Les Belges sont-ils prêts à consommer de la viande cultivée en laboratoire?

Viande cultivée, insectes, algues, protéines végétales… Les alternatives à la viande se multiplient. Une enquête menée en Belgique et en Europe révèle l’ouverture – mais aussi les doutes – des consommateurs face à ces nouveaux aliments, avec une attention particulière pour la viande cultivée en laboratoire.

Pourquoi réduire notre consommation de viande ?
Vous avez probablement entendu dire que l'utilisation d'insectes dans l'alimentation a été autorisée en Europe... Mais avez-vous entendu parler de l'utilisation de la fermentation pour générer de nouvelles protéines ou de la viande de laboratoire ? Il s’agit d’alternatives pour ceux qui veulent/doivent consommer moins de viande, qui s'ajoutent aux aliments du type légumineuses, fruits à coque ou produits laitiers.
Une surconsommation de protéines animales en Europe
Aujourd'hui, en Europe, nous mangeons trop de protéines, surtout d'origine animale. En moyenne, notre consommation est deux fois supérieure aux recommandations nutritionnelles. La viande et ses dérivés sont la principale source de protéines animales. Il s’agit de l'aliment protéique de référence.
En 2024, le rapport entre la consommation de protéines animales et végétales était d'environ 60/40. Dans le cadre d’une alimentation saine, il faudrait tout simplement inverser cette proportion : ce changement de ratio est appelé « transition protéique ».
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Un impact environnemental lourd
Au-delà des raisons de santé, la production de viande a un coût écologique : elle nécessite de grandes surfaces de terre pour l’élevage et l’alimentation des animaux ainsi que d’énormes quantités d’eau et d’énergie, sans oublier les gaz à effet de serre dégagés par le fumier et la digestion des animaux. Une règle à avoir en tête : plus l’animal est grand, plus son impact est important sur l’écosystème.
Ce type d'alimentation n'est d'ailleurs pas durable : si les niveaux de consommation de l'Europe étaient généralisés au monde entier, trois planètes ne seraient pas encore suffisantes pour couvrir notre consommation. Il est donc plus qu’urgent de rechercher d’autres sources de protéines.
Les recommandations nutritionnelles sont, en outre, de consommer moins de viande et plus de protéines végétales. Est-il possible d’adopter une alimentation saine, avec suffisamment de protéines, tout en étant respectueux de l'environnement ? Si oui, comment s’y prendre ? Que sommes-nous prêts à sacrifier ou à changer ?
Vers le haut de la pageQue pensent les consommateurs de ces alternatives ?
Euroconsumers, qui regroupe plusieurs associations européennes de consommateurs, dont Testachats, a mené une enquête auprès d'un échantillon représentatif de la population en Belgique, en Espagne, en Italie et au Portugal.
Enquête Euroconsumers : des consommateurs ouverts mais prudents
Selon les résultats de cette vaste enquête, les consommateurs européens sont prêts à changer leurs habitudes alimentaires en faveur d'une alimentation plus durable. Toutefois, certains obstacles importants sont mis en évidence, tels que le coût et la disponibilité des aliments de substitution. Outre les aliments alternatifs traditionnels tels que les légumineuses et les autres produits végétaux, il existe de nouvelles catégories de protéines qui pourraient compléter le choix des consommateurs.
Les Belges toujours attachés à la viande
Dans l'ensemble, 87 % de la population interrogée se déclare omnivore, 10% flexitarienne et seulement 2 % végétarienne.
À l’échelle belge, les chiffres sont légèrement plus « encourageants » : 83% se déclare omnivore, 14% flexitarienne, et quasi 2% végétarienne. Pas de quoi fanfaronner cependant…
Concrètement, quel type de protéines le Belge consomme-t-il ? Dans le graphique ci-dessous, sont reprises les principales sources de protéines de notre population.
On voit que les différents types de viande (viande rouge, viande transformée, ou autres types de viande) arrivent assez haut dans le classement des sources de protéines que le Belge consomme au moins 1 fois par semaine. Seuls les produits laitiers font mieux que ces différents aliments carnés : 92% des Belges interrogés en consomment au moins une fois par semaine.
Vers le haut de la pageLe Belge est-il prêt à changer ses habitudes?
Si l'on considère les données dans leur ensemble, on constate qu'un bon pourcentage d'Européens a déjà réduit sa consommation de viande au cours des cinq dernières années :
44 % des Européens interrogés déclarent avoir déjà réduit leur consommation de viande par rapport à ce qu'ils consommaient il y a cinq ans et 12 % ont l'intention de le faire dans un avenir proche. Environ la moitié des personnes interrogées pensent que la réduction de la consommation de viande se généralisera au cours des dix prochaines années.
Cependant, 4 consommateurs européens sur 10 (41%) déclarent qu'ils n'ont pas l'intention de réduire ou d'arrêter la viande. En Belgique, ce chiffre est encore plus élevé : près de 5 Belges sur 10 (48%) ne prévoient aucun changement d’habitude.
