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Ulcère de l'estomac : causes, symptômes et traitements

15 janvier 2025
Ulcère de l'estomac

15 janvier 2025

On croit encore trop souvent que le stress ou une mauvaise alimentation sont responsables de l’ulcère gastrique, alors que sa cause principale est bactérienne. Non traitée, cette maladie peut entraîner des complications mortelles. Découvrez notre dossier complet sur les ulcères à l'estomac.

L’ulcère ressemble à un petit cratère qui traverse la muqueuse et peut pénétrer jusque dans les tissus sous-jacents. Les médecins parlent d’ulcère "gastroduodénal". Il en existe deux types :

  • l'ulcère gastrique, dans l'estomac au sens strict.
  • l'ulcère duodénal situé dans le duodénum, segment initial de l'intestin.

Dans le langage courant, on privilégie pourtant les termes "ulcère gastrique" ou "ulcère de l'estomac". 

schéma d'un ulcère à l'estomac

Contrairement aux populations orientales, les populations occidentales sont nettement plus touchées par des ulcères duodénaux que par ceux de l'estomac. Généralement, on n'a qu'un seul ulcère, mais il arrive qu’il y en ait plusieurs (l'estomac et le duodénum pouvant être affectés en même temps).

Plus qu'une simple gêne

Les ulcères sont un problème relativement fréquent. Dans l'Enquête de Santé 2018 de Sciensano, 3,6 % de la population belge âgée de 15 ans et plus a déclaré avoir souffert d'un ulcère gastroduodénal au cours des 12 mois précédents. Selon la même enquête, le taux de prévalence chez les femmes est légèrement plus élevé que chez les hommes.

Les ulcères de l'estomac doivent être traités, non seulement parce qu'ils peuvent être douloureux, mais surtout parce qu'un ulcère peut déboucher sur des complications graves, comme une hémorragie potentiellement mortelle. Une autre complication sévère possible est la perforation, l'apparition d'un véritable trou dans la paroi de l'estomac, qui peut aussi connaître une issue fatale.

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Quels sont les symptômes d'un ulcère?

Certains ulcères peptiques sont asymptomatiques, mais la plupart sont douloureux. 

Les symptômes évocateurs d'un ulcère sont :

  • douleur au niveau de l'estomac (souvent caractérisée par une forte sensation de brûlure),
  • lourdeurs,
  • rapide sensation de plein quand on mange,
  • éructations,
  • nausées,
  • ballonnements,
  • crampes nocturnes, etc.

Il n’y a pas de rapport avec la composition ou la quantité des aliments ingérés, mais les douleurs peuvent éventuellement être calmées par l'alimentation, en fonction du type d'aliment.

Tous ces symptômes ne sont guère spécifiques. On ne peut donc pas simplement au vu des symptômes, conclure qu'ils sont causés par un ulcère. Divers autres problèmes de santé peuvent avoir exactement les mêmes symptômes.

symptômes ulcère à l'estomac

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Quelles sont les causes d'un ulcère à l'estomac?

La bactérie Helicobacter pylori

La majorité des ulcères ont pour origine une infection bactérienne. La bactérie Helicobacter pylori est à l'origine d'environ 90 % des ulcères du duodénum et 70 % des ulcères gastriques. Elle commence toujours par entraîner une gastrite (inflammation de la muqueuse gastrique). Celle-ci ne provoque pas nécessairement de plaintes, mais affaiblit les capacités protectrices de la muqueuse. Celle-ci peut alors être attaquée par l'acide gastrique, ce qui peut causer l'apparition d'ulcères. La bactérie augmente aussi le risque de cancer de l'estomac (rare, mais souvent mortel).

C'est l'une des seules espèces bactériennes reconnues comme cancérigènes pour l’homme. L'infection peut avoir encore d'autres conséquences graves (comme le lymphome du MALT, un type particulier de cancer, qui peut, dans de nombreux cas, régresser si l’on éradique la bactérie), mais beaucoup plus rares encore.

Impossible de s’en protéger

Près de la moitié de la population mondiale serait infectée par H. pylori, mais la prévalence de l’infection varie en fonction de plusieurs facteurs. Dans les pays en développement, l’acquisition a généralement lieu très tôt dans l’enfance (avant l'âge de 5 ans), et dans certains pays, la prévalence maximale (jusqu'à plus de 80 %) peut-être atteinte avant l’âge de 10 ans.  Par contre, dans les pays dits  "développés", seule une minorité est infectée durant l'enfance. Globalement, la  prévalence de l'infection augmente avec l'âge, de l’ordre de 20 % à 20 ans et de 60 % à 60 ans. 

