Colruyt et Kruidvat vendent des autotests du cancer colorectal : nos réserves
Après Kruidvat, Colruyt a également décidé de proposer (entre autres) des autotests de dépistage du cancer du côlon dans ses rayons. Les ventes de ces autotests ont fortement augmenté ces derniers temps à la suite des déclarations publiques du pénaliste Walter Damen sur le sujet. Nous avons toutefois des réserves quant à l'utilité de ces autotests. Nous estimons également que leur vente et leur promotion dans les parapharmacies et les supermarchés ne constituent pas une évolution saine. Nous vous expliquons pourquoi.
Sur cette page
- Pourquoi Colruyt et Kruidvat proposent-ils des autotests pour dépister le cancer du côlon ?
- Comment fonctionne le dépistage gratuit du cancer du côlon organisé par les pouvoirs publics en Belgique?
- Pourquoi nous avons des réserves quant à la promotion des autotests de dépistage du cancer du côlon
- Pourquoi le dépistage officiel du cancer du côlon se concentre sur la tranche des 50-74 ans ?
- À quoi devez-vous veiller si vous utilisez un autotest ?
- Notre conclusion concernant les autotests de dépistage
Pourquoi Colruyt et Kruidvat proposent-ils des autotests pour dépister le cancer du côlon ?
Colruyt a annoncé ce week-end qu’il proposerait des autotests de dépistage du cancer colorectal dans le rayon parapharmacie de 175 magasins. Selon l’enseigne, cette nouvelle offre “permettrait aux clients de devenir copilotes de leur santé”. Dans sa communication, Colruyt fait référence aux chiffres de l’asbl Stop Cancer Côlon.
L’augmentation des ventes d’autotests après les témoignages de l’avocat pénaliste Walter Damen dans les médias joue sans doute un rôle. La chaîne de supermarchés proposera d’ailleurs d’autres types d’autotests.
En mars cette année, l’enseigne Kruidvat annonçait déjà qu'elle allait désormais proposer des autotests de dépistage du cancer du côlon, à l’occasion du « mois international de sensibilisation au cancer du côlon ».
Une campagne lancée en collaboration avec l'ASBL Stop Cancer Côlon, afin de lutter contre « la grande méconnaissance de la maladie et des possibilités de prévention » et de « faciliter l’accès aux soins préventifs ».
Nous rappelons que nous ne sommes pas convaincus du bien-fondé de cette campagne. Pour parvenir à "un monde sans cancer du côlon", nous estimons que l’ASBL Stop Cancer Côlon devrait plutôt encourager les personnes du groupe cible (les personnes âgées de 50 à 74 ans) au sein de la population à participer au programme de dépistage officiel gratuit du gouvernement. En effet, la participation pourrait être bien meilleure.
Selon les chiffres du Centrum voor Kankeropsporing, en 2022, seulement un peu plus de 50 % des personnes sollicitées ont pris part au dépistage en Flandre. En Wallonie et à Bruxelles, le taux est d'à peine 20 %. Or, c'est en concentrant les efforts à ce niveau que les bénéfices pour la santé publique seraient les plus grands.
Vers le haut de la pageComment fonctionne le dépistage gratuit du cancer du côlon organisé par les pouvoirs publics en Belgique?
En Belgique, il existe un programme de dépistage gratuit organisé par les pouvoirs publics. Il est destiné aux personnes âgées de 50 à 74 ans, identifiées comme le groupe à risque pour le cancer du côlon.
Le test de dépistage se fait sur un prélèvement de selles. Celui-ci est simple et rapide à réaliser chez soi grâce au mode d’emploi et au kit de dépistage fourni. Une fois réalisé, il est à renvoyer par voie postale, selon les indications fournies dans le kit. Un laboratoire effectue un test sur l’échantillon pour détecter la présence éventuelle, dans les selles, de sang non visible à l’œil nu. S’il y a du sang, cela peut indiquer la présence éventuelle de polypes ou d’un cancer du côlon.
L'utilité de ce programme se fonde sur des données scientifiques. Il comprend également des éléments fondamentaux comme l'enregistrement des participants et des résultats, un contrôle, un suivi et une évaluation de qualité.
