen psychologique dans le cadre de l’anamnèse. Dans la pratique, nous n’avons pas vu grand-chose.
  • Au moins quatre médecins ont tenu des propos inappropriés lors de la consultation. Nous avons entendu des remarques qui n’ont pas leur place dans un cabinet médical : "Vos bourses sont dégonflées, madame", "Vous avez des seins comme des œufs de Pâques", "Monsieur va être content si vous faites l'opération", etc.. Des remarques qui ont tout l‘air de viser à vendre plus d’augmentations mammaires. Toutes des astuces pour tenter de vendre plus d’augmentations mammaires.

Il ne s’agit évidemment que d’un échantillon limité, d’un instantané qui ne permet pas de généraliser. Mais ce tour des cliniques donne une idée de la manière dont les choses se passent dans le secteur de l’esthétique.

À la suite de notre tour des cliniques d’esthétique, chacune va recevoir un courrier avec des commentaires personnalisés, pour une amélioration du service. Nous prendrons aussi contact avec le SPF Economie, l’INAMI et l’Ordre des Médecins pour dénoncer les abus que nous avons relevés. Et nous transmettrons nos observations à d’autres parties concernées (Société Royale Belge de Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique ; SPF Finances ; Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé) ainsi qu’au ministre de la Santé afin qu’il prenne des mesures.

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​Trop peu d’informations sur les risques

Avant d’être autorisé à pratiquer une augmentation mammaire, le chirurgien doit vous informer des risques liés à cette opération. C’est une obligation légale. Il doit vous donner des informations sur les complications les plus fréquentes mais aussi sur les complications potentielles les plus graves, même si elles sont extrêmement rares (par exemple un caillot de sang dans les poumons ou un cancer des ganglions lymphatiques).

Nous estimons qu’il doit aussi vous signaler que les implants en silicone ont une durée de vie limitée parce que vous devrez subir une nouvelle intervention après 10 à 20 ans. Ce qui impliquera à nouveau des coûts et des risques.

Le chirurgien peut vous expliquer tout cela verbalement lors de la consultation. Il peut aussi vous remettre une brochure ou vous renvoyer vers une source d’information numérique, avec des explications claires. Pour nous, toutes ces façons de communiquer sont cruciales pour permettre à la patiente de prendre une décision en ayant été parfaitement informée. Un entretien est indispensable pour vérifier que la patiente comprend toutes les explications. Et une brochure complète lui permettra de tout relire, au calme, à la maison.

Malheureusement, trois cliniques seulement sur les 19 que nous avons visitées fournissent des informations complètes sur support papier à propos de l’intervention et des risques qui y sont liés. Il s'agissait d'une brochure émise par la Société Française de Chirurgie Plastique Reconstructive, qui propose une brochure comparable à celle qui a été publiée par la Nederlandse Vereniging voor Plastische Chirurgie (la référence à nos yeux). Dans ces établissements, la discussion verbale sur les risques était limitée, voire très limitée. De trois à sept des neuf sujets repris dans le graphique ci-dessous n’ont même pas été abordés. Nous avons constaté les mêmes manquements dans la plupart des autres cliniques d’esthétiques que nous avions sélectionnées. Ces centres n’ont donc pas répondu à nos attentes.

Pour résumer : aucune clinique n’a, selon nous,  fourni suffisamment d’informations...

Risques d'une augmentation mammaire

Aucun médecin n’a abordé spontanément la "maladie des implants mammaires", controversée, lors de la consultation. C’est étonnant.

Ce terme désigne une série de symptômes (fatigue, douleurs musculaires, brouillard cérébral, perte de cheveux, etc) qui pourraient être liés aux implants mammaires. Le lien n’est toujours pas prouvé scientifiquement, mais à partir du moment où il y a des soupçons, nous estimons que l’information doit être communiquée aux patientes. L’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé, la Federatie Medisch Specialisten (Pays-Bas) et la Food and Drug Administration (Etats-Unis) insistent également sur ce point.

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​Les patientes sont trop rapidement opérées

Lorsque vous décidez de subir une augmentation mammaire, le chirurgien ne peut pas vous opérer directement. La loi prévoit qu’il doit d’abord vous remettre un rapport mentionnant notamment des informations sur les techniques qu’il utilisera, les risques les plus graves et une estimation détaillée des coûts. Vous devez signer ce document. Après cela, le chirurgien doit attendre au moins 15 jours avant de pouvoir vous opérer. Ce délai d’attente est destiné à protéger les patients face au risque de décisions impulsives.

