Nitrates et nitrites: bon ou mauvais pour notre santé?

Les nitrates (NO3) se cachent dans de nombreux légumes, notamment à feuilles comme les épinards, les blettes, le céleri ou encore les betteraves. Ils sont naturellement présents dans le sol, et renforcés par les engrais (azotés). Cette fertilisation des sols, associée aux rejets industriels, les fait aussi pénétrer dans les eaux de surface et donc se retrouver dans l’eau du robinet.

Ils sont également utilisés comme additifs (E251 et E252) par l’industrie agroalimentaire. « Les nitrates provenant des additifs alimentaires ne représentent toutefois que 5 % de l’apport total en nitrates », précise Katrien Renders, notre experte en alimentation.

Les nitrites (NO2), issus des additifs alimentaires (E249 et E250) et des nitrates par conversion, traînent une sale réputation. Ce sont des molécules opportunistes, très réactives et versatiles vis-à-vis d’autres particules rencontrées sur leur chemin. En particulier dans le corps humain où, par un phénomène en cascade, ces nitrites peuvent générer divers effets biologiques. Effets entre autres carcinogènes pour l’intestin:

Heureusement, les nombreux atouts des légumes contrebalancent amplement leurs apports en nitrates. Le souci est plutôt à chercher du côté des nitrates et nitrites qui, sous forme de « sels » et autres additifs chimiques, sont ajoutés à nos aliments comme conservateurs. Et qui viennent alourdir l’ardoise nitrates & nitrites en fin de journée (légumes + eau du robinet + nitrites endogènes, etc.). Une addition salée, qui peut vite dépasser les doses journalières admissibles (DJA) fixées par les autorités sanitaires.

Rôle et autorisations d'utilisation complexes

Les normes européennes pour les nitrates de potassium (E252) et de sodium (E251), ainsi que les nitrites de potassium (E259) et de sodium (E249), sont en cours de révision. De nouvelles normes devraient sortir pour la fin de cette année.

Où les trouve-t-on ? L’exemple notoire est celui du jambon, dont le rose, si appétissant dans l’étal du charcutier, n’est dû qu’à la présence de nitrites. Ceux-ci n’ont cependant pas qu’un rôle 'cosmétique', pour le plaisir des yeux du consommateur gourmand : les nitrates et les nitrites stabilisent le goût et assurent une fonction protectrice, dans le cadre de la sécurité alimentaire, contre certains micro-organismes. Notamment contre la bactérie Clostridium botulinum, à l’origine du botulisme. Cette maladie est heureusement devenue extrêmement rare sous nos latitudes. Les nitrites sont donc autorisés dans les produits carnés, dont la charcuterie (jambon, bacon...).

Pour la viande, les autorisations actuelles sont complexes et leur interprétation, souvent ambiguë. Aucun nitrite ou nitrate ne peut être ajouté dans la viande fraîche (= sans ajout de marinades, d'assaisonnements, etc.). Dans les préparations de viande, on ne peut généralement pas ajouter de nitrites. Par « préparations de viande », on entend « les viandes qui ont été réduites en fragments, auxquelles ont été ajoutés des denrées alimentaires, des condiments ou des additifs ou qui ont subi une transformation insuffisante pour modifier à cœur la structure fibreuse des muscles et faire disparaître les caractéristiques de la viande fraîche » (la structure du muscle est encore reconnaissable). Mais il existe de nombreuses exceptions, comme le lomo de cerdo abodabo espagnol, par exemple.

Nitrites et/ou nitrates peuvent être ajoutés aux « produits à base de viande »/« produits transformés » où  la surface de coupe à cœur permet de constater la disparition des caractéristiques de la viande fraîche.

A noter que la quantité de nitrites/nitrates autorisée est plus faible dans les produits bio. Le label Biogarantie, encore plus strict, n'autorise aucun ajout de nitrite.  

Et ailleurs ?

Au niveau des fromages, on trouve souvent E251 ou E252 parmi les ingrédients (pas autorisé dans les fromages bio).

N’allez cependant pas croire qu’il n’y a pas de nitrites si aucun 'E...' n’apparaît parmi les ingrédients. Ce serait trop simple et mal connaître ces chenapans de nitrites: les nitrates peuvent se transformer en nitrites tout seuls, dans l’aliment, sous l’influence de bactéries. Un phénomène naturel, utilisé par l’industrie pour bénéficier des effets des nitrites sans en mettre - ainsi, pas de 'E...', que le consommateur n’aime pas trop, sur l’étiquette -, en recourant à des extraits de légumes riches en nitrates. Nous avions dénoncé, avec succès, cette pratique commerciale, il y a trois ans.

Les nitrites en excès dans le sang peuvent interférer avec l’hémoglobine. Ils la transforment en « méthémoglobine », empêchant les globules rouges de jouer pleinement leur rôle de 'taxi' de l’oxygène vers les organes et les muscles. Les bébés (moins de 6 mois) sont particulièrement à risque. C’est le syndrome du bébé bleu (déficit en oxygène).

C’est pour éviter cette intoxication (entre autres) qu’on peut lire sur les bouteilles d’eau, en fonction de leur teneur en nitrates, la petite phrase : « convient pour la préparation des aliments pour nourrissons ».

Les effets positifs des nitrates et des nitrites alimentaires sur la santé, étudiés tout particulièrement ces dix dernières années, sont à attribuer à leur conversion en oxyde nitrique (NO). Certains sportifs s'y intéressent pour essayer d'augmenter leurs performances. 