Enfin, pour les personnes qui se font dépister au moyen de ce programme, le dépistage est gratuit.
Détecter et prévenir le cancer du côlon à un stade précoce
Vers le haut de la pagePourquoi nous avons des réserves quant à la promotion des autotests de dépistage du cancer du côlon
Quand on parle de campagnes de dépistage, il est important de peser le pour et le contre. Elle n'est pertinente qu'à partir du moment où, en prenant en compte une série de facteurs, les avantages prévalent sur les inconvénients : caractéristiques de l'affection, fréquence, qualité de tests de dépistage, coût, etc. Il faut parvenir à trouver un équilibre entre :
- parvenir à dépister autant de cancers que possible au sein de la population ;
- évitez des inquiétudes inutiles, des examens et traitements superflus.
Différences entre les autotests et les tests de la campagne des autorités
Nous ne disposons pas de données fiables pour évaluer la fiabilité des autotests vendus par Kruidvat, Colruyt ou disponibles en pharmacie par rapport à la campagne officielle des autorités. Leur logique n'est en tout cas pas la même, puisqu'il y a d'un côté un test qualitatif et de l'autre un test quantitatif :
- La campagne de dépistage des autorités utilise un test quantitatif, à savoir le test iFOBT. Il mesure la quantité de sang présent dans les selles.
- Les autotests sont en revanche des tests qualitatifs. Il indique s'il y a ou non du sang dans les selles.
Il est donc possible que ces autotests soient moins précis que les tests iFOBT.
L'initiative de Kruidvat et Colruyt crée par ailleurs un circuit de dépistage du cancer du côlon parallèle au sein du même groupe à risque (50-74 ans), ce qui n’est pas sans risque. Par exemple, certaines personnes peuvent ne pas obtenir le suivi approprié après un autotest anormal. Il se pourrait aussi que le programme officiel perde des participants, et donc sa rentabilité. Ou bien encore que certains cancers passent à travers les mailles du filet et ne soient pas décelés.
Vers le haut de la pagePourquoi le dépistage officiel du cancer du côlon se concentre sur la tranche des 50-74 ans ?
Le choix de la fréquence (tous les deux ans) et du groupe cible (50-74 ans) pour la campagne de dépistage officiel se base sur des recherches et une analyse minutieuse des avantages et inconvénients. Cette stratégie suit par ailleurs les lignes directrices fixées par l'Europe en la matière. La plupart des personnes atteintes d'un cancer du côlon se trouvent dans la tranche d'âge allant de 50 à 74 ans.
Le dépistage chez les moins de 50 ans
La Flandre a récemment analysé l'intérêt d'avancer l'âge du dépistage à 45 ans au lieu de 50 ans. Elle a conclu à la suite de son évaluation que ce changement n'était pas encore pertinent à l'heure actuelle, étant donné que les cas de cancers du côlon chez les 45-49 ans étaient bien moins nombreux que chez les 50-55 ans. Les chiffres restent stables depuis 2001.
Vous n'avez pas encore 50 ans et vous avez des inquiétudes concernant le cancer du côlon ? Parlez-en d'abord à votre médecin, surtout si vous présentez certains symptômes ou un risque accru (cas de cancers du côlon dans votre famille, par exemple). Si nécessaire, le médecin peut décider de procéder à une analyse de vos selles. Vous ne devrez alors payer que le ticket modérateur pour la visite chez le médecin. En principe, ce montant sera inférieur au prix d'un autotest, puisqu’une visite chez un généraliste à tarif officiel coûte entre 0 et 6 euros.
Le dépistage chez les plus de 74 ans
En ce qui concerne les plus de 74 ans, il n'est pas encore prouvé scientifiquement que les avantages du dépistage sont supérieurs à ses inconvénients. Le but principal du dépistage est de réduire la mortalité due au cancer du côlon. Certains cancers évoluent si lentement que ces personnes atteintes n'en souffrent pas. Si le dépistage révèle la présence d'un cancer de ce type, il sera traité par chirurgie, radiothérapie et/ou médicaments lourds. Ces traitements invasifs peuvent exposer les personnes âgées à un risque accru de complications et affecter leur qualité de vie.
