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Festivals : des systèmes de paiement complexes, coûteux voire illégaux

Certains festivals ne sont pas aussi orientés consommateurs que d’autres. C’est ce que révèle notre récente enquête menée cet été dans 12 festivals belges. À nouveau, les festivaliers font face à des systèmes de paiement compliqués ou à des frais superflus. Pire, plusieurs d'entre eux imposent même des frais cachés, en toute illégalité. Nous avons donc saisi l’Inspection économique afin de dénoncer ces pratiques.

Expertise:
Rédaction:
11 septembre 2025
Paiement dans les festivals

Dans quels festivals avons-nous mené l’enquête et pourquoi ?

Cet été, nous avons à nouveau mené l’enquête dans 12 festivals belges, à savoir Brosella, Couleur Café, Dour, Esperanzah, les Francofolies, le Graspop, Les Ardentes, Paradise City, Pukkelpop, Rock Werchter, Ronquières et Tomorrowland.

La question centrale que nous nous sommes posée est la suivante : leurs options de paiement sont-elles favorables pour les consommateurs ?

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Les monnaies virtuelles, ou comment payer pour pouvoir payer

Aujourd’hui, de nombreux festivals imposent leurs propres moyens de paiement virtuels : des systèmes « cashless » via carte ou bracelet, parfois même basés sur leur propre monnaie virtuelle comme les Coins, les Pearls ou les Douros. 

Malheureusement, ces dispositifs entraînent souvent des frais supplémentaires et diverses restrictions.

  • Les Ardentes facturent 1,25 euro de frais d'activation ;
  • Tomorrowland n'envoie le bracelet qu'après paiement de 13,50 euros ;
  • Lorsque le rechargement se fait via l'application ou en espèces, Dour vous oblige à recharger au moins 10 euros, exclusivement par tranches de 5 euros.

Si vous avez encore de l'argent sur votre bracelet ou votre carte à la fin du festival, vous devez généralement payer un supplément pour récupérer cet argent :

  • Les Ardentes : 3,75 euros
  • Tomorrowland : 3,64 euros
  • Roch Werchter, Graspop et Dour : 3,5 euros

À Ronquières, vous ne pouvez récupérer votre argent que s'il reste au moins 3 euros sur votre bracelet, mais vous récupérez alors la totalité du montant.

D'autres festivals, tels que Paradise City ou Esperanzah (1 euro), appliquent des tarifs beaucoup plus avantageux.

Des conversions qui sèment la confusion

Les monnaies virtuelles correspondent rarement exactement à l'euro, ce qui complique la compréhension du montant réel de vos dépenses :

  • 1 Coin (Rock Werchter) = 3,80 euros (3,50 euros en prévente)
  • 1 Skully (Graspop) = 3,80 euros
  • 1 Pearl (Tomorrowland) = 1,8181… euro (arrondi à 1,82 euro)
  • 1 Douro (Dour) = 1,75 euro

Au final, il devient presque impossible d'arriver à un solde nul. 

Des festivals comme Paradise City, Ronquières ou Esperanzah prouvent qu’il est tout à fait possible de se passer des monnaies virtuelles et de conserver l’euro, évitant ainsi aux festivaliers bon nombre de calculs et de conversion inutiles.

Comment payer dans les festivals ?

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Le paiement fractionné et le risque d’endettement

Parmi les 12 festivals étudiés, 5 permettent de payer son billet en plusieurs fois, généralement entre 3 et 6 versements. En pratique, il s’agit donc d’un achat « à crédit »

Le plus souvent, cette formule n’entraîne pas de frais supplémentaires… sauf en cas de non-paiement : dans ce cas, des frais peuvent être appliqués — et grimper très rapidement.