Réduire sa consommation de viande plutôt que la remplacer
Quand on les interroge sur les raisons qui les empêchent de changer d’habitudes alimentaires, l’attrait pour le goût de la viande (43%) et son importance dans la culture et la tradition (35%) sont les 2 premiers éléments de réponse. En troisième vient un certain immobilisme : 32% ne sont en effet tout simplement pas prêts à changer leurs habitudes alimentaires.En outre, 40% consommateurs déclarent qu'ils préféreraient simplement réduire leur consommation de viande plutôt que de la remplacer par d'autres alternatives.
Vers le haut de la pageAlternatives à la viande : que connaît vraiment le grand public ?
Légumineuses, tofu, falafels, nuggets végétaux… L’offre augmente, mais reste perçue comme limitée par les consommateurs.
Des substituts végétaux en pleine croissance
Seuls 35 % des Belges interrogés pensent qu'il existe suffisamment d'alternatives pour remplacer la viande dans leur régime. Pourtant, ces alternatives existent bel et bien... On peut, entre autres, citer :
- Les produits alimentaires à base de plantes : hamburgers, nuggets, haché, falafels,… l’offre en substituts de viande ne cesse de croître, et Testachats analyse d’ailleurs régulièrement leur composition
- La fermentation de précision, qui utilise des micro-organismes pour créer des produits tels que le fromage sans produits laitiers ou les protéines en poudre, et qui est déjà utilisée aujourd'hui pour remplacer la présure d'origine animale dans de nombreux fromages traditionnels.
- La viande cultivée : probablement la plus ambitieuse des nouvelles opportunités alimentaires sur le plan technologique, elle nécessitera encore beaucoup de recherche et de soutien politique avant d'atteindre l'échelle commerciale, mais elle offre des possibilités passionnantes.
Il est probable qu’à l’avenir, nous voyons de plus en plus de produits alimentaires combinant différents systèmes... mais il ne faut pas oublier que ces produits sont, par définition, ultra-transformés et doivent recourir à des additifs et des substances de toutes sortes pour remplacer les propriétés d'un morceau de viande.
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Viande de culture : entre curiosité et méfiance
Les Belges, parmi les plus réticents en Europe
La moitié des personnes interrogées se disent prêtes à tester la viande cultivée s'il s'agissait d'un produit autorisé disponible sur leur marché. Cependant, si l’on regarde à l’échelle nationale, les Belges semblent les moins prêts parmi les 4 pays sondés : seulement 44% des Belges seraient prêts à les tester, contre 47% en Italie, 53% au Portugal et 56% en Espagne. Les conditions "d'acceptation" peuvent varier considérablement : ils évoquent tantôt les avantages pour la santé, tantôt le goût, le prix, ou encore le bien-être des animaux. Mais il y a une chose sur laquelle ils ne transigent pas, et ne devraient d’ailleurs pas transiger : la sécurité alimentaire.
- 44% des Européens interrogés déclarent qu'elles ne font tout simplement pas confiance à la viande d'élevage.
- La moitié craint que la viande cultivée présente des risques sanitaires sur le long terme.
- A contrario, seulement 37% se disent prêts à consommer de la viande cultivée s’il est prouvé que celle-ci est meilleure pour la santé. En Belgique, ce chiffre tombe même à 29% !
Le consommateur connait-il la viande de culture ?
Seuls 13 % des répondants se sentent informés à ce sujet et près de la moitié des consommateurs qui ont participé à l'enquête n'en ont jamais entendu parler. Le reste des personnes sondées en a entendu parler, mais déclare ne rien y connaître.
Ce que les consommateurs attendent avant d’y croire
L'option privilégiée pour réduire la consommation non durable de viande est de diversifier les apports en augmentant la consommation de légumes secs ou de fruits à coque. Mais un jour, la viande cultivée, comme d'autres options, pourrait finir par vaincre la résistance des consommateurs qui ne veulent pas renoncer au goût, à l'aspect ou aux propriétés de la viande.
Pour cela, il faudrait cependant que ce nouvel aliment offre de nombreuses garanties. Il doit être :
- Sûr : la viande cultivée doit être approuvée par l'EFSA (autorité européenne de sécurité alimentaire) et faire l'objet d'un contrôle ultérieur afin de rassurer les consommateurs sur sa sécurité à long terme.
- Abordable pour tous : elle doit être moins chère ou au même prix que la viande ordinaire.
- Compétitif sur le plan nutritionnel : elle doit offrir des protéines de haute qualité et des nutriments essentiels tels que la vitamine B12 et le fer.
- Savoureux : pour qu'elle ait le même goût que la viande traditionnelle, il est essentiel de perfectionner les profils des graisses et des acides aminés.
- Durable : les avantages environnementaux de la viande cultivée doivent être expliqués aux consommateurs, notamment au moyen d'un étiquetage clair et attrayant.
- Correctement présenté : les produits doivent comporter des informations claires sur la composition, la transformation et l'origine afin de permettre aux consommateurs de faire un choix éclairé.
Mieux informer pour lever les résistances
Pour les associations d’Euroconsumers dont fait partie Testachats, il est impératif d'améliorer la sensibilisation des consommateurs grâce à des campagnes impartiales. Celles-ci doivent être fondées sur des données scientifiques qui expliquent les possibilités offertes par les nouveaux aliments ainsi que leurs avantages par rapport à la viande traditionnelle. En effet, les consommateurs veulent des alternatives alimentaires abordables et durables, sans pour autant sacrifier les garanties.
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