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Comment gérer un côlon irritable ?

04 avril 2023
femmesavec douleurs abdominales

On n’en meurt pas, mais le syndrome du côlon irritable peut vous gâcher sérieusement l’existence. Quels sont les symptômes de ce syndrome? Comment savoir si on en est atteint? Et surtout : comment s’en débarrasser?
Il touche entre 3 % et 15 % (selon les sources) de la population. Davantage de femmes que d’hommes. Dans la plupart des cas, les symptômes apparaissent souvent à un jeune âge, chez les adolescents et les jeunes d'une vingtaine d'années. Certaines personnes en souffrent quasi en permanence, d’autres seulement par périodes. Il s’agit du syndrome du côlon irritable. 

Qu’est-ce que le côlon irritable ou le syndrome du côlon irritable ?

Le syndrome du côlon irritable (SCI) est une affection gastro-intestinale chronique qui peut durer des années. Ce problème est parfois appelé “côlon spastique” ou “intestin spastique”, mais ce terme est controversé, car il n’est pas toujours question de spasmes ou de crampes dans le canal intestinal. Les intestins peuvent également être hypersensibles ou irritables en l’absence de spasmes.

Douleurs abdominales et diarrhée ou constipation

Les deux symptômes principaux sont des douleurs abdominales et un transit intestinal anormal (diarrhée ou constipation). Pour poser le diagnostic, il faut un lien manifeste entre les deux symptômes. La douleur s'aggrave lorsqu'on doit aller aux toilettes, par exemple, et diminue ou s'aggrave après la défécation.

Quant à la douleur, elle survient généralement sous forme de spasmes qui se propagent dans l'abdomen. Elle peut se déplacer et son intensité peut varier en fonction de ce que vous mangez, de votre niveau de stress et d'autres circonstances.

Différents sous-types de SPI

Il existe différents sous-types de syndrome du côlon irritable, en fonction des conditions les plus fréquentes des passages à la selle.

  • Syndrome de l'intestin irritable à constipation prédominante (SCI-C) : patients souffrant principalement de constipation.
  • SCI à dominante diarrhée (SCI-D) : patients souffrant principalement de diarrhée.
  • Sous-type mixte (SCI-M) : lorsque la constipation et la diarrhée sont aussi fréquentes l’une que l’autre.
  • SCI non spécifié : lorsqu‘aucun des types ci-dessus n’est d’application.

Autres symptômes de l'intestin irritable

Les autres symptômes fréquents du syndrome de l'intestin irritable sont les suivants

  • Selles visqueuses
  • Abdomen visiblement distendu
  • Sensation de ballonnement (avec ou sans abdomen visiblement gonflé)
  • Flatulences fréquentes
  • Besoin pressant d’aller à la selle peu après les repas (transit rapide)
  • Nausées
  • Renvois fréquents
  • Sentiment rapide de satiété en mangeant
  • Fatigue
  • Douleurs musculaires
  • Symptômes dépressifs
  • Anxiété
  • Troubles du sommeil
  • Rapports sexuels douloureux

Causes du syndrome du côlon irritable

Le syndrome du côlon irritable est une affection dite "fonctionnelle", c’est-à-dire qu’il n’y a pas de cause organique (une inflammation du côlon par exemple) au fonctionnement perturbé du côlon. L'intestin ne réagit pas de la même façon que chez les personnes ne souffrant pas de SCI.

Les causes du côlon irritable restent un grand point d'interrogation. Les experts s'accordent à y voir probablement une affection "multifactorielle". En d'autres termes, plusieurs facteurs jouent un rôle dans l'apparition et la persistance de ce syndrome.

Infections gastro-intestinales

Une infection gastro-intestinale semble être un facteur fréquent de déclenchement. Si les symptômes apparaissent clairement après une infection intestinale, les médecins parlent parfois de syndrome du côlon irritable post-infectieux.

Les chercheurs supposent que l’organisme reste calé en "mode d'urgence" après l’infection, même quand le "danger" est passé, ce qui dérègle la digestion.

Facteurs psychologiques déclenchant un SCI 

Il n'est pas rare que les symptômes du SCI se manifestent après un épisode traumatisant, comme un décès ou un divorce, ou après une période de stress persistant. Cela ne veut pas dire que cette affection se situe "dans la tête" ou est purement psychologique. Le stress a un impact physique sur le fonctionnement de l'intestin. 

