Enquête sur les pratiques abusives de la firme pharmaceutique Leadiant

La présente publication a vu le jour grâce au soutien financier de l’Open Society Foundations.
En 2017, Leadiant a lancé le médicament CDCA Leadiant ® sur le marché en tant que médicament orphelin. Pourtant, l'acide chénodésoxycholique (CDCA) n'est pas une nouvelle molécule, puisqu’il est utilisé depuis longtemps dans le traitement de la xanthomatose cérébrotendineuse (XCT), une maladie métabolique héréditaire rare et grave. Dans la foulée, son prix a néanmoins été multiplié par plus de 300. Or, sans traitement, la XCT peut entraîner une mort prématurée.
Coût minimal pour Leadiant…
Bien que le CDCA soit utilisé depuis des années pour traiter la XCT, la molécule n’avait pas, jusqu’il y a peu, été officiellement enregistrée auprès de l’agence du médicament à cet effet. La XCT n’était donc pas mentionnée comme indication dans la notice. C’est ce que l’on appelle l’utilisation « off label ».
Le CDCA est commercialisé en Belgique depuis de nombreuses années sous différentes marques pour le traitement de certains calculs biliaires. La plus importante était Chenofalk. En 2005, on payait 0,39 € pour une capsule de ce médicament, un traitement annuel pour un patient adulte coûtait donc 427 € (365 jours, 3 capsules par jour).
En 2017, la firme Leadiant a obtenu l’agrément officiel de l’agence du médicament pour l’utilisation du CDCA dans le traitement de la XCT sur la base d’un dossier composé d’études plus anciennes. Sans aucun investissement majeur donc en recherche et développement.
… prix maximum pour la société
Et pourtant, aujourd’hui, le prix d’une capsule du même médicament est de 140 €, soit 153 300 € par an. Une multiplication du prix par un facteur de 360, sans explication objective et acceptable.
Pourtant, le gouvernement n’a eu d’autre choix que de rembourser le médicament par le biais d’une procédure spéciale, faute de quoi, les patients restaient sans traitement. Or, sans ce médicament, de nouveaux symptômes peuvent se développer, voire des dommages irréparables si cela dure trop longtemps. Ce type de pratiques abusives constitue dès lors un réel danger pour la santé des patients et de notre assurance soins de santé.
Une position de monopole
Pendant des années, Leadiant s’est efforcée de constituer une position de monopole. Elle l’a fait, entre autres, en achetant et en retirant du marché quelques produits concurrentiels et abordables à base de CDCA, comme le Chenofalk. Par cet enregistrement comme médicament orphelin, l’entreprise s’est assuré une position de monopole confortable pour une période de 10 ans, même si elle n’est pas protégée par un brevet. C’est un privilège que le législateur européen a introduit en 2000 pour motiver les entreprises à développer des médicaments pour des maladies rares.
Nous avons introduit une plainte
De telles pratiques qui mettent en danger la santé des patients et la viabilité de notre système d’assurance-maladie sont inacceptables. Pour cette raison, nous avons déposé une plainte devant l’Autorité belge de la concurrence, qui a entre-temps ouvert une enquête. Nous voulons qu’elle constate qu’il y a un abus de position dominante de la part de Leadiant, qu’elle ordonne la cessation de ces abus et lui inflige une amende.
Ce n’est pas la première fois que nous présentons un dossier à l’Agence de la concurrence. Souvenez-vous de Avastin/Lucentis ou Aspen. Nous avions organisé un symposium en novembre 2018 avec la collaboration de Médecins du Monde et Kom op Tegen Kanker pour sensibiliser les partis politiques au prix de plus en plus élevé des médicaments.