Nous avons constaté que certains médecins ne respectaient pas cette obligation et proposaient d’opérer plus tôt. Dans une clinique, notre fausse patiente aurait pu subir l’intervention après seulement cinq jours. Dans une autre, le délai n’était que de 13 jours, ce qui est encore trop rapide par rapport à l’obligation légale.

"Next Day Surgery" n'est pas autorisée pour les interventions de chirurgie esthétique en Belgique. Le chirurgien ne peut vous opérer qu'après une période d'attente d'au moins 15 jours.

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​Des demandes illégales d’acompte

Dans presque toutes les cliniques visitées, le médecin a demandé un acompte à la patiente, allant de 500 à 3 500 €. Dans sept centres, il fallait verser l’acompte endéans les deux semaines suivant la consultation. Une clinique exigeait carrément de payer les "frais de réservation" dans les 24 heures.

Pourtant, d‘après notre interprétation de la loi et un exposé de l'avocat spécialisé maître Sander Briké, il est interdit de demander un acompte pour une opération de chirurgie esthétique. Par contre, le médecin peut déjà facturer des honoraires pour les consultations qui précèdent l’opération.

Dans certains cas, l’acompte n’est pas remboursé si la patiente décide finalement de ne pas se faire opérer. C’est tout à fait contraire à l’éthique. C’est une façon de mettre les patientes sous pression, et ce même si elles venaient à changer d'avis : "J’ai déjà payé, donc je vais le faire."

Certains médecins cherchent à contourner la loi…

L’article 20 de la Loi du 23 mai 2013 précise ceci : "Pour tout acte de chirurgie esthétique, un délai minimum de quinze jours s'écoule entre la signature du compte rendu visé à l'article 18, § 3, alinéa 1er, et l'acte projeté. Pendant cette période, il ne peut être exigé ou obtenu par le praticien pour cet acte aucune contrepartie quelconque ni aucun engagement financier à l'exception des honoraires afférents aux consultations préalables à l'acte."

Selon nous, un médecin ne peut pas demander d’acompte pendant la période qui sépare la signature du document et l’intervention. Un hôpital ou une clinique privée ne peuvent pas le faire non plus. Mais que se passe-t-il si le médecin réclame un acompte à la patiente avant la signature de ce document ?

Nous avons régulièrement rencontré cette situation lors de notre enquête. Nos fausses patientes n’ont presque jamais reçu un rapport d’information formel (seulement dans deux cliniques), alors qu'il s'agit d'une obligation. Mais on leur a quand même demandé un acompte...

Les médecins et les cliniques qui agissent de cette façon pensent peut-être qu’ils contournent astucieusement la loi parce que si on interprète la loi au sens strict, ils ne font rien de mal. Mais ils oublient qu’en se comportant de cette manière, ils violent "l’esprit de la loi" (laisser à la patiente la possibilité de revenir sur sa décision, sans conséquences financières). Cette interprétation est contraire aux intentions du législateur. Les juges et l’Ordre des Médecins en tiennent compte également.

Il faut reconnaître que la formulation de la loi n’est pas très claire. Nous demanderons au ministre de la Santé d’y remédier.

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​Des frais d’annulation exorbitants

Autre abus qui ne passe pas : au moins sept cliniques privées facturent des frais d’annulation exorbitants aux patientes qui décident finalement de ne pas se faire opérer. C’est mentionné en petits caractères sur les devis et les factures que nous avons reçus, et dans certains cas, c’est aussi indiqué sur le site web de ces établissements.

Il est question de centaines, jusqu’à des milliers d’euros perdus par les patientes qui changent d’avis, même en cas d’annulation longtemps à l’avance. C’est inacceptable et, à nos yeux, carrément illégal.

La loi stipule qu’il est interdit de demander une contrepartie ou un engagement financier à une patiente pendant le délai de réflexion. Elle doit avoir la possibilité d’annuler son consentement à un acte de chirurgie esthétique sans subir la moindre pression financière. Selon nous, cela veut dire qu’il est interdit de facturer des frais d’annulation si une patiente décide finalement de ne pas subir l’intervention. Comme nous l’avons expliqué plus haut, un médecin peut simplement réclamer des honoraires pour les consultations qui précèdent une opération.

