Panneaux photovoltaïques et chauffage électrique: pas le duo gagnant que l'on croit

"Je place quelques radiateurs électriques, des panneaux PV sur mon toit et voilà, j'ai du chauffage à 0 € par an. De plus, je suis totalement indépendant."
C’est malheureusement trop simple pour être vrai.
Au fait, il n'y a que deux cas figures qui pourraient justifier d’associer des panneaux photovoltaïques au chauffage électrique.
- Dans le cas où vous avez déjà du chauffage électrique. Les frais d’installation sont faits et passer à un autre mode de chauffage n'est pas nécessairement aisé. Dans cette situation, on peut comprendre la tentation de placer des panneaux pour faire diminuer ses factures.
- Vous êtes l’heureux propriétaire d'une habitation très basse énergie (type "passive") dont la consommation de chauffage limitée peut se situer dans les 2 à 3000 kWh. Il est alors tentant de compenser le chauffage, l'eau chaude, l'électroménager et l'éclairage par une (grande) installation photovoltaïque, surtout quand quelques petits radiateurs électriques suffisent.
Même dans ces cas-là, il sera cependant utile de prendre en compte quelques éléments.
En matière de consommation d'énergie et de chauffage, les profils sont très nombreux. Vous avez intérêt à étudier les autres possibilités de chauffage avant de vous lancer !
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Quelques radiateurs électriques et des panneaux photovoltaïques sur le toit, promettent-ils vraiment de réduire à zéro votre note de chauffage? Rien n’est moins sûr. Vous serez confronté à quelques obstacles.
Prix de l'installation
Placer des panneaux, ce n'est pas gratuit ! Pour fournir 10.000 kWh d'électricité grâce à une installation parfaitement orientée, cela coûte +/-13 000 €, à amortir sur 20 à 25 ans. Donc, cela fait +/-500 à 650 € par an dans un calcul d'amortissement simplifié. A Bruxelles, c'est sans objet puisqu'on ne peut pas obtenir 10 000 kWh (limite de 5 kW).
Utilisation et paiement du réseau
Le propriétaire de chauffage électrique + panneaux photovoltaïques ne sera jamais indépendant du réseau. D'octobre à mars, la production électrique des panneaux ne couvrira réellement le chauffage qu'à raison de 10 à 20% des besoins, et ce sont des chiffres optimistes. 80 à 90% de l'énergie nécessaire sera puisée du réseau.
C'est un niveau d'autoconsommation deux fois plus bas que celui de l'électroménager, qui varie de 35 à 50%, sans batteries. En effet, c'est d'avril à septembre que 75% de l'électricité photovoltaïque est produite, pas pendant la saison de chauffe.
En Flandre, il y a déjà la redevance réseau ("prosumententarief"); elle est annoncée en Région wallonne pour 2020.
Dans l'exemple des 10.000 kWh, c'est +/-800 à 1100 € par an de redevance à payer qui s’ajoute à l'amortissement des panneaux.
A titre de comparaison, 10.000 kWh de gaz naturel coûtent dans les 500 € (sans tenir compte du coût de la chaudière et des radiateurs).
A Bruxelles, les 5 kW de puissance maximale limitent fortement la possibilité d'associer du chauffage électrique au PV. Comme la "compensation" a disparue depuis janvier 2020, ce duo devient de plus en plus incohérent.
Enfin, placer du chauffage électrique exige une puissance de raccordement plus élevée. Jusqu'à présent, le Belge paie peu pour obtenir une puissance élevée, mais cela pourrait changer et encore augmenter la facture du propriétaire de chauffage électrique. Des projets des régulateurs iraient dans ce sens (à partir de 2021?).
Plus de place pour les autres consommations
La consommation pour chauffer une habitation, même un minimum isolée, atteint facilement les 8 à 10 000 kWh. Si on ajoute l'usage de base pour l'électroménager et l'éclairage, on dépasse les limites de couverture par une installation photovoltaïque domestique, qui est de +/-10 000 kWh en Wallonie et en Flandre, pour une installation très bien orientée. Donc le chauffage électrique ne permettra pas de couvrir des consommations qui, elles, ne pouvaient pas être alimentées par une autre forme d'énergie et pour lesquelles le photovoltaïque était rentable (et prioritaire).
Deux situations pourraient tout de même justifier d'associer des panneaux photovoltaïques au chauffage électrique.
- Si on a déjà du chauffage électrique :
L’installation est déjà là, passer à un autre mode de chauffage n'est pas aisé.
Les considérations sur le paiement du réseau demeurent et d'autres questions se posent : il y a généralement un compteur bihoraire ou exclusif nuit, et la question du changement de compteur peut être un casse-tête. Tout placer sur un compteur normal risque de faire augmenter de 35 à 65% la facture pour la partie non couverte par le PV. Il faudra donc souvent garder le compteur bihoraire et répartir la consommation résiduelle sur les parties "nuit" (hors pointe) et "jour" (pointe). Un exercice d'équilibre pas toujours facile à réaliser.
- Si on dispose d’une habitation très basse énergie (type "passive"):
C'est tentant de compenser le chauffage (dans les 2 à 3 000 kWh), l'eau chaude, l'électroménager et l'éclairage par une (grande) installation photovoltaïque.
Le problème de l'usage du réseau reste d'actualité, mais pour une consommation et des puissances plus basses. A étudier sans affirmer que ce soit "la solution" : il y en a d'autres plus rationnelles au niveau de l'utilisation de l'énergie, comme le poêle à pellets (ou au gaz) ou les systèmes de chauffage (pompe à chaleur, par exemple) sur la ventilation.
En conclusion
L'avenir du photovoltaïque domestique est très vraisemblablement dans la valorisation de l'autoconsommation réelle. Le chauffage électrique est à l'opposé de ce scénario, avec très peu d'autoconsommation, que l'on place des batteries ou pas.
Réfléchissez donc bien avant de vous lancer dans cette association panneaux photovoltaïques - chauffage électrique moins gagnante qu’on ne le croit généralement.