Dérèglement de la flore intestinale 

Le SCI peut également être lié à un dérèglement du "microbiote intestinal" ou flore intestinale. Certaines bactéries intestinales semblent plus fréquentes dans les selles des patients atteints de SCI. Encore convient-il de préciser que, aujourd’hui, personne ne sait avec certitude ce qui est anormal ni à quoi un microbiote "normal" est censé ressembler. 

Autres facteurs pouvant entraîner un SCI

  • Hypersensibilité des intestins, accélérant la sensation de douleur due à certains stimuli.
  • Dérèglement des passages à la selle (trop ou trop peu fréquents).
  • Hypersensibilité à certains nutriments.
  • Réactions immunitaires locales dans les intestins.
  • Problèmes au niveau de la coordination entre le cerveau et les intestins.

Comment savoir si on est atteint du syndrome du côlon irritable?

Seul un médecin pourra vous le dire. Il n'existe pas de tests de laboratoire ou de techniques d'imagerie permettant de diagnostiquer à coup sûr le syndrome du côlon irritable. Le diagnostic est donc établi sur la base des symptômes décrits par le patient et d'un nombre (limité) de tests visant à exclure d'autres affections. 

Comment le diagnostic est-il posé? 

Votre médecin vous interroge sur vos symptômes, vos antécédents et les maladies présentes dans votre famille. Quand on aborde le problème des selles, de nombreux médecins utilisent pour plus de clarté l'échelle de Bristol, qui range les formes possibles de selles humaines en sept catégories.

 

Le diagnostic est souvent posé sur base des critères dits de Rome-IV. Selon ces critères, il faut avoir présenté les symptômes au moins un jour par semaine pendant au moins trois mois. Les premiers symptômes doivent être apparus il y a au moins six mois. 

Éliminer d'autres affections 

Le médecin pourra également faire effectuer une analyse sanguine, afin d'exclure une intolérance au gluten par exemple. Il pourra également vérifier la présence de sang ou de parasites dans vos selles

Une coloscopie, c-à-d. un examen de vos intestins à l’aide d’une caméra introduite par l’anus, n’est normalement pratiquée que s’il y a des raisons de s’inquiéter, comme : 

  • un membre de la famille atteint d'une maladie inflammatoire de l'intestin ou d'un cancer du côlon
  • apparition des symptômes à l'âge de 50 ans ou plus
  • perte de poids soudaine et inexpliquée
  • présence dans les selles de sang ou de substances caractéristiques de réactions inflammatoires
  • ...

Cette coloscopie ne vise pas à mettre en évidence un SCI, mais bien à exclure d’autres affections (comme un cancer de l’intestin ou des maladies inflammatoires de l’intestin).

Options de traitement du syndrome du côlon irritable (SPI)

Il n'existe malheureusement pas de traitement permettant de guérir le syndrome du côlon irritable. Le traitement cible le soulagement des symptômes pour vous permettre de reprendre une vie aussi normale que possible. II faut souvent tâtonner pour trouver la meilleure approche.

Identifiez les facteurs déclenchants

Votre médecin vous conseillera probablement de rechercher les "déclencheurs" : les facteurs qui provoquent ou aggravent vos symptômes. Ces facteurs peuvent varier considérablement d'une personne à l'autre. Chez plus de la moitié des patients souffrant de SCI, les repas aggravent les douleurs abdominales. Mais les symptômes peuvent aussi être déclenchés par certains événements ou des médicaments. La tenue d'un journal peut aider à établir une corrélation entre ce que vous mangez, buvez, faites, etc. et l'évolution de vos symptômes.

Adaptez votre régime alimentaire

  • Limitez les aliments dont vous savez qu'ils provoquent les symptômes, par exemple le café, les aliments épicés, les boissons gazeuses, les produits gras, l'alcool, le chocolat ...
  • Mais n’allez pas trop loin en limitant exagérément ou en supprimant carrément certains aliments. Mangez sainement et de façon équilibrée pour éviter les carences.
  • En cas de constipation, essayez de boire davantage et d'augmenter votre consommation de fibres. Privilégiez notamment les produits riches en fibres solubles, tels que les flocons d’avoine, carottes, courgettes, pommes, poires, lentilles, etc ...
  • Mangez lentement et mâchez soigneusement les aliments pour éviter l’aérophagie.
  • Ne grignotez pas toute la journée. Tenez-vous-en, par exemple, à trois repas principaux et deux ou trois en-cas. Essayez également de manger à heures fixes.
  • Si tout cela ne fonctionne pas : envisagez un régime pauvre en FODMAP (voir ci-dessous) pour soulager vos symptômes.

