Dossier

Pour des médicaments à prix abordables

26 mars 2021
Guerissez l'industrie pharmaceutique

Les prix demandés par les entreprises pharmaceutiques pour leurs médicaments ne sont pas soutenables pour notre système de soins de santé. Le remboursement de traitements efficaces pourrait s'en trouver compromis. Les pouvoirs publics doivent réagir pour briser cette spirale d’augmentation des prix.

Combien coûte un vaccin anti-Covid?

Les prix que nous mentionnons ici à gauche sont basés sur de nombreuses sources telles que les rapports d’entreprises elles-mêmes, des informations provenant des médias, des contrats aux États-Unis ... Le prix que l'Europe a accepté et que nous allons donc payer est actuellement secret.

Le vaccin ne vous coûtera rien en pharmacie, au final. Le coût des différents vaccins sera remboursé intégralement par l’assurance-maladie. Cela signifie-t-il que le vaccin contre le coronavirus sera complètement gratuit pour la population ? Non, au contraire. Nous payons déjà à deux reprises pour les médicaments classiques, mais au vu de la situation, il est possible que nous devions payer trois fois les vaccins contre le coronavirus.

Une première pour la recherche et la production

Les vaccins contre le coronavirus ne tombent pas soudainement du ciel. Pour que ces vaccins arrivent en pharmacie, d’importantes recherches scientifiques ainsi qu’un travail logistique titanesque sont nécessaires. Comme le processus de développement des vaccins contre le coronavirus a été accéléré sensiblement, les sociétés pharmaceutiques prennent des risques importants qu’elles ne prendraient pas dans des circonstances normales. Elles investissent dans la production d’un vaccin sans en connaître véritablement l’efficacité et la sûreté. C’est pourquoi des subsides substantiels ont été accordés au niveau européen. Pour résumer, nous pourrions dire que l’Europe couvre les coûts des préinvestissements que les fabricants ont réalisés pour pouvoir produire ultérieurement leur vaccin contre le coronavirus à grande échelle. Concrètement, l’Europe a dégagé pas moins de 2,7 milliards d’euros. Des contrats définissent le montant que chaque société recevra. Malgré tout, quelques questions restent en suspens.

Que disent les contrats ?

La Commission européenne négocie au nom de tous les États membres avec les différentes sociétés pharmaceutiques en lice pour la production d’un vaccin contre le coronavirus. Une fois qu’un contrat est conclu, chaque État membre a cinq jours ouvrables pour décider s’il signera ou non. Ensuite, chaque État membre prend lui-même en charge l’achat des vaccins. Dans notre pays, l’évaluation de ces contrats est réalisée par un comité spécial au sein de l’agence des médicaments (AFMPS). Il conseille la Conférence interministérielle Santé publique dans le cadre de la décision de signer ou non un contrat. Étant donné que l’Europe négocie à présent au nom de tous les États membres, les discussions impliquent des commandes de plus grandes quantités, ce qui permet d’obtenir de meilleurs prix et conditions. C’est donc une bonne chose. 

Un contrat de ce type déterminera, entre autres, le montant que l’Europe devra mettre sur la table à titre d’investissement initial. D’autres conditions seront également fixées dans ce contrat, comme les responsabilités, le prix demandé, etc.

Il existe deux contrats possibles :

  • Contrat contraignant : Chaque État membre qui décidera de signer ce contrat aura l’obligation d’acheter le nombre de vaccins réservés si le vaccin est commercialisé. Il existe actuellement un tel accord avec AstraZeneca, Johnson & Johnson, Moderna, Curevac et BioNTech/Pfizer. Notre pays a déjà signé pour les deux doses du vaccin avec AstraZeneca pour 7,5 millions de doses, avec Johnson & Johnson pour 5 millions de doses, avec Pfizer pour 12,5 millions, avec CureVac pour 2,9 millions de doses et avec Moderna pour 5,8 million de doses. 
  • Contrat avec droit d’achat: L'achat n'est pas obligatoire et peut être décidé à une date ultérieure. Si le pays decide en effet de conclure un contrat avec la firme, les conditions négociées par l’Europe avec le fabricant s’appliqueront. Un contrat de ce type a été conclu avec Sanofi/GSK pour 7,5 millions de doses.