  • Aux Ardentes, vous pouvez choisir de payer en 3 à 6 versements. Si vous ne pouvez pas payer un versement, deux nouvelles tentatives seront effectuées pour prélever le montant sur votre compte. Si vous ne pouvez toujours pas payer, vous perdez les versements déjà effectués et la réservation est annulée.
  • Au Pukkelpop, vous pouvez payer en 3 versements. Si vous ne pouvez pas payer un versement, vous récupérez les montants déjà payés… moins 15 % de frais administratifs.
  • Rock Werchter propose cette option via le gestionnaire de paiement, Ticketmaster. Celui-ci vous permet en effet de payer avec Klarna, qui vous donne la possibilité de payer en 3 fois, avec ses propres conditions en cas de défaillance de paiement.
  • Ronquières propose également le paiement en plusieurs fois, mais nous ne disposons pas immédiatement des conditions spécifiques relatives aux pénalités financières en cas de non-paiement.

La banalisation de l’achat à crédit 

Nous ne sommes pas favorables à ce type de moyens de paiement, car ils initient un public, souvent jeune, à l’endettement et au crédit. On observe le même mécanisme avec Klarna et son modèle commercial « Buy Now, Pay Later » (Achetez maintenant, payez plus tard). 

Tout paraît simple et gratuit, jusqu’au moment où l’on n’arrive plus à rembourser : les frais s’accumulent alors rapidement et peuvent devenir très élevés.

Au-delà du risque financier, l’achat à crédit encourage des comportements problématiques : il favorise les achats impulsifs, donne l’illusion — en particulier aux jeunes — de pouvoir dépenser plus que ce que leurs moyens réels permettent et abaisse ainsi la barrière vers l’endettement. Les personnes déjà en situation de précarité sont les plus exposées à ces pratiques, ce qui ne fait qu’aggraver leurs difficultés.

Le crédit doit être strictement encadré, or ce n’est pas le cas avec ces formules de paiement. Espérons que l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation européenne sur le crédit à la consommation viendra corriger cette situation.

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Des règles plus claires sont nécessaires

Pour Testachats, ces systèmes de paiement propres aux festivals et leurs tableaux de conversion compliqués ne représentent pas une avancée positive. Les Francofolies et Brosella montrent d’ailleurs qu’il est tout à fait possible de se passer des Coins, Pearls ou Skullies : on y paie librement, sans frais cachés.

Un Code de conduite peu contraignant

Pour les festivals qui tiennent malgré tout à utiliser leur propre monnaie, des règles plus claires s’imposent. Depuis cette année, le ministre Beenders a lancé une première initiative avec un Code de conduite pour les festivals, déjà signée par Rock Werchter, Campo et LaSemo.

C’est un pas dans la bonne direction, mais ce Code laisse encore trop de marge de manœuvre aux organisateurs. Il prévoit, par exemple, que les systèmes de monnaies virtuelles reposent sur des chiffres ronds pour faciliter la conversion. Cependant, pour l’ensemble des festivals étudiés, ces monnaies ne correspondaient jamais à un montant rond. La conversion correspondait toujours à un chiffre à virgule, y compris à Rock Werchter, pourtant signataire du Code de conduite, où 1 coin équivalait à 3,80 € sur place et 3,50 € en prévente.

Et comme la signature de ce Code de conduite se fait sur une base volontaire, beaucoup de festivals se dispensent purement et simplement d’en respecter les règles.

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Une plainte déposée auprès de l'Inspection économique

Certaines pratiques nous ont contraints à déposer plainte auprès de l’Inspection économique pour des pratiques contraires à la législation.

  • Nous avons ainsi dénoncé Les Ardentes et Tomorrowland pour des frais cachés illégaux qui auraient dû être inclus dans le prix du billet. 
  • Nous avons également porté plainte contre Ronquières, Paradise City, Les Ardentes, Pukkelpop, Graspop et Rock Werchter, où le parking — et parfois même le billet d’entrée — ne peut être payé qu’électroniquement
  • Quant à Brosella, il n’accepte pas les espèces à tous les stands, ce qui figure aussi dans notre plainte.

Par ailleurs, nous demandons une application plus stricte des règles encadrant les monnaies virtuelles complexes et les frais de remboursement.

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