Le régime FODMAP contre le syndrome du côlon irritable

Les FODMAP sont des hydrates de carbone qui fermentent dans le gros intestin (comme par exemple, le lactose et le fructose). On les trouve dans de nombreux aliments : certaines céréales, fruits, légumes, légumineuses, produits laitiers,...

Malheureusement, le régime FODMAP classique est un processus long et laborieux. Il faut d'abord éliminer toute une série d’aliments de votre alimentation. Puis les réintroduire petit à petit pour voir s’ils provoquent ou non une mauvaise réaction. Il est préférable de le faire sous le contrôle d'un diététicien.

Bon à savoir : pour faciliter l’accès à ce régime, des diététiciens ont mis au point une application simple, proposant un régime simplifié pour réduire les FODMAP dans votre alimentation (5,99 €). Vous y trouverez des listes d’aliments autorisés et non autorisés, des menus et des idées pour chaque repas.

Une étude de l'UZ Leuven suggère que ce régime simplifié à faible teneur en FODMAP est plus efficace que les médicaments (spasmolytiques) pour soulager les symptômes. On manque toutefois de données sérieuses à long terme sur l'efficacité de ce régime.

Faites suffisamment d'exercice

Faire suffisamment d'exercice est de toute façon important pour votre santé générale. Mais, selon plusieurs études, cela peut aussi contribuer à soulager les symptômes associés au syndrome de l'intestin irritable. Ces études ont notamment considéré les effets du yoga et de la marche ou du jogging sur un tapis roulant.

Lisez notre dossier sur l'exercice physique

Ne renoncez pas aux sorties et aux loisirs

Certaines personnes n’osent quasi plus sortir de chez elles, de crainte d’un accès de diarrhée à un moment où il n’y aurait pas de toilettes à proximité ("Je vais faire dans ma culotte"). Un tel comportement d'évitement pèse sur la qualité de vie des personnes souffrant de SCI. Efforcez-vous autant que possible de mener une vie normale.

Veillez également à vous ménager suffisamment de moments de détente : yoga, pleine conscience, simples promenades apaisantes ... Essayez de gérer au mieux votre stress, car cela ne ferait qu'aggraver les symptômes du SCI.

Vous avez du mal à vous débarrasser de vos idées noires ? N'hésitez pas à recourir à un psychologue. Pour savoir où trouver un psychologue pour 11 euros, cliquez ici.

Les médicaments contre le syndrome du côlon irritable

Le traitement du syndrome du côlon irritable est essentiellement non médicamenteux : il n'existe malheureusement aucun médicament capable de guérir cette affection. On trouve cependant certains médicaments susceptibles de soulager les symptômes. Nous présentons ci-dessous plus en détail les différentes possibilités. 

Quels médicaments peuvent agir contre le syndrome du côlon irritable?

Les effets des médicaments existants sont généralement limités et variables. Tout le monde n'en bénéficie pas.

Produits contre la constipation

Plusieurs lignes directrices présentent des produits à base d’agents gonflants comme des fibres de psyllium (par exemple Colofiber et Spagulax) comme un traitement de premier choix pour la constipation due au SCI. Les fibres rendent les selles plus volumineuses et moins dures. Ces médicaments doivent être pris avec beaucoup de liquide. La recherche sur le bénéfice obtenu par rapport à un placebo est toutefois contradictoire. D’autre part, ces produits ont peu d’effets secondaires. Certaines personnes souffrent toutefois de flatulences et de problèmes intestinaux.

La Société néerlandaise des médecins généralistes (NHG) recommande les médicaments à base de macrogol (Movicol et Forlax, par exemple).  Ils retiennent l'eau dans les intestins et facilitent ainsi le transit intestinal.

Plusieurs lignes directrices déconseillent les produits contenant du lactulose (par exemple le Bifiteral et le Duphalac) aux patients souffrant de SCI, en raison du risque d’effet secondaire de formation de gaz (ballonnements) dans l'intestin.