L'oxyde nitrique est utilisé par la paroi interne des vaisseaux sanguins (l'endothelium) pour détendre les muscles lisses, ce qui entraîne une dilatation des vaisseaux (vasodilatation) et une augmentation du flux sanguin. D'où l'intérêt des athlètes - certains sont dès lors tentés de recourir à une supplémentation en nitrates (NO3), notamment via le jus de betterave rouge et les épinards, qui en sont riches.

Une méta-analyse de 2018 montre qu'une supplémentation (pour la plupart par du jus de betterave) semble être plus efficace chez les non-athlètes que chez les athlètes, en particulier lors de l'évaluation des performances (tests d'endurance). Les effets n'affectent pas les performances physiques des athlètes, y compris chez les cyclistes qui représentent la population sportive la plus étudiée. Enfin, les sujets qui présentent une moins bonne condition physique seraient plus sensibles aux effets d'une supplémentation que les sujets mieux entraînés.

La prise d'un complément riche en nitrates provenant de jus de betterave rouge (300 à 500 mg de nitrates) améliorerait les performances de 1 à 3 %.

Par ailleurs, certaines études montrent que les suppléments de jus de betterave rouge abaisseraient la pression artérielle.

Les nitrites, quand ils se lient à certains acides aminés des protéines, sont à l’origine de la formation de 'nitrosamines', autres composés chimiques dont nombre sont cancérigènes.

C’est dans le bacon frit (température élevée) qu’on en trouve le plus. Mais aussi dans d'autres produits de viande ou produits séchés tels que le malt pour la fabrication de la bière, les produits fumés ou les aliments saumurés. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu en 2023 qu'il est très probable que l'exposition alimentaire aux nitrosamines soit supérieure au niveau préoccupant pour la santé dans tous les groupes d'âge.

Le danger potentiel des nitrates et des nitrites vient se greffer à d’autres facteurs de risque - déjà connus de la population et parfois bien pires pour la santé -, comme le tabagisme, l’obésité, la sédentarité, l’abus d'alcool, le déficit en céréales complètes, etc. Bannir la charcuterie ne suffit donc pas. Il faut aussi, par exemple, faciliter la compréhension, pour le consommateur, de notions 'techniques' comme « viande transformée », « produits de viande », « préparations de viande », etc., définitions qui répondent à des recommandations nutritionnelles différentes, et qui permettent par ailleurs de déterminer si ces produits contiennent ou non des additifs de type 'nitrites' (cf. notre tableau).

Et les labels « sans nitrite » qui fleurissent sur les emballages ? Nous ne sommes pas favorables aux ingrédients alternatifs utilisés par les industriels et fabricants pour remplacer les nitrates et les nitrites et ainsi embellir leur image à grands coups de marketing. Ce peut être trompeur dans certains cas car les mêmes substances se retrouvent au final dans le produit, mais par le biais d'extraits de légumes (bouillons), de levures ou de bactéries. Les nouveaux additifs (polyphénols utilisés comme antioxydants + vitamine C, p.ex.) doivent être approuvés et jugés sûrs avant de pouvoir être utilisés. 

Protéger le consommateur avant tout

La balance bénéfices-risques doit toujours profiter au consommateur. Les législations et les autorisations devraient être régulièrement adaptées en fonction des nouvelles connaissances scientifiques. Après avoir analysé les dernières données, l'agence française a "confirmé en juillet 2022 le lien entre le risque de cancer colorectal et l'exposition aux nitrites et/ou aux nitrates, qu'ils soient ingérés sous forme de viande transformée ou d'eau potable." Et plus la consommation est élevée, plus le risque de cancer colorectal est important. L'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu en 2023 que l'exposition aux nitrosamines potentiellement cancérigènes était trop élevée.

L'ANSES recommande donc de limiter la consommation des substances en question. Cela peut se faire par le biais de notre alimentation, par exemple en réduisant l'utilisation d'additifs contenant des nitrites dans la charcuterie. En effet, la consommation de charcuterie représente plus de la moitié de notre consommation de ces additifs.

En tant qu'association pour les droits des consommateurs, nous demandons que ces additifs, réévalués à la lumière des découvertes scientifiques les plus récentes, ne soient autorisés que s’il est prouvé qu’ils sont « technologiquement » incontournables. L’utilité de l’ajout denitrites dans la charcuterie pour limiter la prolifération de micro-organismes pathogènes comme le Clostridium botulinum, la bactérieresponsable du botulisme qui peut se révéler potentiellement mortelle,est, par exemple, de plus en plus remise en question, ces dernièresannées. Faut-il encore l'accepter ? 

Nous demandons également à la Commission européenne que les seuils autorisés de ces additifs soient revus à la baisse, comme c’est déjà le cas au Danemark, et aux fabricants d'en limiter la présence.

Les connaissances en matière de nitrates et de nitrites évoluent régulièrement. Des recommandations qui étaient encore valables hier ne le sont plus forcément aujourd'hui. Testez donc votre savoir !

• Mieux vaut ôter les nervures des feuilles d'épinards et de salade pour réduire la teneur en nitrates.

• Les légumes bio ne contiennent pas du tout de nitrates.

• En été, la teneur en nitrates des légumes est plus faible.

• Il ne faut jamais réchauffer des épinards, cela contribue à la formation de nitrosamines.

• Il ne faut pas associer du poisson avec des légumes riches en nitrates, comme les épinards.

Réponses

Vrai

Faux: ils en contiennent aussi, mais moins.

Vrai

Faux

Faux

Source: sur base des recommandations du Conseil supérieur de la Santé