Quelques exemples :

  • O2 Clinic (Anvers) et la Clinique BeauCare (Machelen) font payer 500 € si vous annulez un mois à l’avance.
  • Claris Clinic (La Hulpe) retient la totalité de l’acompte (1 000 €) si vous annulez durant les quatre semaines précédant l’intervention.
  • Dans les conditions générales de ST Clinic (Tournai), que notre fausse patiente a reçues, il est mentionné que la totalité du montant de l’intervention (7 139 €!) est perdue en cas d’annulation durant les deux semaines précédant l’opération. En cas d’annulation entre le quinzième et le trentième jour précédant l’opération, 50 % du montant sera facturé.
  • O2 Clinic (Anvers) facture la totalité du montant si vous annulez durant la semaine précédant l’intervention.
  • La Wellness Kliniek (Genk) exige de payer des "frais de réservation" (605 €) dans les 24 heures. Cette somme ne sera jamais remboursée, que l’opération ait lieu ou pas. Le moment de l’annulation n’a pas d’importance.

Certaines cliniques imposent des frais d'annulation astronomiques.

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​Des pratiques frauduleuses

Comme lors de notre enquête sur le botox et les fillers en 2021, nous avons constaté que certains médecins faisaient payer aux contribuables des consultations purement esthétiques, via la caisse d’assurance maladie. Sept médecins ont remis, avant la consultation, une attestation d’aide fournie pour la mutuelle, ou ils ont organisé le remboursement de la consultation par la mutuelle dans le cadre du tiers payant. L’INAMI a pourtant signalé à plusieurs reprises que c’était illégal.

Nous avons aussi été confrontés à des cas de fraude fiscale. Ainsi, un médecin a proposé à une fausse patiente de payer la moitié de l’opération au noir. Un autre a expliqué qu’il renseignerait l’opération comme une "chirurgie esthétique à caractère thérapeutique ou reconstructif" (destinée à une reconstruction mammaire après un cancer, par exemple). Cette astuce aurait permis à la patiente d’échapper à la TVA (21 %). Ce chirurgien a expliqué que la présence d’une légère asymétrie au niveau des mamelons justifierait cette combine. Un raisonnement qui n'est selon nous pas correct, ce que le SPF Finances nous l’a confirmé.

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​De la publicité illégale

En Belgique, il est interdit de faire de la publicité pour la chirurgie plastique (article 20/1). Nous avons constaté que certaines cliniques d’esthétique et certains médecins (7 sur 19) ne tenaient pas compte de cette interdiction et tentaient d’attirer des patientes par tous les moyens.

  • Sur les sites web de cinq cliniques, nous avons trouvé des slogans et des images publicitaires clairs.
  • Nous savons que six cliniques ont acheté de la publicité à Google pour faire la promotion de la chirurgie esthétique.
  • Deux cliniques ont acheté de la publicité à Meta pour Facebook et Instagram, pour inciter les patientes à les choisir.

publicités pour opérations de chirurgie esthétique

La Wellness Kliniek (Genk) est la "championne" incontestée en matière de publicité illégale. On peut déjà y subir une augmentation mammaire pour 2 995 €, moins de 3 000 € donc, une stratégie de marketing qui fait appel à un prix psychologique.

Mais ce n’est pas tout… Notre fausse patiente témoigne : "Quand j’ai pris rendez-vous en ligne pour une consultation, j’ai directement reçu dans ma boîte mail un bon de réduction de 50 € pour une augmentation mammaire. Depuis qu’ils ont mon adresse mail, je reçois régulièrement des annonces de toutes sortes de promotions et de réductions temporaires pour de la chirurgie plastique : avant la Saint-Valentin, avant la Fête des Mères, etc. Et sur mon fil d’actualité Facebook, je vois très souvent passer des publicités pour des interventions plastiques à la Wellness Kliniek."

Réductions illégales Wellness Kliniek Genk

La Wellness Kliniek de Genk est la "championne" incontestée en matière de publicité illégale.

Cet établissement demande aussi à certains de ses clients de faire sa publicité, en échange d’une récompense. Ces happy ambassadors sont censés amener de nouveaux patients à Genk. Et la Wellness Kliniek fait de la publicité pour un prêt destiné à financer une opération plastique. Le but est de convaincre des patients aux moyens financiers limités.

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Des commentaires déplacés de la part des chirurgiens

Nous nous posons aussi des questions sur la manière dont certains médecins abordent les patientes qui envisagent une augmentation mammaire et sur les répercussions de leur façon de procéder, notamment sur l’image qu’elles ont de leur corps.

"Dans la plupart des cliniques, j’ai rapidement dû enlever mon chemisier pour que le médecin puisse se rendre compte de l’état de la situation", raconte une fausse patiente. "Certains chirurgiens ont directement commencé à énumérer ce qui clochait au niveau de mes seins : ils n’étaient pas assez remplis, ils pendaient trop, etc. Il y en a un qui a utilisé des termes étonnants pour les décrire : des 'poches vides', une 'banane pendante', des 'seins comme des œufs de Pâques'."

