Ce médicament vu à la télé ? Les pharmaciens le délivrent sans poser de questions
N’achetez pas sans réfléchir des médicaments parce que vous avez vu leur publicité; ils peuvent ne pas vous convenir, ou même s'avérer dangereux pour vous. En principe, votre pharmacien devrait vous recommander le médicament qui vous convient mais de trop nombreuses pharmacies que nous avons visitées cèdent tout simplement à la demande du client. Notre enquête a révélé plusieurs problèmes.
En tant que consommateur, avec quelle facilité vous délivre-t-on un médicament vu à la TV ou dans un magazine, un antidouleur ou un sirop pour la toux par exemple, alors que quelques questions suffiraient à établir qu’il n’est pas indiqué ou recommandé dans votre cas? Beaucoup trop facilement, selon notre enquête dans 96 pharmacies choisies au hasard en Belgique.
Une majorité de pharmacies prise en défaut
La plupart des pharmaciens visités n’ont pas donné l’antidouleur de premier choix ou ont délivré un sirop pour la toux alors que ce n’était pas nécessaire. Plus de la moitié ont donné sans sourciller le médicament demandé, alors qu’il sera sans effet sur les symptômes ou qu’il risque même de provoquer d’autres problèmes de santé. A peine huit pharmaciens visités ont délivré un médicament approprié ou, lorsque cela n'était pas nécessaire, un simple conseil.
Trop peu de questions posées aux patients
Dans leur grande majorité, les pharmaciens posent trop peu de questions pour pouvoir fournir une prestation de soins convenable, même quand le patient réclame un médicament qu’il ne connaît pas et dont il ignore les effets secondaires et les interactions qu’il peut provoquer.
C'est ce qui ressort de notre enquête dans 96 pharmacies réparties de manière aléatoire dans toute la Belgique. Près de la moitié des pharmaciens visités ont vendu un produit inapproprié sans poser la moindre question, et huit pharmaciens seulement ont délivré le médicament qui convenait ou n'ont rien donné.
Le scénarios testés auprès des pharmacies lors de notre enquête
1. Nurofen 400 Fascaps pour des maux de tête dus au stress
Une dame de 50 ans entre dans 50 pharmacies différentes pour expliquer qu’elle souffre de maux de tête dus au stress. Elle demande l’anti-inflammatoire Nurofen 400 Fastcaps, dont elle a vu des publicités à la TV.
Pas d’ibuprofène en cas d’ulcère à l’estomac
Les questions de base doivent pourtant faire facilement apparaître que la dame prend des médicaments contre un ulcère à l’estomac, et que ce médicament à base d’ibuprofène est donc à proscrire (ce qu’on appelle une contre-indication, donc). Près de quatre pharmacies visitées sur cinq lui ont vendu un médicament inapproprié susceptible d’aggraver son état.
En savoir plus sur le scénario du Nurofen 400 Fastcaps
2. Le sirop Bronchosedal Mucus pour une toux sèche
Dans notre second scénario, c’est une dame de 60 ans qui se présente dans 46 autres pharmacies avec un problème de toux sèche irritante remontant à plusieurs semaines. Elle a vu de la publicité pour le sirop contre la toux Bronchosedal Mucus, destiné à une forte toux avec mucus.
Les pharmacies vendent un sirop qui n'est pas pour la bonne toux
En posant les bonnes questions à la dame, le/la pharmacien(ne) peut pourtant facilement déduire que la toux est un effet secondaire de son médicament contre l’hypertension. Mais pas moins de 42 des 46 pharmaciens visités lui ont délivré un sirop contre la toux. Un seul des pharmaciens a fait ce que tous auraient dû faire : ne rien lui vendre et lui conseiller de consulter un médecin.
En savoir plus sur le scénar du sirop Bronchosedal Mucus
Quelles questions le/la pharmacien(ne) doit-il poser ?
Contrairement à ce que nos résultats laissent penser, le/la pharmacien(ne) n’est pas un vendeur, mais un prestataire de soins. Il doit mettre ses patients en garde contre des risques comme les effets secondaires, les interactions avec d’autres médicaments et les contre-indications (des signes que le médicament ne convient pas dans une situation donnée).
Voici ce qu’il doit faire selon le fameux questionnaire WHAM :
- Who : "A qui le produit est-il destiné ?";
- How long : "Depuis quand les symptômes sont-ils présents ?";
- Actions : "Quelles actions ont déjà été entreprises ?";
- Medication : "Quel médicament prend encore la personne en question, et souffre-t-elle d’une maladie ?".
Ces questions s’inscrivent dans la procédure standard, et aucun médicament ne devrait être vendu sans qu’elles aient été posées, surtout s’il s’agit de la première visite d’un patient inconnu.
Les pharmaciens concernés ont été informés de leurs résultats.