La bactérie Helicobacter pylori

En ce qui concerne spécifiquement la Belgique, les données quant à la prévalence de l'infection par H. pylori dans la population générale sont rares. Avec prudence, on peut cependant avancer comme estimation sans doute réaliste qu'environ 10 à 20 % de la population belge est porteuse de la bactérie. Avec des différences importantes en fonction de l'âge et de l'origine ethnique.

Le mécanisme exact par lequel la bactérie colonise l'estomac humain reste assez méconnu. Il y a beaucoup d'hypothèses (par la salive, par les selles, par les vomissements), mais peu de certitudes. Ces voies de transmission sont associées à de mauvaises conditions d'hygiène, à des conditions de vie proches et à une infection par la nourriture, l'eau ou le contact direct. On ne saurait donc donner de conseils de prévention fondés en vue de réduire le risque que votre enfant ou vous-même encourriez une infection par Helicobacter pylori.

La prise de médicaments, comme les antidouleurs

La seconde grande cause d’ulcères gastriques est la prise de certains médicaments antidouleurs susceptibles d'endommager la muqueuse gastro-intestinale et d’entraîner, notamment, des ulcères. Il s’agit des AINS (anti-inflammatoires non-stéroïdiens : ibuprofène, naproxène, diclofénac, etc.) et de l'aspirine. Les antidouleurs seraient à l'origine d'environ 25 % des ulcères gastriques et de 5 % des ulcères du duodénum.

Les autres causes possibles d'un ulcère

Parmi les causes bien plus rares, on retrouve certaines maladies (Crohn, syndrome de Zollinger-Ellison...) et d'autres médicaments. 

De nombreuses personnes pensent à tort que les ulcères gastriques sont provoqués par le stress ou l'alimentation (l'abus de plats épicés ou de café). Il n'y a pourtant pas de données probantes qui corroborent cette hypothèse. Le stress peut exacerber les plaintes et la consommation d'alcool peut interférer avec la guérison d’ulcères existants. On entend aussi dire que fumer serait une cause d'ulcères. En réalité, s'il est établi que fumer augmente le risque de développer un ulcère, il ne semble pas qu'il s'agisse d'un facteur directement causal. On note simplement une association, mais qui peut s'expliquer notamment par le fait que le tabac facilite la colonisation de la muqueuse gastrique par H. pylori.

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Comment diagnostiquer un ulcère à l'estomac?

Gastroscopie 

Les symptômes seuls ne permettent pas de poser un diagnostic exact. Si l'on veut vraiment savoir avec certitude si les symptômes sont ou non liés à la présence d'un ulcère, il faut réaliser une gastroscopie : introduire par l'œsophage un long tube permettant de visualiser l’intérieur de l’estomac et du duodénum. Par la même occasion, on peut prélever des échantillons qui peuvent être analysés, entre autres afin de déterminer s'il y a une infection par H. pylori. C'est un examen très sûr, mais guère agréable. 
 
Une gastroscopie
 
Des complications (perforation, hémorragie, infection) sont exceptionnelles, mais ne peuvent jamais être exclues. Dans certains cas (patient très anxieux, par exemple), on a recours à une anesthésie, laquelle entraîne ses propres risques.
 
L'examen comporte aussi des coûts. Si les médecins se mettaient à prescrire une gastroscopie pour toute personne se présentant avec des troubles gastro-intestinaux, c'est pratiquement l'entièreté de la population qui y passerait. Dans l'immense majorité des cas, le patient n’en retirerait aucun bénéfice, il subirait seulement les risques et inconvénients. Cela causerait plus de tort que de bien. Mieux vaut donc envisager d'autres stratégies et limiter les gastroscopies aux cas qui le justifient vraiment.

Les autres options pour poser le diagnostic

Dans de nombreux cas, les plaintes gastro-intestinales pour lesquelles on consulte un médecin peuvent être soulagées sans que l'on procède à des examens diagnostiques plus poussés.

Quelques mesures simples peuvent suffire comme modifier certaines habitudes alimentaires. Si nécessaire, un traitement médicamenteux court visant, par exemple, à réduire la production d'acide gastrique peut être envisagé. 

Dans d'autres cas, le médecin peut juger utile de proposer un test non invasif pour déterminer s'il y a ou non infection par H. pylori. Comme un test respiratoire à l'urée : après avoir fait boire au patient un liquide spécial, on peut analyser l'air qu'il expire pour déterminer si la bactérie est ou non présente dans son estomac. On peut aussi procéder par analyse des selles. Dans certains cas, on peut avoir recours à un test sanguin. Précisons que si l'on détecte la présence de la bactérie, cela ne signifie pas nécessairement qu'il y a un ulcère, il peut s'agir simplement d'une gastrite chronique.