Si vous présentez certains symptômes, prenez contact avec votre médecin.
Si vous n'avez pas de symptôme mais souhaitez effectuer un dépistage, discutez-en d'abord avec votre médecin généraliste pour savoir si, dans votre cas particulier, il serait utile de poursuivre le dépistage bisannuel. Si vous décidez de procéder à une analyse des selles, vous ne devrez alors payer que le ticket modérateur pour la visite chez le médecin. En principe, ce montant sera inférieur au prix d'un autotest, puisqu’une visite chez un généraliste à tarif officiel coûte entre 0 et 6 euros.
Tout savoir sur le cancer du côlon
Vers le haut de la pageÀ quoi devez-vous veiller si vous utilisez un autotest ?
Si vous décidez d'utiliser un autotest, acheté chez Kruidvat, Colruyt ou en pharmacie :
- Faites-vous correctement accompagner.
- Soyez conscient qu'aucun test n'est fiable à 100 % (vous pouvez être "faux négatif" comme "faux positif").
- Lisez attentivement les consignes d'utilisation et demandez conseil si vous avez des doutes, par exemple à votre pharmacien. Nous avons toutefois noté, par le passé, que les pharmaciens ne donnaient pas suffisamment d'informations avec les autotests.
En mars 2025, Kruidvat avait lancé une promotion sur les autotests de dépistage de cancer du côlon. Ils étaient alors au prix de 12,99 € au lieu de 21,29 €. Dans les grandes pharmacies en ligne à la même époque, le prix oscillait de 15 € à 20 €, sans compter les frais de port. Colruyt les propose désormais à la vente au prix de 9,99 €.
Si l'autotest est positif, consultez sans plus attendre votre médecin. Il est plus que probable que le médecin décide d'effectuer un second test. Vous devrez alors payer l'autotest et le ticket modérateur de la consultation. Bref, l'argument de Stop Cancer Côlon qui indiquait vouloir faire baisser le seuil financier par cette action (entre autres) ne tient pas la route.
Un test positif n'est pas toujours le signe d'un cancer du côlon
Attention : même si votre analyse des selles est positive, cela ne signifie pas pour autant que vous présentez un cancer du côlon. En cas de test positif, vous devrez passer une colonoscopie. Même s'il s'agit d'un examen sûr, il n'est pas sans risque. D’après les chiffres du programme flamand, en moyenne sur 100 colonoscopies effectuées, seules trois personnes ont bel et bien un cancer du côlon, et 48 personnes une ou plusieurs polypes.
Ce chiffre est plus faible encore chez les moins de 50 ans. De nombreuses personnes passeront donc une colonoscopie sans qu'aucune anomalie ne soit détectée alors que cet examen peut aussi être associé à des complications possibles et engendrer des coûts. Au plus souvent vous effectuerez des tests de selles, plus le risque d'examens superflus est élevé.
Sachez aussi que si une colonoscopie est remboursée, elle n'est pas gratuite. Si différents facteurs influent sur le prix, en 2023 il fallait compter 90 € chez un médecin conventionné, avec une chambre commune, et remboursement par une assurance maladie ordinaire. Ajoutez encore 20 € pour les boissons de préparation à la colonoscopie, non remboursées.
Vers le haut de la pageNotre conclusion concernant les autotests de dépistage
Pour nous, cette action conjointe lancée en mars dernier par Kruidvat et Stop Cancer Côlon n'apporte pas de plus-value à la santé publique, au contraire. Elle n'abaisse pas non plus le seuil financier pour le dépistage du cancer du côlon, comme le prétend Stop Cancer Côlon.
Nous ne voyons pas non plus l'intérêt de vendre et de promouvoir des autotests via Colruyt.
Si vous avez entre 50 et 74 ans, nous vous conseillons de participer en Belgique à la campagne de dépistage officielle des pouvoirs publics. Si vous êtes hors de cette tranche d'âge mais avez des doutes, consultez votre médecin. Vous avez ainsi la garantie de soins de qualité pour un coût moins élevé.
Si vous décidez d'utiliser un autotest, veillez à vous faire correctement accompagner, notamment par votre pharmacien.
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