Le contenu des contrats reste en grande partie confidentiel. Plusieurs contrats ont été rendus publics suite à la grande pression de la société civile mais les informations les plus importantes ont été censurées. Cependant, ces contrats sont la seule manière de savoir quelle somme d’argent public a réellement été injectée dans le développement et la production des vaccins contre le coronavirus et si les risques pris par les sociétés pharmaceutiques sont répartis de manière égale entre les pouvoirs publics et les sociétés elles-mêmes. On en sait également très peu sur les négociateurs ou si ces derniers sont bel et bien complètement indépendants.

 

Combien d’argent reçoit chaque firme?

En Europe, les contrats sont en grande partie confidentiels. Impossible donc, de dire combien d’argent l’Europe donne à chaque firme et de quelles conditions le financement est assorti. Cependant, il est clair que le monde entier investit des sommes gigantesques dans ces vaccins, surtout les États-Unis. Leur communication en la matière est (un peu) plus ouverte, et ils communiquent les montants accordés ainsi que les fins générales auxquelles ces montants sont versés. Ci-dessous, une vue des investissements pour les vaccins pionniers.

     

 
Existe-t-il des conditions préalables à la recherche financée par des fonds publics ?

Dans le cadre du développement des vaccins contre le coronavirus, les chercheurs ont recours à des recherches réalisées dans le passé, souvent financées en partie par des fonds publics. Ainsi, pour le développement de son vaccin, Johnson & Johnson a utilisé la même technologie que pour le vaccin contre Ebola, qui avait reçu à l’époque des subsides substantiels, et celui d’AstraZeneca a été développé à l’Université d’Oxford, une institution financée par des fonds publics. En règle générale, ces recherches avec un financement (partiellement) public ne sont guère soumises à conditions, ce qui est très regrettable.” Ainsi, les sociétés ne doivent par exemple pas s’engager à demander un prix raisonnable. 

Dans le cadre du vaccin contre le coronavirus, il a été défini que les États membres pouvaient fournir des aides d’Etat aux développeurs des vaccins pour la recherche et le développement, mais ces derniers seront ensuite obligés de travailler avec des licences non exclusives. En d’autres termes, d’autres entreprises pourront, au bout du compte, également produire le vaccin. Par exemple, l’Université d’Oxford a conclu un contrat avec AstraZeneca pour poursuivre le développement de son vaccin. Nous ne savons pas si le contrat est non exclusif ou non. L’Université refuse la transparence sur cet accord.

Un autre exemple extrême d'un tel investissement public est le candidat-vaccin de Moderna, qui a été largement financé par les contribuables américains. La firme travaille depuis plusieurs années sur la recherche du nouveau vaccin et technologies médicamenteuses mRNA. Pour cela, elle a reçu ces dernières années des subsides qui se chiffrent en millions provenant d'organisations internationales et américaines. Ainsi, pour le développement de leur vaccin contre le corona, qui est basé sur cette technologie, ils pourraient profiter de ces connaissances financées par des fonds publics. Leur vaccin contre le corona a été co-développé avec des chercheurs du National Institute of Health financé par l'État, et les études précliniques et cliniques ont été financées presque entièrement par le gouvernement américain qui a mis 836 millions d'euros sur la table à cette fin.
 

Une deuxième fois pour l’assurance-maladie

Lorsque nous pourrons obtenir un vaccin gratuit contre le coronavirus en pharmacie, nous pourrons remercier l’intervention de l’assurance-maladie (INAMI). Mais les fonds de l’INAMI doivent bien venir de quelque part. C’est dans nos contributions sociales et nos impôts que l’INAMI les trouve. En 2019, l’Inami a dû débourser quelque 4,66 milliards d’euros pour le remboursement des médicaments. Soit en moyenne environ 400 € par habitant. 

Une troisième fois pour les demandes d’indemnisation

Les sociétés pharmaceutiques tentent de reporter la responsabilité de leurs vaccins candidats sur les pouvoirs publics. Avec succès, semble-t-il. En fonction du prix que les sociétés demanderont pour leur vaccin, les pouvoirs publics aideront à prendre en charge les coûts des demandes d’indemnisation liées à des effets secondaires inconnus au moment de la commercialisation. Bref, en tant que contribuable, vous devrez ici aussi mettre la main au portefeuille.