Un autre chirurgien a lancé : "Si tu étais ma nièce, je te dirais qu’il faut le faire." Nos fausses patientes ont aussi entendu ceci : "Vos seins ont l’air vides", "Votre poitrine serait plus belle avec un peu plus de décolleté", etc.

Est-ce une technique pour vendre des opérations ? En rendant les patientes encore moins sûres d’elles, ce qui les encouragerait à franchir le pas ? Ou ces médecins estiment-ils simplement que de tels propos font partie du processus de diagnostic ? En tout cas, les patientes concernées ont surtout perçu ces paroles comme des insultes.

Un autre chirurgien, encore, a dit à la patiente : "Votre mari sera content si vous le faites." La convalescence ne serait pas très longue et le mari pourrait vite "jouer" avec les nouveaux seins… Pour nous, ce ne sont que des arguments de vente.

Tout aussi déplacé… Un médecin a signalé à une patiente que des femmes travaillant dans sa clinique s’étaient fait placer des implants de la marque Motiva. En désignant une secrétaire qui quittait son bureau, il a lâché : "Le lendemain de l’opération, elle retravaillait déjà." Cette secrétaire est-elle au courant de ces "révélations" ? Pas sûr.

La santé mentale n’est pas suffisamment prise en compte

Dans un avis publié en 2014, le Conseil Supérieur de la Santé a souligné l’importance d’un bref examen psychologique dans le cadre de l’anamnèse. D’autres instances, comme la British Association of Aesthetic Plastic Surgeons (BAAPS) et l’Australian Psychological Society (APS), insistent aussi sur ce point.

Certains problèmes psychologiques, comme la dysmorphie corporelle, incitent en effet à la prudence. Les personnes souffrant de ce trouble souhaitent repasser souvent sous le bistouri parce qu’elles ne sont jamais satisfaites de leur corps. C’est tout bon pour le compte en banque du chirurgien plastique mais cela peut être désastreux pour le bien-être psychosocial de ces patients.

Les "motifs externes" sont aussi un signal d’alarme. Par exemple, une femme souhaite subir une augmentation mammaire parce qu’elle ressent une pression de son entourage (conjoint, amis, etc) qui voudrait qu’elle franchisse le pas.

Dans les cliniques que nous avons visitées, nous n’avons pas vu grand-chose en matière d’examen psychologique. Dans 9 centres sur 19 seulement, on a interrogé la fausse patiente sur les raisons précises qui l’incitaient à envisager une augmentation mammaire. Six médecins seulement se sont inquiétés de la présence éventuelle de problèmes psychologiques.

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​Nos conclusions à l’issue de notre enquête sur les augmentations mammaires

Chaque clinique d’esthétique visitée recevra un courrier avec le feedback personnel des fausses patientes, dans le but que ces établissements améliorent leur service. Nous déposerons une plainte auprès du SPF Economie contre les cliniques d’esthétique qui demandent des acomptes et des frais d‘annulation, ce qui est illégal. Nous déposerons aussi une plainte auprès du SPF Economie contre les cliniques d’esthétique qui ne respectent pas l’interdiction de la publicité. Nous demanderons aussi un meilleur contrôle du respect des règles publicitaires.

Nous soumettrons nos conclusions à l’INAMI et au SPF Finances. Nous demanderons un plan d’action pour éviter dans le futur les pratiques frauduleuses que nous avons relevées. Nous écrirons à l’Ordre des Médecins pour l’informer des pratiques frauduleuses que nous avons rencontrées.

Nous contacterons aussi à la Société Royale Belge de Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique (RBSPS). Nous lui demanderons d’être plus attentive à la santé mentale des patientes. Nous demanderons aussi à l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS) de rédiger une brochure que les chirurgiens pourront remettre aux patientes, comme cela se fait aux Pays-Bas.

Et enfin, nous enverrons un courrier au ministre de la Santé pour l’informer des problèmes que nous avons rencontrés. Nous souhaitons que la remise d’une brochure chirurgicale aux patientes soit rendue obligatoire. Nous demandons également une adaptation de l’article 20 de la loi du 23 mai 2013 qui réglemente la chirurgie esthétique et la fin de l’ambiguïté concernant l’interdiction de réclamer un acompte.

Notre dossier complet sur les augmentations mammaires

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