Des indicateurs de qualité pour les services en pharmacie
Nous testons régulièrement la qualité du service dans les pharmacies, et nous demandons depuis longtemps une amélioration. La formation complémentaire des pharmaciens que nous avons réclamée pendant des années a heureusement été finalement organisée, mais il reste à faire en sorte que, chez nous, la vente de médicaments en pharmacie s’accompagne d’indicateurs de qualité.
Que pouvez-vous attendre de votre pharmacien ?
Les Pays-Bas ont une longueur d'avance
Les Pays-Bas ont une sérieuse longueur d’avance sur nous à cet égard : nos voisins du Nord ont édicté des normes claires en matière de sécurité, d’efficacité et de personnalisation. Non seulement cela peut faciliter la comparaison de la qualité des soins entre les pharmacies, mais cela permet de voir immédiatement ce qui peut et doit être amélioré. Un système similaire constituerait indubitablement un indispensable adjuvant à la qualité des soins dans notre pays.
Interdiction de la publicité pour les médicaments vendus sans ordonnance
Test Achats réclame une fois encore l’interdiction de la publicité pour les médicaments vendus sans ordonnance. Notre enquête met en évidence les risques que peut comporter cette publicité, surtout si les pharmaciens abandonnent leurs clients à leur sort.
Qu’auraient dû demander les pharmaciens ?
Pour évaluer correctement la situation et proposer le médicament approprié, le/la pharmacien(ne) devrait poser trois questions essentielles :
- A quand remontent vos maux de tête ?
- Qu’avez-vous déjà fait contre ces maux de tête ?
- Prenez-vous encore d’autres médicaments ? Souffrez-vous de certaines maladies ?

Pourquoi ?
Les réponses à ces questions doivent apprendre au pharmacien que la patiente prend 20 mg d’oméprazole par jour. Le/la pharmacien(ne) doit alors pouvoir en déduire que la dame a un ulcère à l’estomac et que le Nurofen, avec l’ibuprofène comme principe actif, est à proscrire dans son cas.
La notice précise d’ailleurs clairement qu’un ulcère à l’estomac est une contre-indication. En effet, l’anti-inflammatoire peut provoquer une inflammation ou une hémorragie gastrique. En principe, le/la pharmacien(ne) doit signaler que ce médicament est mauvais pour l’estomac, pour que la patiente puisse s'en rendre compte et mentionner qu'elle a des problèmes d'estomac.
Qu’auraient alors dû vendre les pharmaciens ?
Le paracétamol est de toute manière le premier choix en cas de maux de tête, et il est parfaitement sûr même en cas de problèmes d’estomac. Il est également important que le/la pharmacien(ne) dispense des conseils suffisants : les antidouleurs et les anti-inflammatoires ne sont pas des friandises et mieux vaut les prendre aussi brièvement que possible et aux plus petites doses possibles.
En remettant le médicament, le/la pharmacien(ne) doit expliquer à quelle fréquence, à quel moment et pendant combien de temps il doit être pris, quels sont ses effets secondaires possibles et quand il faut éviter de le prendre.
Qu’auraient dû demander les pharmaciens ?
Pour évaluer correctement la situation et proposer le médicament approprié, le/la pharmacien(ne) devrait poser trois questions essentielles :
- Depuis quand toussez-vous ?
- S’agit-il d’une toux sèche ou plutôt d’une toux grasse ?
- Qu’avez-vous déjà fait contre cette toux ?
- Prenez-vous encore d’autres médicaments ? Souffrez-vous de certaines maladies ?

Pourquoi ?
Les réponses doivent apprendre aux pharmaciens que la patiente prend également des comprimés contre l’hypertension, à savoir du lisinopril 20 mg. Cet inhibiteur de l’ECA peut avoir pour effet secondaire une toux sèche irritante, et le sirop pour la toux demandé ne pourra rien y faire.
Qu’auraient alors dû faire effectivement les pharmaciens ?
Le/la pharmacien(ne) aurait dû demander à la dame depuis combien de temps elle tousse, pour en déduire qu’il ne s’agit pas d’un simple refroidissement de courte durée. En s’informant du type de toux, il ou elle aurait aussi immédiatement compris que le sirop demandé par cette patiente n’était pas approprié. Les sirops contre la toux n’ont de toute façon aucune utilité prouvée.
Les pharmaciens devraient savoir que le sirop pour la toux n’apportera aucun soulagement dans ce scénario, et ne devraient dont pas le vendre. Idéalement, le/la pharmacien(ne) devrait recommander à la patiente d’en discuter avec son médecin ou son spécialiste.
S’il lui vend quand même quelque chose, le/la pharmacien(ne) doit expliquer à quelle fréquence, à quel moment et pendant combien de temps le médicament doit être pris, quels sont ses effets secondaires possibles et quand il faut éviter de le prendre.