Les produits contenant du linaclotide ne sont pas un premier choix, mais sont parfois envisagés par les gastro-entérologues et les spécialistes de l'intestin lorsque d'autres laxatifs n’ont pas l’effet escompté. Il faut savoir que plus de 10 % des patients ayant pris ce médicament sont victimes d’une diarrhée sévère au cours de la première semaine.

Produits contre la diarrhée

Les agents gonflants à base de fibres de psyllium (par exemple Colofiber et Spagulax) peuvent également être utiles en cas de diarrhée.

Vous pouvez aussi envisager un médicament à base de lopéramide (par exemple de l’Imodium). C’est le seul médicament antidiarrhéique dont l'effet sur le SCI a été étudié, selon le NHG. Il doit être utilisé sur une courte période et uniquement en voyage ou lorsque vous vous trouvez dans un endroit sans toilettes à proximité.

Antidouleurs

Pour les douleurs abdominales, le NHG recommande d’abord le paracétamol, bien que son utilité n'ait jamais été étudiée chez les patients atteints de SCI.

Le NHG recommande également l'huile de menthe poivrée (le Tempocol) contre les crampes abdominales (disponible sans ordonnance). Une étude récente montre toutefois que l’effet de cette huile est insuffisant chez les patients souffrant du syndrome du côlon irritable. Vous voulez quand même essayer ? Optez pour une gélule résistant au suc gastrique pour éviter l'irritation de l'estomac et de l'œsophage.

Par ailleurs, on trouve en pharmacie plusieurs autres "spasmolytiques" (médicaments contre les crampes). Différentes études font état d’un certain soulagement, mais il ne faut pas en attendre des miracles. Un panel de 20 gastro-entérologues belges a récemment confirmé que l'otilonium (Spasmomen - sur prescription médicale) est le médicament le plus étudié pour ce groupe cible. Mais attention : dans une étude récente de la KU Leuven, l'otilonium a donné de moins bons résultats qu'un régime simplifié à faible teneur en FODMAP...

La mébévérine (Duspatalin), un "spasmolytique", n'est plus recommandée. Plusieurs études établissent que ce médicament n’est pas plus efficace qu’un placebo contre le SCI.

Plus sur ces médicaments dans notre base de données

Autres médicaments ou produits soi-disant “utiles”

  • On prescrit parfois des antidépresseurs aux patients souffrant de SCI pour soulager leurs symptômes. N’allez pas croire pour autant que le SCI se situe "dans la tête". Ces médicaments sont prescrits en raison de leurs effets non seulement antidépresseurs, mais aussi analgésiques. Cependant, ils ne sont pas le premier choix en raison de leurs effets secondaires.
  • La publicité pour le Kijimea et d'autres probiotiques est à prendre avec précaution. L'utilité de ces produits contre le SCI n’est pas suffisamment établie. Cela vaut également pour le Kijimea PRO, qui ne contient que des bactéries intestinales inactivées, et non pas vivantes.
  • Le Gelsectan est censé créer une couche protectrice dans les intestins et donc apporter un soulagement. A considérer aussi avec circonspection, car l'effet de ce produit n'a pas encore fait l'objet de beaucoup de recherches...
  • Vous cherchez un remède contre les flatulences ? Vous avez sans doute entendu parler d'Imonogas. Bien que ce produit soit officiellement un médicament, son efficacité n’a fait l’objet que de peu de recherches. Les études disponibles sont généralement très restreintes et de qualité douteuse. On ne peut donc rien en conclure. C'est pourquoi nous jugeons l’utilité de ce médicament "discutable".
  • Le Simalviane (sur ordonnance) contient de l’alvérine et du siméticon. Cette combinaison est censée soulager les douleurs abdominales et, selon un médecin auteur d'un ouvrage sur le syndrome du côlon irritable, aiderait également à lutter contre les ballonnements. Le Centre belge d'information pharmacothérapeutique (CBIP) est moins enthousiaste : "Les données supportant l'efficacité clinique de l'association sont très limitées. Cette association expose à des effets indésirables rares, mais potentiellement graves, liés à l'alvérine : réactions allergiques sévères et atteintes hépatiques cytolytiques."...
  • Chez une partie des patients, un excès de sels biliaires dans le côlon provoquerait des diarrhées et des crampes. C'est pourquoi on prescrit parfois des inhibiteurs de sels biliaires comme le Questran (contient de la colestyramine). L'utilité de ce médicament contre le SCI est cependant contestée, car il n'a pas fait l'objet de beaucoup d’études dans ce groupe-cible.