Dans certains cas toutefois, il est fortement recommandé de réaliser d'emblée une gastroscopie, par exemple s'il y a des raisons de penser qu'il pourrait être question d'un cancer gastrique (symptômes inquiétants, patients de plus de 55 ans présentant pour la première fois des troubles gastriques, etc.).

Autodiagnostic à éviter

Des self-tests d’infection à l’Helicobacter pylori sont en vente, notamment via internet. Ils sont, pour la plupart, basés sur une analyse de sang. N’y recourez pas :
  • D’abord parce que si vous ne souffrez pas de symptômes gastro-intestinaux inquiétants, il n’y a aucune raison de chercher à savoir si vous êtes infecté, la bactérie n’ayant, dans la plupart des cas, aucune conséquence négative.
  • Ensuite, parce que les autorités ne procèdent à aucun contrôle de ces tests et qu’on ignore donc totalement s’ils sont fiables.
  • Enfin, parce que si vous souffrez effectivement de symptômes inquiétants, il vaut mieux consulter un médecin.
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Comment traiter un ulcère à l'estomac?

Dans l'hypothèse où l'on a déterminé qu'il y a infection par Helicobacter pylori, on traitera le plus souvent par une combinaison de différents médicaments :

  • un médicament de type IPP (inhibiteurs de la pompe à protons, une des deux grandes catégories des inhibiteurs de l'acide gastrique; quelques noms: oméprazole, pantoprazole, rabéprazole...)
  •  et deux antibiotiques (par exemple, amoxicilline et clarithromycine).
Aux débuts, la thérapie précitée était efficace dans plus de 90 % des cas, de nos jours ce n'est plus que dans 70 % des cas. C'est que la bactérie développe des résistances aux antibiotiques. En cas d'échec, on devra tenter une autre combinaison de médicaments.

En cas de troubles gastro-intestinaux, ulcères ou autres, liés à l'utilisation chronique d'AINS ou d'aspirine, le patient doit arrêter la prise de son médicament pendant le traitement. Le traitement consistera le plus souvent en un IPP (le cas échéant avec antibiotiques si l'on a constaté une co-infection avec Helicobacter pylori). Ce qu'il convient de faire pour éviter une rechute varie selon les cas et devra être discuté avec le médecin. Ainsi, dans l'hypothèse où la prise chronique d'AINS est médicalement justifiée et nécessaire (ce qui est loin d'être toujours le cas!) on peut par exemple réduire le risque d'ulcères en prenant au long terme un IPP à titre préventif.

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Comment évolue un ulcère à l'estomac?

Un ulcère non traité peut déboucher sur des complications graves, comme une hémorragie potentiellement mortelle. Les saignements d'ulcères sont une cause assez fréquente d'admission aux urgences. On estime que de 15 à 20 % des ulcères non traités finissent par entraîner une hémorragie. Chez les personnes qui font une hémorragie ulcéreuse, le risque d'en mourir se situerait aux alentours de 5 à 10 %.

Une autre complication sévère possible est la perforation, l'apparition d'un trou dans la paroi de l'estomac, qui peut également connaître une issue fatale. Le risque qu'un ulcère donne lieu à une perforation est estimé autour de 5 à 10 %. La perforation peut connaître une issue fatale dans 5 à 20 % des cas.

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Pourquoi nous ne sommes pas favorables à un dépistage systématique de la bactérie Helicobacter pylori

On pourrait croire utile de détecter la présence de la bactérie Helicobacter pylori chez les personnes ne présentant pas de symptômes gastro-intestinaux, de manière systématique. En éradiquant la bactérie chez toutes les personnes infectées, on pourrait prévenir des ulcères, mais surtout des cancers gastriques, ce qui permettrait sans doute de sauver des vies. Cependant, tout dépistage a ses inconvénients.

Dans certains pays asiatiques, le cancer gastrique est fréquent. Par un dépistage de la bactérie au niveau de la population asymptomatique on pourrait donc espérer prévenir un grand nombre de cas. Mais c'est totalement différent chez nous, où les cancers gastriques sont rares. Rappelons aussi que la majorité des infections par Helicobacter pylori ne débouchent pas sur un cancer. Si l'on instaurait chez nous un tel dépistage, cela reviendrait à administrer inutilement des antibiotiques à des dizaines de milliers de personnes, dont la grande majorité n'aurait jamais été dérangée par la bactérie. Les antibiotiques peuvent avoir des effets indésirables divers. On risquerait aussi de favoriser l'émergence de souches bactériennes (d'autres bactéries que Helicobacter pylori) résistantes aux antibiotiques.

À l'heure actuelle, envisager chez nous un tel dépistage nous semble une très mauvaise idée.

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